• Home »
  • CINÉMA »
  • Mission accomplie mais… (critique du Réveil de la Force, de J.J. Abrams)
Mission accomplie mais… (critique du Réveil de la Force, de J.J. Abrams)

Mission accomplie mais… (critique du Réveil de la Force, de J.J. Abrams)

Note de l'auteur

Voilà, ça y est, on l’a vu hier matin cet Episode VII attendu maintenant depuis trois ans. J.J. Abrams a-t-il réussi sa mission impossible de contenter à la fois les fans de la première heure tout en draguant le plus large public possible ? Oui, incontestablement. Mais probablement au prix d’une émotion parasitée par l’impression d’une mécanique trop bien huilée. Avis provisoire avant seconde vision d’un film forcément trop riche d’enjeux pour être appréhendé en une seule fois.

Un gigantesque croiseur interstellaire, filmé en plongée, masque peu à peu une planète abritant une base rebelle. C’est le premier plan postgénérique après la fin du texte déroulant nous apprenant que Luke a disparu et que toute la galaxie le recherche, du sinistre Nouvel Ordre à l’alliance rebelle qui a dû reprendre du service. Au service du leader suprême Snoke (Andy Serkis), le général Hux et son bras armé Kylo Renn traquent le maître Jedi d’un bout à l’autre de la galaxie et, lorsque le film débute, mettent à feu et à sang le campement rebelle visé avant de capturer le pilote Poe Dameron. Parallèlement, un stormtrooper qui a craqué dés sa première mission (John Boyega) décide finalement de rejoindre la Rébellion. Après avoir échoué sur la planète des sables Jakku, il croise le chemin de la ferrailleuse errante Rey (Daisy Ridley) qui l’aidera à convoyer le (très) précieux robot BB8 vers le QG des rebelles toujours dirigés par la princesse Leia.

Cette critique ne sert pas à grand-chose (en fait, à rien…) puisque de toute façon vous avez décidé d’aller voir Le Réveil de la Force, comme nous tous. Mais allez-vous l’aimer ? Depuis ce matin, j’entends les journalistes “généralistes” répéter en boucle et avec condescendance que “ce Star Wars là va plaire aux fans”. Comme si “les fans”, dont je suis, étaient une bande de moutons bêlant à l’unisson et incapables de recul par rapport à la franchise. Que cette condescendance basse du front est agaçante mais, passons ! Cette critique ne peut qu’être temporaire devant l’immense travail d’introspection consistant à digérer le spectacle offert par J.J. Abrams. Une seconde vision (dès ce matin) sera nécessaire pour approfondir voire amender ce texte. Le Réveil de la Force est une réussite au sens fonctionnel du terme : on y est, Abrams et son coscénariste Kasdan ont bien capté tout ce qui fait l’essence de Star Wars, les figures familières, la trame familiale (cruciale, ici), le petit robot tout mignon BB8, les joutes aériennes, la transformation héroïque “à la Campbell”…

Indéniablement fan sincère, J.J. Abrams a piloté un film somme convoquant, comme on s’y attendait et comme clamé par le marketing disneyen, tous les fondamentaux du premier volet. Le tout en s’arrachant les cheveux pour, paradoxalement, produire un script compréhensible par tous même sans avoir vu aucun des épisodes précédents. Le résultat est très plaisant à voir et jamais ennuyeux et, en soi, c’est un exploit. Pas de sensation de trahison ou de total hors sujet ressentis lors de la découverte de La Menace fantôme. Mais lorsque le générique final met un terme à l’expérience, un sentiment de superficialité, toujours le même à l’issue d’un film de J.J. Abrams, côtoie celui de la satisfaction d’avoir assisté à un divertissement de classe A. La faute à un script qui, malgré un démarrage en trombe, finit peu à peu par se concentrer exclusivement sur un cahier des charges trop visibles, au détriment des personnages. Finn et Poe Dameron font principalement les frais de la potion Abrams, tandis que Rey, au contraire, accomplit un parcours héroïque des plus satisfaisants. Notamment lors de deux belles scènes en fin de film et d’un plan, Ô combien symbolique et qui à lui seul produit presque toute la (trop rare) émotion du film. On saluera aussi les retours forcément réjouissants des vieux copains d’avant – Solo, Leia, Chewbacca, C3PO, R2D2… Harrison Ford fait de son mieux pour retrouver la gouaille de jadis mais tire quand même davantage vers le vieux grincheux, tandis que l’attachante Carrie Fisher n’a pas grand-chose d’autre à faire que d’attendre benoîtement au QG que le temps passe.

Deux ratages majeurs surnagent par ailleurs de ce Réveil de la Force. Tout d’abord, l’absence de nouveau thème musical déterminant, John Williams ayant manifestement préféré se reposer exclusivement sur ses “tubes” du passé. Cette carence musicale a beaucoup joué dans ma déception émotionnelle au fil d’un film qui, jamais, n’aura su me tirer de larme malgré de vrais beaux moments. Autre pain notable : le suprême ratage du design du leader suprême Snoke, un gros machin numérique “Lord of the ring-Harry Potteresque”, à des années-lumière du dépouillement mortuaire de l’Empereur. Une remarque me vient : OUI, j’ai aimé ce film terriblement agréable à regarder et il faut vraiment rendre hommage à J.J. Abrams pour avoir su, le plus sincèrement du monde, mener à bien cette impossible entreprise sans salir le mythe. Mais bizarrement, aussi ratés fut-ils, et Dieu sait qu’ils le sont, les films de la seconde trilogie étaient définitivement les œuvres d’un homme. Un créateur perdu dans une mauvaise direction, certes, mais ces films ratés étaient les siens. En regardant Le Réveil de la Force, j’ai l’impression d’un retour réussi, oui, mais d’un film qui n’appartient pas vraiment à son réalisateur. Affaire à suivre après une seconde vision…

Star Wars, Le Réveil de la Force, de J.J. Abrams. Scénario :  J.J. Abrams et Lawrence Kasdan. Durée :  2h15

Partager