
Mad Max : l’avant Fury Road (un œil dans le rétro)
Va-va-voum ! Avant de mettre le turbo sur Mad Max : Fury Road, que diriez-vous d’une petite rétrospective de la saga imaginée par George Miller, véritable détonation dans le paysage cinématographique des années 1980 ? Fan de la première heure, Mikano met les mains dans le cambouis et retrace l’épopée post-apo du guerrier de la route pour la jeune génération, qui n’aurait pas encore vu les films de la série. Histoire de replacer ce personnage légendaire et son univers dans le contexte de l’époque. Et de réaliser l’importance de son influence dans l’inconscient collectif. Car Max Rockatansky est un mythe. Un héros devenu universel. Mieux : un manifeste “contre-culturelˮ. Petite piqûre de rappel avec cette séance de rattrapage…
Mad Max, premier du nom, a failli ne jamais sortir en France. Heureusement, après trois ans d’interdiction, ce film “classé X” pour extrême violence (et donc uniquement projeté dans le circuit des salles pornographiques) débarque enfin sur les écrans en janvier 1982, dans une version dénaturée et amputée de sept minutes trente ! À l’époque, les distributeurs français pensent intituler le film… “Matière hurlante”, en clin d’œil au magazine de bande dessinée Métal Hurlant. Victime de la censure giscardienne, le film est “libéréˮ par le ministre de la culture socialiste Jack Lang suite au succès dans les salles françaises de Mad Max 2, le défi en août 1982. Mad Max ressort en effet en version intégrale dès janvier 1983. Mis en boîte entre l’hiver 1977 et mai 1978, ce long métrage, au budget de 350 000 dollars, est hélas toujours interdit aux mineurs (ce qui contribue à établir sa réputation).
Âgé seulement de 12 ans, je désespère de voir un jour cette série B furieuse et paroxystique, ce fleuron de l’Ozploitation, qui “attire voyous et délinquants.” Je tente de m’infiltrer dans un cinéma de banlieue, celui du centre commercial des Flanades, à Sarcelles, mais la caissière asiatique me refoule à l’entrée, après avoir contrôlé ma carte d’identité. J’enrage d’autant plus que j’ai déjà vu Mad Max 2 à plusieurs reprises quelques mois auparavant (cette suite n’a écopé que d’un simple avertissement).
Une affiche, c’est la promesse d’un rêve. Et la tagline de Mad Max disait : “Quand la violence s’empare du monde, priez pour qu’il soit là…” Et moi aussi j’ai prié, prié, pour découvrir ce road movie mythique, vision terrifiante d’un monde assailli par la barbarie. Hélas, ce sont mes parents qui s’en sont mêlés en demandant au responsable de leur vidéoclub de NE PAS ME LOUER CE FILM ULTRAVIOLENT ! Autant dire que le guerrier de la route était devenu mon Arlésienne. Ma quête du Graal. Un pur fantasme. Une dangereuse obsession.
Un jour d’été, profitant que mes géniteurs étaient partis en vacances, j’ai réussi à me procurer en cachette une vidéocassette Warner en VF qui proposait une version intégrale – mais Pan & Scannée (recadrée) – du film australien. Le soir, seul à la maison, j’enclenche, tout tremblant, la VHS dans le lecteur et j’attache ma ceinture. Autant vous dire que je n’ai pas été déçu.
Dans un futur proche, des bandes de motards font régner la terreur. Tout de cuir vêtu, Max, un flic intègre, les traque au volant de son Interceptor, bolide noir aux huit cylindres en V (une Ford Falcon XB Coupe 351, avec compresseur et moteur modifié qui suce de la nitro !). Mais les punks font cramer son meilleur ami, Jim Goose, puis écrasent en moto sa femme et son enfant en bas âge.
Anéanti, le policier bascule dans la folie meurtrière. Les mains crispées sur le volant de son V-8, il élimine méthodiquement tous les membres du gang. Sa vengeance sera terrible. Il n’y a guère qu’à Johnny the Boy (un violeur qui ressemble étrangement à Sid Vicious, le bassiste des Sex Pistols) qu’il laissera le choix – brûler vif ou… s’automutiler : “La chaîne de ces menottes est en acier à haute résistance. Il te faudrait dix minutes pour la couper avec ça (une scie !). Avec un peu de chance, tu te trancheras la cheville en cinq minutes…ˮ Badass or not ?
