100 moments de télé, épisode 20 (Mad Men, Lost, Fringe, Studio 60, Nashville)

100 moments de télé, épisode 20 (Mad Men, Lost, Fringe, Studio 60, Nashville)

Vingtième et dernier épisode de notre sélection des moments forts qui nous font aimer les séries télé. Pour baisser le rideau, on vous parle aujourd’hui de Mad Men saison  4 (Indice spoiler : 9/10), Lost saison 4 (Indice spoiler : 7/10), Fringe saison 1 (Indice spoiler : 10/10), Studio 60 saison 1 (Indice spoiler : 2/10) et Nashville (indice spoiler : 7/10). Voilà ! A vous maintenant de prendre le relais pour d’autres moments certainement tout aussi passionnants, émouvants, ennivrants… bref les vôtres !

96. Peggy Olson craque et balance son ressentiment à Don Draper

La série : Mad Men

L’année : 2010

L’épisode : 4×07 – The Suitcase

Par John Plissken

Explosion imminente de Peggy Olson (Elisabeth Moss, toujours grandiose), à bout de nerfs face à son exécrable boss Don Draper (Jon Hamm). On jubile.

C’est l’un des épisodes les plus mémorables de cette série exceptionnelle et à vrai dire, difficile d’isoler un moment plus qu’un autre, tant l’intensité ne décline jamais au cours de ses 45 mn. Les personnages de Don Draper et Peggy Olson sont au coeur de l’intrigue, qui sera décisive pour leur évolution respective et celle de leur relation.

Draper, qui refuse obstinément de prendre des nouvelles d’Anna en Californie, s’échine à trouver une idée de campagne pour Samsonite. Il y passera la nuit, s’abrutissant de travail et d’alcool pour éviter d’apprendre le pire au sujet d’Anna, rongée par un cancer. Peggy, contrainte de rester avec lui pour bosser, va y laisser sa relation avec son jeune fiancé. Draper et Olson ont tous les deux un voyage intérieur à accomplir, une maturation salutaire cristallisée par la bataille pour décrocher le contrat Samsonite.

Tendu comme une arbalète, The Suitcase culmine dans l’excellence de ses dialogues avec une engueulade mémorable entre une Peggy à bout de nerfs (son boyfriend, ulcéré par le lapin qu’elle lui pose au restau, vient de la jeter au téléphone) et un Draper plus imbuvable que jamais. Toute la rancoeur, la fierté et l’orgueil de Betty remontent à la surface, la jeune femme balance à Draper toutes ses frustrations et son sentiment d’injustice. Notamment concernant le fait que ses idées aient permi à l’agence – et Draper – d’être primés pour une précédente campagne, sans qu’elle n’en reçoive jamais le crédit. Le ping pong verbal à cet instant un pur régal :

– Draper : “C’est ton job ! Je te donne de l’argent, tu me donnes des idées !
– Peggy (en larmes) : “tu ne m’as jamais dit merci ! »
– Draper : “C’est à ça que sert l’argent !

La suite est à l’avenant, Draper tabassant verbalement la pauvre Peggy, qui finira en larmes aux toilettes… Mais passera l’éponge, blindée. Tout le reste de l’épisode, trépidant et rocambolesque, suivra les hauts et bas de cette passionnante relation entre un mentor et sa disciple souffre-douleur, entre confidences, joute oratoire et baston (entre Don et Herman Philips, ex-de Peggy passé ivre à l’agence). Au bout de la nuit, Don assume finalement le coup de fil qu’il refusait de passer depuis le début et se verra confirmer la mort d’Anna. Avant de s’effondrer dans les bras de Peggy. Au petit matin, Don a trouvé une idée de base pour Samsonite, Betty acquiesse, la tempête s’apaise. En une nuit, ils en auront plus appris l’un sur l’autre et sur eux-mêmes que depuis le début de la série. Epuisant pour les nerfs mais passionnant !

 

 97. Desmond contacte Penny, sa constante

 

La série : Lost

L’année : 2008

L’épisode: 4 x 05 – The Constant

par Sullivan Le Postec

Desmond Hume, dans une version toute personnelle du « Téléphone pleure ».

