
Avant-première : Maison Close, saison 2 (zoom sur les épisodes 1 à 4)
Pour les uns, la première saison de Maison Close, proposée en 2010 par Canal +, était une fantastique claque visuelle. Pour d’autres, c’était un gros flop narratif. Un peu plus de deux ans après, la distribution remet les jarretelles et revient ce lundi soir sur Canal +. Les amateurs d’images et ceux qui aiment les histoires vont-ils fêter leurs retrouvailles dans le même lit ? Pas sûr.
C’est l’heure d’aller au Paradis. Une fois encore. Dès le 4 février et pour quatre semaines, Constance, Vera, Rose et les autres figures de la série produite par Jacques Ouaniche vont tenter d’aguicher les téléspectateurs avec la suite de leurs aventures. Au programme : une nouvelle saison de huit épisodes, de nouveaux personnages masculins au coeur de l’histoire et une volonté affirmée de resserrer les intrigues autour des principaux protagonistes.
Cette saison 2 débute avec l’arrivée de MacMahon au pouvoir, et le retour au premier plan de l’ordre moral. A Paris, la police des moeurs a le Paradis dans le viseur… et très vite, les dames du bordel n’auront d’autre choix que de s’associer avec une bande de voleurs parisiens (emmenée par Louis Mosca) pour conserver leur indépendance. Une décision qui va créer des dissensions entre les différentes pensionnaires, toutes confrontées en parallèle à l’obligation de faire des choix dans leur vie respective.

Rose (Jemima West) est sans doute le personnage qui a le plus évolué d’une saison à l’autre. Photo Jessica Forde
Premier constat : si vous avez oublié la saison 1… eh bien, ce n’est pas vraiment dommage parce que Maison Close part dans une nouvelle direction. Sans vraiment se soucier de son propre passé. Doit-on voir là l’envie de « rebooter », si ce n’est oublier une histoire qui a fait l’objet de multiples critiques, avec des personnages trop isolés les uns des autres et une intrigue très, très lâche (façon gaine mal attachée) ? Du côté de la production, on préfère parler de « narration renforcée », de « montée en pression » et de volonté « d’accentuer la tension ».
Pour cela, les clefs de la demeure ont été confiées à deux scénaristes, qui ont coordonné d’un bout à l’autre la saison : Cécile Ducrocq et Franck Phillipon (co-auteur de la première saison de No Limit, de Luc Besson). « Après avoir vu la saison 1, nous avons eu envie d’injecter un suspense fort dans l’histoire, explique Franck Phillipon. On a donc eu l’idée d’imaginer une sorte de polar à hauteur de femmes, en développant l’intrigue autour de Mosca et son équipe dans les locaux du Paradis. Pour que les femmes se retrouvent au coeur de l’action. La fin du XIXe siècle, l’époque à laquelle se déroule l’action, c’est celle qui a vu naître la notion de voyou moderne. En quelque sorte, l’Histoire nous invitait à prendre cette direction ».
L’arrivée de Mosca, incarné par Michaël Cohen, est à mettre du côté des bons points de ce début de saison 2. Comme la volonté d’intégrer les personnages de Vera, Constance et Rose dans des intrigues plus « impliquantes » que par le passé. La première va s’occuper de la fille qu’elle a abandonnée, la deuxième va devoir composer avec l’arrivée de Mosca et de ses hommes au Paradis et la troisième se retrouve au centre d’un triangle entre elle, Mosca et Adrien, le nouveau médecin qui s’occupe des filles (Aurélien Wiik).
Autre bon point : la volonté d’éviter les scènes « fesse pour fesse ». Les scénaristes ont effectivement souhaité que chaque séquence de sexe s’inscrive autant que possible dans l’intrigue et dans l’ensemble, ce choix est relativement bien tenu.
Pour autant, ce début de saison souffre de deux choses : la première, c’est la décision de faire un bond dans le temps de deux ans. Si cela permet aux scénaristes de repartir sur de nouvelles bases, cela impacte assez négativement la continuité immédiate de la série.