J’ai entendu des réflexions imbéciles sur l’idéologie douteuse du premier Mad Max, que certains ont vite taxé de film fasciste prônant l’autodéfense et l’apologie de la violence. Son réalisateur, George Miller, se défend : “Il n’y a quasiment pas une goutte de sang dans mon film. Tous les effets violents ont été réalisés au montage. Ici, la violence est davantage psychologique.” Étudiant en médecine, puis interne aux urgences d’un hôpital de Melbourne, Miller était en contact quotidien avec les accidentés de la route. “Il y a en Australie une passion pour l’automobile comme aux États-Unis une culture des armes à feu. C’est un pays avec un taux impressionnant de morts par accident de voiture. Et Mad Max est un spectacle qui a la force d’impact d’un car crash.” On voit d’ailleurs dans le film des cascades automobiles qui ne respectent guère les codes de sécurité les plus élémentaires. Un cascadeur l’a d’ailleurs payé de sa vie.
Max-le-dingue doit aussi beaucoup à un jeune acteur inconnu de 23 ans, qui deviendra par la suite une star internationale : Mel Gibson, engagé après s’être pointé au casting la tête en sang à la suite d’une bagarre. Regard bleu acier, le jeune comédien, payé 15 000 dollars pour le rôle, est en effet incroyablement charismatique dans la peau de cet antihéros névrosé. Trait d’union entre Dirty Harry et Judge Dredd, ce personnage Eastwoodien – “Homme sans nomˮ de l’ère atomique – sera de retour dans une suite très différente, mais encore plus réussie : Mad Max 2, le défi (The Road Warrior, 1981), qui obtient le grand prix du Festival international du film fantastique d’Avoriaz. Un avertissement Dolby Stereo aux portes du 21e siècle. Et un nouveau cauchemar de la ligne blanche !
Dans un monde post-apocalyptique qui a sombré dans le primitivisme, les réserves de pétrole sont presque épuisées. Max erre sur les routes désertiques, jonché de tôles calcinées, à la recherche de carburant. Pour quelques gouttes d’essence, il est amené à défendre la raffinerie d’une communauté de survivants. Des hippies assiégés par une horde de barbares motorisés, menés par une montagne de muscles au masque de fer, sorte d’Attila irradié, Humungus (“Gloire et honneur au Seigneur Humungus, Ayatollah suprême des rock and rollers.”).
Ce western futuriste, qui remplace les Indiens par des punks iroquois aux engins délirants, offre des cascades stupéfiantes et des courses-poursuites filmées au ras du bitume. George Miller confère un rythme survolté à cet Apocalypse Now auto-moto. Véritable épopée de fer, de sang, de fureur et de vrombissements. Car il y a une économie de gestes et de mots (mais aussi de gasoil !) dans ce film où même le générique est expédié en soixante secondes chrono.
Toujours aussi taciturne, le Road Warrior accompagné d’un chien y croise un enfant sauvage, le “Feral Kidˮ, armé d’un boomerang chromé aux bords tranchants comme un rasoir. Le rebelle sans cause affronte aussi des brutes SM (le vilain Wez tenant en laisse son petit “protégéˮ, un giton peroxydé) et des mutants géants, bardés de chaînes, de bottes, de cuir clouté. Tout un Barnum homoérotique et un fétichisme vestimentaire qui inspireront de nombreuses bandes ritales dégénérées, copiant sans vergogne la saga et son lot de punks albinos.
En 1982, au Palais des Sports, Johnny Hallyday, recouvert d’une peau de bête, pille lui aussi dans son show – Le survivant – l’univers mad-maxien. “L’idole des jeunesˮ récidivera d’ailleurs dans le très bis Terminus en 1987. Un nanar au titre prémonitoire. Mais sans Mad Max, pas de Snake Plissken dans New York 1997. Pas de saga Terminator. Ni de Camion de la mort, Cherry 2000 ou de Livre d’Eli. Voire de Bellflower ou de The Rover. Tout le monde s’est mis, un jour ou l’autre, à la mode Mad Max, y compris Kevin Costner, qui a essayé deux fois de suite (Waterworld et Postman, en 1995 et 1998).