Jusque là, Lost avait maintenu l’ambiguïté sur sa nature : réaliste ou fantastique ? Avec The Constant, elle s’ancrait définitivement dans le genre – tout ne s’expliquerait pas de façon rationnelle – et imposait le voyage dans le temps comme un élément capital de son univers. La série n’a pas tenu toutes les promesses faites par cet épisode (ah, mes jours à fantasmer sur la time-loop theory, qui permettait d’expliquer presque tous les éléments extraordinaires de la série par une théorie unique), mais The Constant reste un épisode essentiel.

L’épisode permet aussi de voir en action une technique scénaristique employée à foison par les équipes des séries constituées par JJ Abrams, de Lost à Fringe : entrelacer un élément fantastique et des arcs personnels, pour mettre les aspects les plus bizarres de ces séries au service d’un pay-off émotionnel qui sera, en définitive, ce que le spectateur retiendra. Ici, c’est la conversation minimaliste, mais qui tirerait des larmes à un menhir, entre Desmond et Penny, qui permet au premier de s’ancrer dans une époque et de cesser ses allers-retours dans le temps.

The Constant  montre les scénaristes Cuse et Lindelof au sommet de leur art. Il est probablement aussi le début des problèmes, ce moment où ils se sont dit que les pay-off et l’émotion portée par les personnages les dispensaient de donner du sens et de la cohérence aux éléments fantastiques. Mais, dépourvu d’une jambe, leur cheval n’avait plus les moyens de faire la course en tête.

98. Olivia Dunham est pour la première fois dans le monde alternatif

La série : Fringe

L’année : 2009

L’épisode : 1×20 There’s more than one of everything

par John Plissken

Certes les dernières minutes des saisons 2 et 3 étaient elles aussi sévèrement “jaw dropping”. Mais elles n’égalent pas la puissance du choc initial que nous réserve la saison 1. Un final radical qui ouvrit la voie à une réinvention jubilatoire de la série en la propulsant définitivement dans la hard Sci-Fi dés la saison suivante. Après plusieurs épisodes “loners” d’intérêt (très) variable, les événements se sont donc accéléré dans le dernier virage de la saison 1 et, dans cette conclusion de toute beauté, les scénaristes ne laissent pas une minute de répit au téléspectateur.

Lequel doit encaisser révélations sur révélations concernant l’existence d’un monde parallèle, ses interactions dangereuses avec notre univers, les liens passés entre Walter Bishop et William Bell, leurs expériences au cortexiphan menées sur des enfants (dont Olivia Dunham)… Sans oublier un plan choc dans un cimetière annonçant un arc narratif déterminant de la saison 2 (il concerne Peter…). Bref, une succession d’uppercuts, d’autant que l’action cavale : alors qu’Olivia cherche sans relâche William Bell, un tireur manque d’assassiner Nina Sharp (la boss de Massive Dynamics). Il s’agit du bioterroriste David Robert Jones, déjà vu au fil de la saison, qui recherche aussi Bell pour assouvir une vengeance personnelle. A l’hôpital, Dunham et Sharp concluent un deal : si Dunham coince Jones, Sharp arrangera une entrevue avec Bell.

Ce qu’ignore Olivia, c’est que William Bell s’est en fait déjà réfugié dans le monde alternatif, où Jones va tenter de le rejoindre par tous les moyens, ouvrant différents points de passages aux effets dévastateurs sur la côte Est. L’épisode se termine par la mort de Jones, coupé en deux alors qu’il s’apprêtait à fuir dans l’autre dimension à l’issue d’une fusillade avec le FBI. Mais c’est bien l’épilogue qui va réellement, lui, nous couper en deux : Nina Sharp a donné rendez vous à Olivia Dunham dans le restaurant d’un hôtel new yorkais pour lui en dire plus sur Bell. Sur place, Olivia se fait planter par Sharp et, lorsqu’elle appelle son bureau, apprend qu’elle aurait quitté le pays. Furax, elle prend l’ascenseur pour rejoindre le rez-de-chaussée. Dans la cabine, une lueur, un flash, la réalité flanche… les portes de l’ascenseur s’ouvrent.

