
Marketing, le spectre des James Bond
Depuis ses débuts au cinéma, l’agent 007 a toujours été un panneau de publicité en costume. Dans son 24e opus – 007 Spectre, tout juste sorti en France –, il n’y avait aucune raison de faire exception à cette vieille règle. Pourtant, si on fait un rapide constat de ces 50 dernières années, la franchise a évolué et sa façon de vendre aussi. Entre campagnes d’affichage, gravures de mode au casting et placements de produit, quel est le poids du marketing dans la franchise James Bond en 2015 ? Et comment les marques s’y sont-elles retrouvées ?
Les débuts

Goldfinger…
Depuis ses premiers pas sur grand écran (dans les souliers vernis de Sean Connery en 1962), notre agent du MI6 incarne une virilité fantasmée, en adéquation avec chacune de ses époques (puisque les codes de la virilité ont évolué en 50 ans…). Le fantasme, c’est le pain bénit du marketing : qui rêve veut posséder, et donc acheter. Dans les années 60, les marques en vogue étaient Coca Cola ou Marlboro, des produits abordables pour le commun des mortels et qui donc étaient logiquement ignorés par les producteurs de la saga. A l’opposé, un costume Tom Ford ou le modèle le plus cher de la marque de montres Omega incarnaient la vie bondissante de l’agent secret 007 et suscitaient l’envie d’acquisition chez le spectateur.
Depuis cette époque, chaque nouvel opus de « James Bond » était un moyen pour ces marques du secteur du luxe de s’offrir une plus grande visibilité via les magazines et les couloirs de métro : en bref, ces annonceurs ont surfé (et surfent toujours un peu) sur le triomphe éphémère du ‘classieux’. Sauf que depuis quelques années, ces enseignes pour riches se retrouvent à l’écran flanquées d’autre marques plus accessibles. Être un agent secret au service de sa Majesté aurait-il perdu de sa superbe ?
L’homme, la voiture, la femme
Niveau véhicules, il est difficile de dissocier l’agent 007 d’une voiture de grand luxe, comme l’Aston Martin DB10 ou la Jaguar XKR. Et là encore, Spectre étonne en mettant en scène toute une armada de… SUV Land Rover Defender ! On est encore loin de l’Austin Mini (quoique… souvenez-vous de l’Austin A30 dans James Bond contre Dr. No), mais tout de même : ce choix de véhicule semble démontrer la volonté des producteurs de « déluxiser » l’imagerie de James Bond.

Association étonnante !
Et si ce cher James se fait allègrement courtiser par les grandes marques, il en va récemment de même pour ses acolytes féminines. Auparavant, les publicités pour les accessoires féminins étaient pensées par des hommes, et les femmes y figurant étaient le plus souvent des anonymes. Choisir de faire incarner sa marque par un mannequin célèbre, une actrice ou une chanteuse, c’est une pratique finalement relativement récente par rapport à la longévité de la franchise Bond. La plus sexy des James Bond girls, Ursula Andress, avait en son temps prêté son visage à une célèbre marque de savon, mais ce fut une exception. Depuis les années 2000, chaque James Bond girl ou presque devient l’égérie d’une marque de parfums, bijoux ou sacs à main après son intronisation à l’écran. On retiendra la campagne de L’Oréal Professionnel avec Eva Green (époque Casino Royale) ou encore celle de Swarovski et Omega avec Bérénice Marlohe (Skyfall), particulièrement travaillées et grassement budgétisées. La « déluxisation » chez Bond, visiblement, ça ne concerne pas encore les femmes…
Maître ès placements de produit
Depuis déjà plusieurs années, presque aucun blockbuster n’échappe au placement de produit, cette publicité plus ou moins voyante qui s’insinue aux quatre coins de l’écran. Rares sont les chiffres communiqués sur les budgets que les grandes marques dépensent pour apparaître dans ces superproductions, mais le spectateur ne peut ignorer ces intrusions systématiques.