Le héros asexué (car Max n’a eu aucun rapport sexuel depuis la mort de sa femme…) sera de retour en 1985 dans Mad Max : au-delà du dôme du tonnerre (Mad Max Beyond Thunderdome). Reconverti en chamelier du désert, les cheveux longs, Max est pris pour un messie par une colonie d’enfants sauvages, qui vont redonner un peu d’humanité au personnage (rassurez-vous, ils meurent presque tous). Miller s’inspirerait-t-il de Sa majesté des mouches ? En effet, comme dans le livre de William Golding, ces gosses livrés à eux-mêmes sont les rescapés d’un crash d’avion.
À Bartertown, Max devient aussi un gladiateur, participant à des jeux du cirque futuristes, pour le compte d’Aunty Entity (Tina Turner, sensass), une femelle qui règne sur la ville du troc. On trouve également un substitut au pétrole : l’excrément de porcs que l’on transforme en méthane ! Enfin, le méchant est interprété par Angry Anderson, le chanteur chauve et tatoué du groupe de hard rock Rose Tattoo !
Plus aseptisé et “américanisé”, ce troisième volet, émaillé par quelques longueurs (un comble pour une série basée sur la vitesse), déçoit quelque peu. Le compositeur Brian May (pas le guitariste de Queen, l’autre) est d’ailleurs remplacé par Maurice Jarre et le Royal Philarmonic Orchestra. Le film offre heureusement une longue poursuite finale qui renoue avec la tradition. Et la mise en scène de George Miller est toujours aussi inspirée (il a coréalisé le film avec un certain George Ogilvie, chargé des scènes avec les enfants).
Trois décennies plus tard, le roi de l’asphalte s’apprête donc à faire son come-back en mode brutal dans Mad Max : Fury Road, sous les traits iconiques de Tom Hardy (Mel étant devenu Mad pour de bon, avec ses déclarations antisémites tenues sous l’influence de l’alcool). Également trop âgé pour reprendre le rôle, Gibson est apparu jeudi soir – le 7 mai – à la première mondiale du film à Los Angeles, foulant le tapis rouge du mythique Chinese Theatre, le seul cinéma équipé en IMAX à Hollywood, en compagnie de Tom Hardy (qui aurait à peu près vingt lignes de dialogues dans le film), mais aussi Charlize Theron et son compagnon Sean Penn. Présenté hors-compétition au Festival de Cannes le jeudi 14 mai, ce blockbuster à 150 millions de dollars sera enfin visible en France le jour même, à partir de 13 heures (un conseil : réservez dès à présent votre séance).
Dès sa sortie, le Daily Mars reviendra longuement sur l’événement cinématographique de l’année (à égalité avec Star Wars : Épisode VII – Le Réveil de la Force, si vous y tenez…). George Miller, qui a abandonné cochons (Babe et sa suite) et manchots (les deux Happy Feet), est revenu derrière la caméra pour l’occasion. Et il ne peut pas nous décevoir ! Max comme maximum ? On allume un cierge. Et l’on croise les doigts. La ligne d’horizon est la seule limite. Max mon amour, je vais encore regretter de ne jamais avoir décroché mon permis de conduire.
NdA : Cet article est dédié à la mémoire de l’associé de George Miller, le producteur Byron Kennedy, mort tragiquement dans un accident d’hélicoptère en 1983, lors de repérages.
Mad Max Legacy : la bande-annonce
Bonus : la trilogie “mad-maxienneˮ d’Enzo G. Castellari, comprenant Les nouveaux barbares (1982), Les guerriers du Bronx et Les Guerriers du Bronx 2 (1982-83), sortira en import Blu-ray américain chez Blue Underground avec sous-titre français, le 30 juin prochain ! Des disques lisibles sur les platines françaises.
Pour coïncider avec la sortie de Mad Max : Fury Road, Warner vient de ressortir en Blu-ray les trois premiers volets de la saga à l’unité dans des boîtiers métal dit “Steelbookˮ, très prisés des collectionneurs :
Va vraiment falloir que je finisse par le voir un jour, ce film!
