
Man vs Wild (Critique de The Revenant, d’Alejandro G. Iñárritu)
Après avoir mis Michael Keaton en slip sur Times Square dans Birdman, Alejandro G. Iñárritu fait traverser l’enfer glacé du Midwest à Leonardo DiCaprio dans The Revenant. Résultat ? Un trip sensoriel, esthétique et brutal mais qui, à trop vouloir transformer son acteur principal en bête sauvage, finit par oublier l’humain.
Synopsis : Durant une expédition en plein Midwest au début du XIX ème siècle, le trappeur Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) est attaqué par un ours et ressort de l’affrontement grièvement blessé. Laissé pour mort par ses compagnons et en proie à la nature sauvage, il part sur les traces de Fitzgerald (Tom Hardy), celui qui l’a trahi, afin de pouvoir assouvir sa vengeance.
Rude, intense et forgé dans la sueur et le sang : voilà comment nous est vendu The Revenant. Passé entre les mains du coréen Park Chan-wook, de l’australien John Hillcoat ou du français Jean-François Richet, l’adaptation du roman éponyme de Michael Punke a finalement atterri entre celles du mexicain Iñárritu pour subir un traitement radical et sauvage. Tournage chaotique, météo capricieuse, abandon de certains membres de l’équipe, budget explosé dans les grandes largeurs, réalisateur indécis et capricieux… Un véritable enfer de plateau qui participe, avant même sa sortie, à la légende du film et qui en fait un objet excitant et sulfureux. Rajoutez à cela la performance oscarisable de DiCaprio, toutes cicatrices devant, ou la très commentée « scène de l’attaque de l’ours », et laissez reposer pendant toute la durée de la campagne promo : vous obtenez un film étiqueté chef-d’œuvre maudit, œuvre grandiose et bête de course prête à faire pleuvoir les récompenses.
Mais est-ce qu’au fond, cela suffit pour faire un film ? Est-ce que le long métrage a de la valeur, passée sa réputation de machine infernale ? C’est donc empli que questions qu’on rentre dans la salle et qu’on s’installe, circonspect ou excité, sur ses gardes mais résolument curieux à l’idée de découvrir l’animal. Et avec à sa scène d’introduction, l’attaque d’un campement de trappeurs en plan séquence par une tribu d’autochtones, Iñárritu fait preuve de toute sa maestria pour prouver au spectateur que non, il ne s’est pas fait tromper sur la marchandise. Armé de son chef op, Emmanuel Lubezki, et de sa grosse caméra volante ARRI ALEXA 65, le réalisateur provoque avant tout un choc visuel et sensoriel qui happe le spectateur dans le cadre. Collés aux visages barbus de DiCaprio et de sa troupe de cow-boys du grand nord, on ne suit pas l’action. On la vit. On sent l’odeur de la poudre. On sent les flèches siffler. On sent l’eau glacer nos os. Et le sang couler tout autour de nous. Par la force de l’image et de son cadrage claustro, par les textures sonores et par la musique de Ryuichi Sakamoto et Alva Noto, le film se ressent jusqu’au bout des ongles. Dans toute sa violence et toute sa beauté.
En accompagnant Leonardo DiCaprio dans son calvaire, morve au nez et écume à la bouche, on subit une épreuve longue, douloureuse, sauvage et mortellement belle, perdu dans les paysages vierges de la nature américaine. Tourné en lumière réelle avec un œil de naturaliste, The Revenant utilise ses décors à leur pleine mesure, narguant les écrans verts et les effets numériques. La moindre rivière, le moindre flocon et les moindres branches d’arbres sont capturés et sublimés par la caméra tandis que le visage de Leo est déformé par les gros plans et par une douleur constante.
Transformé en punching-ball humain pendant la quasi totalité du film, l’acteur s’acquitte de son côté d’une performance physique qui force l’admiration, mais qui pose pourtant une épineuse question : qu’en est-il de sa puissance dramatique ? Car si le corps de DiCaprio est impliqué à 100% dans la vision d’Iñárritu, on en vient à se demander si c’est réellement son jeu qui intéresse le réalisateur. Certes, sa capacité à ramper, à éructer, à manger du poisson cru et à se transformer en bête sauvage est indéniable. Mais à tant se concentrer sur le côté animal du personnage, le réalisateur oublie l’humain. Où est sa douleur intérieure ? Sa colère ? Sa tristesse ? Son humanité ? Perdues entre les plaies de l’acteur peut-être, mais pas assez visibles à l’écran.
