Mission : impossible – Fallout : Tom et les Moustachios

Mission : impossible – Fallout : Tom et les Moustachios

Note de l'auteur

Dans le sixième volet de la série, Tom Cruise doit sauver le monde de terribles anarchistes à moustache. Un nanar stratosphérique, avec plutonium, attentats et plein de cascades numériques.

 

 

 

Mission : impossible – Fallout est un film de Tom Cruise, avec Tom Cruise, sur Tom Cruise, pour Tom Cruise. Il y a des corps en mouvement, du métal hurlant, des images qui bougent, c’est speed, bruyant et coloré. Ça a le goût du cinéma, l’odeur du cinéma, ça ressemble à du cinéma, mais ça n’en est pas. Explications en 5 points.

 

1 : Tom Cruise

Si Tom Cruise n’a jamais été un très bon acteur, il a essayé un temps de travailler avec d’excellents metteurs en scène : Stanley Kubrick, P. T Anderson, Steven Spielberg ou Michael Mann. Depuis plus de dix ans, peut-être La Guerre des mondes de Spielby, Tom le mégalo ne tourne plus qu’avec des yes men qui exécutent sans génie leur « Tom Cruise movie » (sauf Brad Bird). Des noms ? La Momie, Jack Reacher 2, Night and Day, Oblivion, Rock Forever… Du nanar plaqué or où l’OS de la caméra doit servir le mieux possible la star avec ses pectoraux épilés, son brushing à 300 dollars et son nouveau lifting. Entre deux placements de marque, c’est à chaque fois le narcisso-show : Ken Cruise à la plage, Ken Cruise torse nu, Ken Cruise en moto, Ken Cruise fait des pompes, Ken Cruise torturé ou – apothéose – Ken Cruise qui se cogne contre Ken Cruise (remember Oblivion). On sent que le métier d’acteur n’intéresse plus beaucoup Tom et qu’il s’est reconverti en cascadeur, heureux de faire partager au monde entier sa passion pour la varappe, les sports mécaniques ou le saut en parachute. On est content pour lui…

 

2 : Le scénario

Euh, quel scénario ? Fallout semble avoir été conçu comme les autres volets de la saga, à savoir la star scientologue, des producteurs malins et ses amis cascadeurs ont imaginé une série de scènes d’action spectaculaires et ensuite un scénariste (voire plusieurs) a eu pour mission (impossible) de relier plus ou moins bien ces séquences entre elles et d’inventer quelques lignes de dialogue. Comme l’avait confirmé le grand scénariste Robert Towne (Chinatown) qui avait travaillé de la sorte pour Mission : Impossible 2 : « On m’a dit : on a des scènes d’action, t’aurais envie d’écrire une histoire entre ? L’expérience a été très curieuse. J’ai été obligé d’écrire à l’envers. » Pas vraiment la méthode optimale pour obtenir un bon film…

Ici, c’est la palme du n’importe quoi. En gros, pour sauver ses hommes, Ethan Hunt a laissé filer trois charges de plutonium (sur la sphère nucléaire, il y a inscrit 966, tu vois l’allusion biblique). Des anarcho-athéïstes (je te jure), moustachus qui plus est, veulent faire tout péter. En moto, en voiture, en hélico, en avion, Tom va tout faire pour sauver une nouvelle fois la planète. C’est tellement débile et mal écrit que je me suis frotté les yeux pendant tout le film. Je comprends que l’important dans MI, ce sont les cascades. Mais si tu veux qu’elles fonctionnent, il faut qu’il y ait un minimum d’histoires autour, des personnages qui soient autre chose que des clichés… Tom Cruise doit se dire qu’il est la Star, l’unique centre d’intérêt de son film, qu’il n’a pas besoin de script ou de partenaires de jeu, et que le public se contentera de le voir suspendu à un hélico ou virevoltant au-dessus d’une grosse Triumph place de l’Étoile. À l’arrivée, le film est juste interminable (2h27), vide, profondément stupide. Avec en plus, cette volonté ridicule de faire passer Tom Cruise pour le Messie. Il y a même une scène finale démente où TC est allongé sur un lit d’hôpital, avec un personnage féminin, et un dialogue qui nous dit quelque chose comme « Il veille sur moi et l’humanité entière ».