Ça change du Martini…
Elle semble loin l’époque où les seules boissons qui passaient les lèvres de 007 étaient du Champagne Bollinger et des vodkas Martini (à base de Belvedere). Désormais, notre agent du gouvernement boit de la bière allemande et figure sur des bouteilles de Coca Zero. Mais les marques ‘du commun des mortels’ sont loin d’avoir quémandé leur place : elles l’ont payée au prix fort, comme Heineken qui aurait déboursé près de 40 millions de dollars pour figurer dans Skyfall, tel que l’affirme Le Guardian (Heineken a engagé encore 100 millions de plus pour une grosse campagne marketing en marge du film).
D’autant que ce qui était inaccessible hier encore (les téléphones portables par exemple), ne l’est parfois plus aujourd’hui et les codes de la réussite et du luxe passent désormais par de nouvelles enseignes. Dans Spectre, on croise ainsi des ordinateurs Vaio, des smartphones Sony Ericsson (tiens tiens…), un modèle abordable de montre Omega (la Seamaster 300 dans son édition Spectre, bracelet NATO) et toute une panoplie de gadgets de l’homme moderne chic, mais cependant à la portée du plus grand nombre, à condition de se serrer un peu la ceinture. Evolution inévitable en temps de crise ? Du côté de ces marques, à une époque où un public désormais hyper connecté est submergé par la publicité sur le web, une apparition dans James Bond restera toujours le moyen le plus sûr d’attirer l’attention. Et ce, grâce à une grosse campagne d’affichage en plusieurs étapes et bien voyante. Démonstration…
Affichage vs box-office

Le fantôme de Steve Jobs est jaloux !
Voici des mois que plusieurs versions des affiches de Spectre se succèdent sur tous les supports de communication visuels possibles : cartons d’emballages, couvertures des magazines, écrans et affiches dans le métro. À une première affiche assez neutre et énigmatique, d’autres ont succédé, celles-ci plus proches de l’esthétique des magazines de mode. Prenons par exemple celle avec Daniel Craig vêtu d’un simple col roulé noir, cintré d’un holster, pistolet à la main. Ce modèle de pull en cachemire de chez N. Peal est actuellement en rupture de stock… Rien d’étonnant à cela : plus James Bond cartonne en salles, plus il fait vendre et le précédent opus, Skyfall, a placé la barre très haut avec 1,2 milliards de dollars de recettes dans le monde. C’est le plus gros chiffre d’affaires jamais enregistré pour un James Bond et évidemment un immense appel d’air pour le film suivant. Hélas pour la franchise, si on regarde le box-office actuel (le film est déjà sorti presque partout), Spectre ne semble pas prendre le chemin d’un tel record. Mais pas de panique : tant que James Bond restera une icône, apposer son logo dans son sillage restera toujours rentable et la franchise devrait continuer à être courtisée encore longtemps par les grandes marques… qui aideront à boucler son budget.
Après la bière, le maillot de foot ?
Pour conclure, même si Spectre s’avérait ne pas égaler les records de Skyfall et ne pas plaire à certains spectateurs, la campagne marketing tentaculaire dont il a fait l’objet prouve que ses producteurs croient plus que jamais dans la franchise. Depuis les sixties, les codes ont évidemment changé, les symboles du luxe et de la virilité aussi. Mais le statut d’un agent secret séduisant toutes les filles restera toujours à la mode (et draînera une clientèle toujours essentiellement masculine). Il n’y a donc aucun souci à se faire quant à l’avenir de la franchise créée par Ian Fleming, tant que le personnage de 007 sera fantasmé et placardé sur nos écrans, dans nos magazines et même sur les étiquettes de nos boissons. Le public s’en souviendra et reviendra voir « le nouveau Bond ». A mon sens, peu importe les erreurs de casting (Timothy Dalton), le manque de scénario (Die Another Day ?), le choix des James Bond girls (Léa Seydoux !), les gadgets plus ou moins ringards, les nombreuses incarnations physiques de Bond… tuer en costume 3 pièces restera encore longtemps un fantasme vendeur.
(et pour la critique du film by John Plissken, c’est ici : « 20 bonds en arrière » critique de Spectre de Sam Mendes)
Votre avis nous intéresse : Qu’avez-vous pensé de ce nouveau Bond ? Est-il à la hauteur de vos attentes ? Et que pensez-vous de toutes ces campagnes de publicité qui gravitent autour : positif ou négatif ? Lâchez-vous en commentaire !