Miraï, ma petite sœur : ode à l’enfance

Miraï, ma petite sœur : ode à l’enfance

Note de l'auteur

Dans le domaine de l’animation japonaise, cela fait déjà quelques années que Hayao Miyazaki a annoncé avoir pris sa retraite (avant d’annoncer un nouveau film). Et évidemment, tout le monde cherche son digne successeur parmi la myriade de réalisateurs japonais que compte l’industrie, un bien grand mot pour une place qui n’a pas franchement lieu d’être puisque chacun appose sa patte personnelle sans forcément chercher à égaler le maître.

Tandis que Makoto Shinkai sort enfin de l’ombre avec son gros succès Your Name (après quasiment 15 ans de films que personne n’a vu, un comble), Mamoru Hosoda (La Traversée du temps, Summer Wars, Le Garçon et la bête) continue tranquillement son bonhomme de chemin, enchaînant les films avec son studio Chizu. Le dernier né, Miraï, ma petite sœur (Mirai no Mirai) débarque dans les salles françaises après un passage remarqué au festival de Cannes via la Quinzaine des Réalisateurs. L’histoire prend place essentiellement dans une petite maison japonaise, atypique dans son architecture, accueillant une jeune famille. Kun, petit garçon de la famille, est heureux avec ses parents, qui s’occupent de lui sans cesse, jusqu’à l’arrivée de Miraï, sa petite sœur. Voir un autre bambin accaparer toute l’attention n’est pas du tout de son goût, avant de voir débarquer des membres de sa famille de différentes époques comme par magie.

De mémoire, c’est l’une des rares fois où un film d’animation aborde le point de vue d’un tout petit garçon de manière aussi directe. Les œuvres japonaises ont toujours su mettre en scène des enfants dans des situations fantastiques, comme Totoro, mais il y a toujours eu un(e) grand(e) frère/sœur pour venir apporter un degré de lecture plus mature et plus accessible pour le grand public. Difficile pour un adulte, voire même pour un enfant plus âgé, de partager un point de vue aussi enfantin, surtout quand celui-ci est aussi caractériel que Kun. C’est pourtant exactement ce que tente de faire le dernier film de Hosoda, avec ses défauts et ses qualités. Ça crie beaucoup dans Miraï, ne cachant jamais les accès de colère et de tristesse du bambin, surtout lorsque l’on sait que ce comportement est presque inévitable en tant qu’aîné voyant débarquer une « menace » pour son coin de paradis. Mais le fait que cela nous touche est en soi un tour de force, puisque il est mû par la richesse de son personnage et de l’incroyable travail technique pour retranscrire ses réactions ou sa manière de se déplacer. On savait que Mamoru Hosoda était un habitué de la représentation de l’enfance dans son cinéma, Les Enfants loups, Ame & Yuki en est le parfait exemple. Mais avec Miraï, ma petite sœur, le réalisateur franchit un palier de plus.

Par contre, difficile de penser que le jeune spectateur trouvera son compte dans ce film. Mis à part une séquence de 1, 2, 3, soleil assez géniale par son rythme et sa construction, très peu de choses font rêver à la manière d’un Totoro dans le film, et les incursions fantastiques sont simplement là pour rappeler les grandes peurs de l’enfance (l’abandon, la peur de l’indépendance). Le pitch évoque fortement La Traversée du temps dans son concept de voyage entre les époques, mais il n’en est rien. Miraï se structure sur une succession de saynètes, servant autant à faire grandir Kun (se détacher de la cellule familiale dans la scène du vélo, faire des actions désintéressées avec les poupées) qu’à créer un lien fort avec sa nouvelle petite sœur.

Miraï n’est finalement qu’un prétexte pour raconter comment Kun va grandir et se rendre compte à quel point le monde qui l’entoure est bien plus grand que le sien, et les multiples plans aériens montrant la maison familiale comme un cocon au milieu de cette jungle urbaine ne font que renforcer ce sentiment. Une façon originale et rafraîchissante de parler du passage à l’enfance, l’époque de sa vie où l’on commence à explorer le monde qui nous entoure. Quitte à rendre le film plus éclaté et moins accessible que les précédents films de Hosoda. Un pari osé que de vouloir rester sur le point de vue de cet enfant, rendant le tout pas toujours très digeste et surtout un peu redondant dans sa narration très découpée.

Il est très compliqué de totalement s’impliquer dans ce nouveau film. Il est à la fois réellement touchant et d’une vraie sensibilité sur l’enfance, rarement vue ailleurs, mais aussi frustrant dans sa volonté de progresser par étapes pour parler au plus grand nombre. Les plus grands regretteront l’aspect trop didactique de cette histoire, et les plus petits seront sûrement imperméables à des thèmes difficiles à appréhender pour eux. Miraï, ma petite sœur possède les grandes qualités techniques d’animation de tous les films précédents d’Hosoda, mais déstabilise par sa construction disparate, avec un film qui peut presque, en omettant le premier et le dernier segment, se regarder dans le désordre. Un diamant brut loin d’être évident à regarder (et a apprécier pleinement) mais bigrement passionnant.

Miraï, ma petite sœur (Mirai no Mirai)
Réalisé par Mamoru Hosoda
Doublé par Moka Kamishiraishi, Haru Kuroki, Gen Hoshino, Kumiko Aso
Sortie le 26 décembre 2018

 

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