Ce mec est dingue !

 

3 : Le réalisateur

Bon, les éléments de langage du marketing nous expliquent que pour la première fois, un réal tourne deux Mission : impossible. Oui, c’est intéressant. Comme si les MI étaient des films de réalisateurs (le De Palma et le Brad Bird, superbes exercices de style, mis à part). Épaulé par le chef opérateur Rob Hardy (Ex Machina, Boy A), encadré par pas moins de dix producteurs et 35 assistants ou réalisateurs de deuxième ou troisième équipe, Christopher McQuarrie livre un blockbuster impersonnel, sans âme et sans génie. Pas un plan de cinéma, pas une surprise, pas un plan iconique. Il signe une espèce de best of de la saga, avec une poursuite de motos comme dans le 2, des clins d’œil au De Palma (avec les masques), des armes nucléaires qui remplacent les armes bactériologiques du cinquième volet, Tom Cruise qui s’accroche à un hélico alors que c’était à un avion dans le Rogue Nation… McQuarrie tourne à Paris, il cadre la tour Eiffel et le jardin du Palais Royal, à Londres, la Tate Modern… Aucun sens de l’espace, aucune idée de mise en scène, c’est du cinéma de faiseur, de fonctionnaire hollywoodien. Le job de McQuarrie consiste à faire reluire son patron, le déifier. On a donc Tom qui court, vole et me venge, mais sans scène torse nu cette fois-ci (le dieu de la sciento aurait-il pris un peu d’estomac ?). À côté de lui, les autres acteurs n’existent pas (d’ailleurs, ils n’ont pas de rôle) et lors du final, lors de son champ/contre-champ avec Michelle Monoghan, les plans sur l’actrice sont… flous !

 

 

4 : Les cascades

Que l’on ne me parle pas des cascades ! Si vous avez vu French Connection, Fury Road, Bullitt, Matrix ou un film avec Jackie Chan ou réalisé par James Cameron, vous ne pourrez que vous taper sur les cuisses… Surtout que l’on imagine le nombre de scènes truquées, les câbles effacées et autres joyeusetés. On a donc des poursuites en hélicos, motos et voitures, déjà vues et revues cent fois, une scène ou Tom saute entre deux immeubles et lors de laquelle il s’est cassé la cheville (c’est un des arguments de vente du film, Tom s’implique à 200%). Mais le saut de Matt Damon dans La Vengeance dans la peau, c’était quand même autre chose, car Paul Greengrass a des idées de mise en scène et qu’il a fait sauter son steadycamer dans le vide derrière Damon pour un plan anthologique.

Il y a néanmoins une scène qui semble avoir intéressé McQuarrie (et Tom Cruise, j’en suis persuadé) : une grosse baston à trois dans les toilettes pour hommes du Grand Palais. Dans une ambiance crypto-gay (avec quatre jolis Parisiens qui susurrent derrière la porte « on peut venir jouer avec vous ? »), McQuarrie livre une bonne scène, très violente et sèche, parfaitement chorégraphiée. On sent que le patron a dû apprécier…

 

5 : La critique

Ce qui me surprend le plus avec Fallout, c’est la critique. Je comprends que des mensuels comme Première ou Cinemateaser mettent Tom Cruise en couverture. Ils n’ont pas vu le film, font des interviews de complaisance, mais, ça marche comme ça depuis des années et il faut vendre son journal. Il y a des papiers sur le net qui recopient les éléments de langage de la Paramount (cascades démentes, Tom Cruise prend tous les risques, bla bla bla…) et même des critiques extatiques (écoutez Jean-Marc Lalanne des Inrocks, c’est délicieux). En relisant leurs articles, je me demandais une chose : et si à force de manger de la merde, ils y avaient vraiment pris goût ?

 

Mission : impossible – Fallout 
Réalisé par Christopher McQuarrie
Avec Tom Cruise
En salles le 1eraoût 2018

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