Bien décidée à s’éloigner du Paradis à la fin de la saison précédente, on retrouve Rose à la sortie d’une maison d’arrêt, après que sa tentative de reconversion dans un atelier parisien a mal tourné. Pourquoi ? C’est flou… et c’est dommage.
Plus grave, alors qu’elle se sont battues pour obtenir leur indépendance, les filles du bordel se retrouvent à nouveau en situation de dépendance vis-à-vis de Mosca et sa bande. « Tout ça pour ça ? » , a-t-on envie de demander… Si cela peut permettre de repartir sur quelque chose de vraiment neuf, cela se fait très vite. Vraiment très vite. Et c’est assez déstabilisant.
L’autre problème constaté concerne d’abord l’épisode 1. Lequel paraît long. Très long. La mise en route est laborieuse parce que la mise en images privilégie parfois la forme au fond. Certes, la sortie de prison de Rose est bien filmée, mais au-delà des considérations esthétiques, on ne voit pas trop ce que cela apporte au récit. Ceci alors qu’il y a justement plein de choses à expliciter sur le cheminement psychologique du personnage pendant ces deux années.
Soucieux de renouveler l’approche de fabrication des séries françaises, Mabrouk El Mechri oublie parfois que les conditions de réception d’une série (sur un petit écran, le plus souvent dans un salon, pendant trois quarts d’heure et avec une histoire dans laquelle le dialogue est le carburant numéro 1) ne sont pas celles du cinéma (grand écran, dans une salle qui vous extrait du quotidien, sur une durée moins cadenassée et où on peut, dans une certaine mesure, laisser vivre les images).
Chaque scène, chaque séquence doit servir la caractérisation des personnages et le développement de l’intrigue… Ici, on a parfois l’impression que l’on étire des passages très chiadés esthétiquement mais à l’impact narratif limité. Parallèlement, l’histoire « zappe » des choses importantes. Un problème que l’on rencontre par exemple dans l’épisode 4, structuré autour d’une sortie à la campagne et qui compte plusieurs flashback. Visuellement, c’est très stylé (comme dirait Raph dans Le Visiteur du futur)… mais il y a une scène a priori importante – celle où Vera explique à sa fille qui elle est – qui est complètement vidée de sa substance, de son émotion.
Dommage parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de choses à esquisser, expliquer ou explorer dans cette saison 2 de Maison Close. Cela peut se faire sans dire un mot, en privilégiant l’image… mais il faut faire preuve de beaucoup d’inventivité pour préserver la capacité à toucher le spectateur. Comme Joss Whedon y parvient dans l’épisode Hush de Buffy The Vampire Slayer.
Au final, le sentiment est mitigé. Sur les quatre premiers épisodes, l’histoire paraît mieux maîtrisée que l’an dernier : elle est plus solidement articulée autour de l’intrigue principale. Mais à plusieurs reprises, on a l’impression de voir quelque chose de beau mais souvent trop froid.
S’inspirer du grand écran, faire du cinéma pour la télé, ce n’est jamais un mal si tout ceci sert la narration. Mais si c’est pour nier les caractéristiques de la fiction télé (développer un univers cohérent, dans le temps long et dans les émotions) ; si c’est faire de l’image pour faire de l’image et plomber le tout avec des scènes sorties de nulle part (comme le malaise de Hortense, dans l’épisode 1), on va avoir un gros souci au final.
Verdict au bout des huit épisodes : nous, on sera au rendez-vous.
MAISON CLOSE
(Saison 2, Canal +)
Ecrite par Cecile Ducrocq et Franck Phillipon
Réalisée par Mabrouk El Mechri et Jérôme Cornuau
Avec Anne Charrier (Vera), Valérie Karsenti (Hortense), Jemima West (Rose), Blandine Bellavoir (Angèle), Michaël Cohen (Louis Mosca), Aurélien Wiik (Adrien), Clémence Brétecher (Valentine), Fatou N’Diaye (Pauline).