
Malaterra saison 1, un remake corsé et décevant !
Spoilers relatifs à la fin de saison, uniquement dans la dernière partie
Bien qu’elle fût commandée au préalable, Malaterra aura donc été retransmise bien après la diffusion de Broadchurch. Cette dernière avait remporté un franc succès en Angleterre (ITV) au printemps 2013 et France 2 avait elle aussi profité d’un bel accueil pour sa diffusion sur ses ondes en février 2014. Malaterra, son remake français (toujours pour France 2), nous parvient donc près de deux ans plus tard. Le téléspectateur ayant vibré pour l’originale anglaise ne l’aura toutefois pas oubliée et si l’exercice de l’adaptation propose ici quelques solides arguments, Malaterra déçoit, à l’image d’un final emprunté.
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L’ombre des falaises du Dorset
Le point de départ de Malaterra reprend scrupuleusement l’introduction de Broadchurch. Nathan, un jeune garçon habitant une petite ville côtière, est retrouvé sans vie sur une plage. La famille de la victime est dévastée, émotion qui contamine rapidement la population d’une petite commune où tout le monde se connaît.
Il apparaît rapidement difficile de ne pas considérer Malaterra comme un travail de copie trop scolaire dans l’écriture. Le lieu où le garçon est retrouvé, les relations du duo policier, les différentes problématiques du couple endeuillé et même les principaux suspects évidents – qui serviront de fusibles – y sont rigoureusement retranscris.
La reprise d’un plan séquence signature, au début de l’épisode est toutefois légèrement adaptée. Ce n’est plus le père mais la mère de l’enfant qui traverse la ville en croisant chacun des personnages concernés. Cet artifice qui permet à la fois d’instiller une ambiance légère avant le drame et de situer l’action dans cette communauté restreinte était, il est vrai, un passage obligé. Il démontre pourtant qu’une réinterprétation de l’œuvre était possible tout en restant dans l’esprit. Plus généralement, Malaterra méritait certainement de s’éloigner de sa grande sœur britannique et ce déphasage aurait certainement séduit plus largement un public déjà familier de Broadchurch.
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Ça se corse
Au contraire d’une série comme The Bridge (FX) qui avait su se nourrir de ses spécificités locales pour adapter Bron/Broen, Malaterra ne revendique aucune coloration géographique pour entreprendre sa déclinaison. Le décor (tourné en Haute-Corse) est toutefois parfaitement somptueux et Jean-Xavier de Lestrade réalise de magnifiques compositions avec une photographie soignée, notamment en basse lumière.
Malaterra souffre néanmoins du même défaut rédhibitoire que son alter ego américain intitulé Gracepoint. Celui de concentrer ses forces sur le duo policier et de négliger le couple de parents de la victime. On ne le dit pas assez, mais la paire Jodie Whittaker / Andrew Buchan portait tout autant la série de Chris Chibnall que ne le faisait les plus populaires Olivia Colman et David Tennant.
Pour Malaterra, Louise Monot et Nicolas Duvauchelle trouvent souvent le ton juste mais l’émotion – moteur essentiel de la série – ne décolle jamais vraiment au travers de leurs prestations.
A contrario, Simon Abkarian (Rotman) trouve son style – différent de celui de Tennant – parvenant à créer son propre personnage dans un costume très calibré. Et surtout, Constance Dollé (Marchetti) est formidable en tutoyant sans peine la fragilité d’une femme au bord du gouffre. Par son intense prestation, elle ferait presque oublier un final déconfit.
Un dénouement manqué
Alors oui, Malaterra est un remake. Mais le coupable a été changé. On allait voir ce qu’on allait voir ! Le récit évacue en effet rapidement le coupable de la version originale, Malaterra n’ayant tout simplement plus le personnage équivalent. L’intention est louable, elle est même salvatrice puisqu’elle constitue la principale raison d’insister auprès de cette adaptation lorsqu’on a vu Broadchurch.
Mais le phénomène réciproque existe également et dessert très largement le récit. On devine rapidement qui est – ou plutôt sont – les coupables car ils ont été ajoutés à la distribution comme le nez au milieu de la figure par rapport à l’originale. Cette déduction doit être plus ardue à établir sans avoir vu Broadchurch mais c’est objectivement assez grossier.
Plus gênant, peut-être encore, la révélation finale est dédoublée. L’enquête aboutit à une confession, surprenante il faut l’admettre, mais elle amoindrit le travail du duo policier dans la mesure où elle intervient presque à leur insu. Enfin, le crime étant motivé par un inceste ancien, cette seconde révélation prend le pas sur la première et étouffe considérablement toute surprise ! La conclusion laisse le goût amer d’un pétard mouillé !
Cette fin et l’ouverture qu’elle propose (le réveil du père de Karine à l’hôpital) implique assez naturellement la perspective d’une saison 2 potentiellement très différente de Broadchurch. Cette dernière avait pourtant habilement basculé sur un registre judiciaire. Ce virage éventuel pour Malaterra ne devrait toutefois pas passionner les foules.
MALATERRA SAISON 1 (France 2)
Série adaptée par : Stéphane Kaminka, Yann Le Nivet, Nathalie Hertzberg et Akima Seghir.
Réalisation : Jean-Xavier de Lestrade et Laurent Herbiet.
Photographie : Isabelle Razavet.
Avec : Simon Abkarian, Constance Dollé, Louise Monot, Nicolas Duvauchelle, Catherine Hiegel, Yves Afonso, Florence Thomassin, Marie Denarnaud, Nathalie Cerda, Michaël Gregorio, Béatrice Dalle, Hubert Delattre, Sophie de La Rochefoucauld, Guillaume Marquet, Arly Jover et Gaëtan Vassart.
Musique originale : Alexandre Lessertisseur.
Crédits photo : Angela Rossi © Shine France, France Télévisions
On apprend ce matin (15 déc. 2015) qu’il n’y aura pas de saison 2.