À l’inverse, les seconds couteaux brillent par leur capacité à incarner des personnages désespérément humains. Violent, cupide et égoïste pour Tom Hardy – impeccable connard des neiges –, brave et honorable pour Domhnall Gleeson, tendre et lâche pour Will Poulter.
Mais l’intérêt d’Iñárritu n’est résolument pas dans le scénario, ni dans ses personnages. Et s’il touche du bout des doigts le grand péché américain – le génocide des autochtones –, on comprend très vite que les enjeux ne sont pas narratifs mais sensoriels, à un degré animal, brut et primaire.
Malgré la beauté et la puissance de ce qui nous est montré, on peut donc parfois s’agacer de voir Iñárritu s’adonner à une séance de pur onanisme, filmant la relation SM qu’il entretient avec son acteur d’un œil coquin. Pour faire la fine-bouche, ajoutons même que certains gimmicks, des rêveries arty aux dépeçages over the top participent à un certain agacement. Mais in fine, The Revenant reste tout de même un de ces films qui exercent un inexorable pouvoir de fascination, tant le spectacle est total. Alors on lui pardonne son style pompier et ses longueurs, et on accepte de se laisser aller à la contemplation, le plaisir esthétique suffisant à faire passer ces 2h36 dans la neige et le sang. Même si la bête nous laisse un peu sur notre faim.
The Revenant (2h36) d’Alejandro G. Iñárritu avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter et Forrest Goodluck. Sortie le 24 février.
Le problème de ce film est qu’à part quelques morceaux de bravoure, notamment l’intro hyper réaliste, l’attaque de l’ourse (du jamais vu au cinéma, tant par les effets spéciaux indécelables que le suspense insoutenable qu’elle contient) et l’engagement physique de Dicaprio, on n’arrive pas à s’attacher au personnage. Pourquoi ?
Parce qu’après l’attaque de l’ourse et les dégâts causés sur le corps du héros (il est quand même quasi mort après avoir été lacéré, écrasé et broyé dans tous les sens) le gars surmonte tout ça assez facilement pour endurer encore et encore tout le reste du métrage. Et on n’y croit pas une seule seconde. Le mec devient une sorte de super-héros éructant, gémissant, sale, mouillé, et gelé au mépris de toute le réalisme insufflé par la réalisation. Et comme pour Seul sur Mars, on finit par se détourner de ce qui arrive au héros tellement il triomphe de tout tout le temps et que sa psychologie n’est jamais abordée ou si peu.
La scène du poisson cru rappelle la scène de Old boy avec le poulpe cru. De la pure performance pour la performance avec une victime réelle, l’animal. Une performance qui ne sert à rien à part pour les récompenses.
J’ai trouvé le film à couper le souffle pour sa photo, ses paysages d’une beauté incroyable, ses plans fluides, les conditions réalistes dans lesquels ont tourné les acteurs (ce froid intense permanent, l’humidité constante, la boue partout, je me suis senti sale et mouillé pendant tout le film).
Par contre, c’est trop long, l’empilement des situations et la capacité du héros à y survivre confine à l’absurde et font passé le film de l’aventure humaine au film de sur-homme. On n’y croit pas, on laisse tombé, on s’ennuie. Et c’est dommage.
Assez d’accord avec la critique et le commentaire.. Les péripéties du personnage joué par Léonardo Di Caprio sont tellement over the top que ça finit par ressembler à du cartoon. À mon sens il faut néanmoins les voir comme une intention du réalisateur, je ne pense pas qu’il ait essayé de faire un film véritablement réaliste, malgré son parti pris naturaliste. En dépit des longueurs, j’ai quand même passé un très bon moment. À voir au cinéma absolument en tout cas.
Le problème avec ce genre d’histoire c’est qu’elle demande de toutes façons du spectaculaire et qu’elle exclut toute forme de réalisme (avouons qu’on ne serait pas forcément aller voir un film avec Leo en pleine convalescence pendant 2h). Le personnage a besoin d’en chier et d’en chier salement. Ça fait partie de son voyage. Ce qui me gène, ce n’est pas tant l’invraisemblance des situations, c’est justement que malgré toutes ces péripéties, on ne sent pas le personnage changer, lutter intérieurement ou grandir. La lutte n’est que physique. Du coup, ça devient assez peu intéressant, même si c’est très beau visuellement parlant.
Ça aurait pu être un chef d’œuvre mais le matou revient le jour suivant, le matou revient il est toujours vivant. La fin du film c’est le remake de Gladiator sous la neige.
Malgré ces détails assez conséquents, le film est remarquable.