Au fait, est-il utile de préciser que Ken le Survivant est un énorme hommage à Mad Max? (regarde sa tenue, et puis les punks dans le monde post-apo désertique…)
Et moi, il va bien falloir un jour que je me mette à Ken le Survivant ! On échange de héros, le temps d’une soirée ?
Salutations Camille. Et bon dimanche.
Vois-le mais en vostfr par pitié! Et même mieux, lis le si tu peux david! 🙂
OK je prends note Pierre-Alexandre. Je vais me procurer le manga. Et regarder en VO les DVD de la série d’animation.
Bonne continuation. Et merci du conseil !
La VF de Ken le Survivant est exceptionnelle…ment débile ! Perso je suis fan, mais c’est clairement une interprétation très « personnelle ».
J’ai jamais eu le courage de me taper les 109 épisodes de la série (ou les 27 mangas) en revanche. Je me suis donc dirigé vers le long métrage de 1986 et j’ai trouvé qu’il tenait bien la route !
les OAV sont extrêmement bien fait, chacun centrant l’histoire sur un des protagonistes tout en avançant dans l’histoire principale jusqu’à son dénouement. J’ai fait l’impasse sur les séries, compte tenu que j’en avais déjà vu beaucoup à l’époque de la diffusion (+/- censuré) et que chaque épisode est assez redondant dans mes souvenirs.
Quand les premières critiques seront-elles officiellement autorisées ?
Après sa diffusion à Cannes, il me semble qu’il n’y a eu aucune projection presse.
Je confirme. Aucune projo en France pour la presse.
L’absence de Gibson (dire qu’il est trop vieux c’est débile vu que le bad guy du premier film est de retour dans un autre rôle), ça montre un manque de » burnes » suffit de lire cet article. https://theactionelite.com/2015/05/mad-max-fury-roads-george-miller-on-why-mel-gibson-couldnt-come-back/
Hello Spike,
J’ai été fan de Mel Gibson, mais il approche 60 ans. Ce n’est pas un reproche, c’est un constat. Pour lancer un reboot, c’est un peu âgé. Ce n’est pas mon choix, mais celui de la production. Quant au bad guy, Immortan Joe, il est interprété il est vrai par Hugh Keays-Byrne, qui tenait dans le premier Mad Max le rôle de Toecutter, le chef du gang de bikers. Mais il ne t’a pas échappé que l’acteur a le visage entièrement caché par un masque orné d’un motif crânien et de dents de chevaux. Donc on ne le reconnaît pas. Et puis ce n’est pas le héros du film. Juste le vilain. Ce n’est pas la même responsabilité. Car si Fury Road cartonne au box-office, George Miller relance la saga. Du coup, c’est bien d’avoir du sang neuf, non ?
Première review sur Aint It Cool News : » Fury Road » est qualifié de » Instant Classic » .
Merci Nico,
Depuis jeudi soir, je suis à la recherche sur le Net d’une critique du film. A cause de l’embargo, on n’en trouvait pas. Je vais dévorer cette review.
Thanxxx !
Malgrer le budget enorme je m’attendais a un film plus sombre commes les vieux.des motards aux look punk barbare etc.. comme dans mad max 2 le look a evoluer Bref je ne jette pas la pierre a george miller et a mel gibson mais liam neeson viellit bien lui et a fait pas mal de film d’action. bref ce mad max est pour la nouvelles generation tant mieux moi je vais àvoir 43 ans et que des courses poursuites ca me decoit il lui manque quelque chose ceci dit c’est bon divertissement c’est sur formater tom hardy est tres bon mais je prefere ryan gosling charismatique et violent dans drive d’aileur les 2 acteurs ont travailler avec le meme realisateur nicolas riding refen. donc pour moi c’est juste un bon blockbuster .Cdt
Salut Laurent,
Vu la conjoncture, Mad Max Fury Road est largement un palier au-dessus de la production actuelle. Je pense qu’il faut tenter de faire abstraction totale (je sais, c’est dur) de la première trilogie et comprendre, qu’en trente-six ans, les films d’action ont changé. Miller devait se renouveler. Son Mad Max 2015 ne pouvait plus ressembler à celui de 1979. Même si l’on trouve pas mal de points communs avec les épisodes 2 et 3. Malgré quelques réserves, ce reboot est, à mon sens, très réussi.