Un peu perdue, Olivia sort à un étage immaculé où visiblement on l’attend. Dans un bureau, un homme sort de l’ombre. Premier choc : c’est William Bell, incarné par Leonard Nimoy. Second choc : un zoom arrière d’anthologie nous révèle où se trouve Olivia. Dans l’une des tours jumelles du World Trade Center. Non, elle n’a pas remonté le temps. Elle vient juste de basculer dans l’autre dimension, où le monde ne connait pas la même Histoire. Mille questions se bousculent dans nos petits cerveaux grillés, la saison 2 promet d’être rock’n’roll. Ca c’est du cliffhanger de brutasse !

 

 

 

99. Wes Mendell dit aux téléspectateurs de Studio 60 d’éteindre leur télévision

La série : Studio 60

L’année : 2006

L’épisode : 1 x 01 – Pilot

par Nicolas Robert

Wes Mendell, l’homme qui voulait qu’on éteigne la télé. Problème : des gens l’ont écouté.

Dans un monde parallèle où tout Studio 60 s’inscrit dans le prolongement de sa fantastique première séquence, la série aurait déjà reçu cinq Emmys awards, Bradley Whitford, Matthew Perry et Amanda Peet seraient les lauréats d’une pluie de trophées et Aaron Sorkin aurait quitté la planète à bord d’une soucoupe volante.

Dans notre monde, on sait que ça ne s’est pas passé comme ça. Que la série a beaucoup changé entre son premier et son dernier épisode, et que le public n’a pas aimé ce qu’elle est devenue. Reste donc les souvenirs. Et quels souvenirs ! Avec le monologue du producteur Wes Mendell (excellent Judd Hirsch), Sorkin attrape le téléspectateur par le col et le secoue avec vigueur alors qu’il est installé tranquillement devant son écran.

Brillamment, ce prologue instille d’entrée de jeu une tension forte (dans un contexte de production complexe). En plus, cela donne tout de suite le ton quant à ce que veut faire, à l’origine, le showrunner. Décrire un idéal mais aussi et surtout raconter une histoire excitante, émouvante et très maîtrisée. Malheureusement, la série n’atteindra que très rarement le niveau de cette séquence inaugurale. Dommage.

 

100. Le duo final Rayna Jaymes/Deacon Claybourne

La série : Nashville

L’année : 2012

L’épisode : 1×02 – I can’t help it (if I’m still in love with you)

par John Plissken

Alors c’est bien simple : je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais été autant ému par une chanson à l’écran, ciné ou télé inclus. Absolument tout est magique dans cette scène, tout ! Les cadrages, le montage, les regards, la magnifique mélodie : on y est, oui, on y est dans cette salle d’un bar où Rayna James et son guitariste (et ancien amour) Deacon Claybourne improvisent un duo devant un public totalement transi d’émotion (autant que nous).

Absolument pas gratuite, la séquence a une fonction narrative très précise : via les paroles bouleversantes de cette balade sublime et jamais sirupeuse, elle décrypte l’état des relations entre Rayna (qui a refait sa vie avec le plus raisonnable Teddy Conrad), et Deacon, junkie repenti toujours amoureux de la belle rouquine. Tout le texte du titre résume leur histoire contrariée, jusqu’au refrain langoureux (“personne ne t’aimera jamais comme moi”), chanté à deux les yeux dans les yeux. Sur le papier, ça pourrait dégouliner de miel mais en live, c’est juste déchirant. Entre la chanteuse et son gratteux surdoué, il n’y a officiellement plus qu’une puissante relation professionnelle mais durant cette chanson d’un romantisme dévastateur, on n’a jamais entendu plus belle déclaration d’amour, thème éternellement central de la country music.

Le génie des scénaristes est de nous montrer aussi l’impact du morceau sur d’autres personnages-clé présents dans la salle : Juliette Barnes (excellente Hayden Panettiere), rivale pro et arriviste de Rayna, amoureuse de Deacon et humiliée, blessée par la scène. Mais aussi la jeune Scarlett (Clare Bowen), tellement subjuguée par le duo qu’elle acceptera de se lancer en tandem avec le guitariste Gunnar Scott. L’amour, les rêves de gloire, la musique, un tourbillon de sentiments… un pur moment de grâce et d’Americana pour un morceau qui nous laisse encore tout tremblant d’émotion, sourire et soupir niais de rigueur au générique de fin. Pas mal pour un centième moment de télé !

La chanson No one will ever love you (auteurs/compositeurs : Steve Mcwean et John Paul White).

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