
Re-Anime: Manie Manie (de Rintarô, Yoshiaki Kawajiri & Katsuhiro Ôtomo)
Onirique, sombre ou absurde, Manie Manie interpelle par sa liberté d’expression. Cet anime sorti en 87, un peu oublié aujourd’hui ne cache pas ses influences.
Désolé pour les nombreuses références et noms à venir mais il est difficile de parler de ce film sans faire un peu de name dropping (Plissken, tu vas adorer…). Produit par l’excellent studio Madhouse à qui l’on doit Paranoïa Agent, Monster et Death Note, Manie Manie est composé de trois segments assez singuliers, réalisés par 3 grands noms de l’animation japonaise. Tout d’abord, Rintarô, monstre sacré, réalisateur des films X (1996) et Metropolis (2001), collaborateur de Tezuka ou Matsumoto, bref une pointure. Ensuite, Yoshiaki Kawajiri réalisateur d’un segment de The Animatrix, il travaille depuis le début des 2000’s sur des adaptations animées de comics US. And last but not least, Katsuhiro Ôtomo, dieu vivant, auteur d’Akira, Dômu et Steamboy. Pas loin de la Dream Team, en somme…
J’ai longuement cherché une raison qui pouvait justifier que je vous en parle aujourd’hui, et après une réflexion intense et profonde (je déconne presque pas), j’en suis arrivé à la conclusion suivante: ce film méconnu mérite tout notre intérêt parce qu’il est unique et différent, tout simplement. Il fait partie de ses ovnis de l’animation japonaise qui restent un peu dans l’ombre, éclipsés par les films tirés de grandes licences ou les productions Ghibli. Que se soit Dead Leaves de Hiroyuki Imaishi en 2004, trip génialement halluciné et hallucinant, l’œuvre onirico-paranoïaque de Satoshi Kon ou Memories autre triptyque sorti en 95, ces films jouent avec les règles de la narration classique tout en transgressant les codes graphiques du genre. Tout un pan de la japanimation quelque peu ignoré et qui ne demande qu’à être découvert par le plus grand nombre.
Mais revenons-en à Manie Manie, qui comme je vous le disais se divise en trois segments indépendants. Le premier, Labyrinthe, qui ouvre et clôture le film, empreinte aussi bien à Dali, qu’à Alice aux Pays des Merveilles ou encore à l’esthétique burtonienne. Avec son graphisme si libre, poétique et enfantin, voilà quelques minutes d’un songe qu’on voudrait bien voir durer plus longtemps. Le second Le Coureur, bien plus sombre, nous emmène dans le milieu du sport automobile. Illustration du dépassement de soi et de la fusion de l’homme avec sa machine, cette partie évoque Crash de Cronenberg ou Rollerball de Jewison pour l’approche psychologique du milieu sportif. Le dessin y est plus adulte et bien plus agressif.
Quand au dernier segment Stoppez le Travail, il est à mon sens le plus réussi. Tous les éléments d’Ôtomo sont là, un univers entre Steam et Cyber Punk avec un souci du détail incroyable. Ici, un employé du gouvernement doit stopper la construction d’une gigantesque ville mais les travailleurs sont tous des robots qui ne s’arrêteront que lorsque leur tâche sera terminée. Véritable comédie de l’absurde et vision assez troublante de l’industrialisation et de la robotique, ces images de machines répétant la même action jusqu’à la surchauffe, évoquent le travail à la chaîne. Le chef-d’œuvre de Chaplin, Les Temps Modernes, n’est pas loin.
En 50 minutes, Manie Manie s’affranchit des codes scénaristiques et graphiques afin de trouver son identité propre tout en puisant dans divers influences et références. Comme tant d’autres titres, voilà un anime qui se démarque et cherche d’autres moyens de nous toucher et nous faire réfléchir. A bon entendeur…
Manie Manie de Rintarô, Yoshiaki Kawajiri & Katsuhiro Ôtomo (1987) – Madhouse
Ah, nostalgie quand tu nous tiens. 😉
Manie Manie fait partie de ces films que je n’ai pas vu au moment de leur sortie en France mais à l’époque j’en avais déjà entendu parler.
La lecture de ce billet ne fait que confirmer l’impression que j’avais eu à l’époque, à savoir un mélange des genres esthétiques et des thématiques ciblées pour une anthologie qui vaut le détour.
Un film que j’aurai plus de facilité à déchiffrer et qui me sensibilisera plus qu’à l’époque de ma tendre jeunesse. L’âge y doit être pour quelque chose. 🙂
Et puis le rapprochement avec Satoshi Kon ne me laisse pas indifférente…
Bon travail !
Au plaisir de lire d’autres billets de ce genre.
Merci!
A ce titre, je te conseille fortement la rétro Satoshi Kon de Mr Da Costa (en 4 parties), si tu ne les a pas déjà lu, ici-même sur Daily Mars: https://dailymars.net/retro-satoshi-kon-episode-14-perfect-blue/
Kawajiri est aussi et surtout reconnu pour son dementiel Ninja Scroll qui devrait sortir en Bluray chez Kazé dans le courant de l’année.
Aussi, effectivement! J’aurais pu le préciser…