
La Découverte de la Peur, épisode 1 : Johnny Got His Gun et Pig Island
La peur, c’est ce sentiment parfois recherché, parfois pas du tout, qu’on a pu découvrir tout petit devant un Disney (le dragon de La Belle au Bois dormant, la sorcière de Blanche-Neige, madame Mim ou Ursula… Nous savons. Nous ne vous jugeons pas.) ou plus tard avec un bon roman de Stephen King ou en regardant Scream (si, si). À l’occasion d’Halloween, l’équipe du Daily Mars se souvient de ces moments qui les ont fait frissonner, sursauter, traumatiser. Happy Halloween !
Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo
21 grammes. Le poids de l’âme. Le poids que perd le corps humain après avoir expiré son dernier souffle. 21 grammes, c’est ce qu’il reste de Joe, ce qui le maintient dans notre monde. Corps dévasté par un obus sur le champ de bataille de la première guerre mondiale. Il ne reste rien sinon le touché et une conscience. Ablation des membres, des sens, que reste-t-il d’un homme quand tout ou presque lui a été enlevé ?
Une voix dans un corps vide, qui essaie de se rappeler son passé. Le cri que l’on ne peut entendre. Les mouvements que l’on ne peut réaliser. Prisonnier de son propre corps, face à un monde qui ne sait même pas que l’on est là, esprit intact dans une enveloppe démissionnaire. Une histoire de claustration. Un effroi insupportable.
Le noir et blanc granuleux s’impose à l’image, dans toute sa crudité. Et créée cette impression d’expérimentation, d’un film qui cherche sa forme pour souligner la force d’un propos, la puissance de l’angoisse. C’est à la fois un peu dégueulasse et clinique. La désincarnation du milieu médical, tempérée par une voix off (forcément), qui tente de se rappeler une vie vécue. Angoisse de la soumission, Johnny Got His Gun n’est pas un pamphlet contre la guerre, ni une fable éthique sur la valeur de l’être humain. C’est le portrait glaçant d’un homme qui n’a pas cessé de vivre, emprisonné dans un corps à l’abandon. La vision la plus dure, cruelle et insupportable de la claustrophobie.
Pig Island par Mo Hayder
par Déborah Gay
Autre moment d’atmosphère étouffante, les livres de Mo Hayder. Elle est connue en France pour son ouvrage Tokyo, grand prix des lectrices Elle en 2006, et très bon au passage, sombre et terrible (et qui m’a fait découvrir le massacre de Nankin pendant la Seconde Guerre Mondiale). Mais c’est Pig Island qui m’a scotchée au fauteuil. Certes, ce n’est pas un ouvrage fantastique, type Ça de Stephen King (que je ne pouvais pas continuer à lire une fois le soleil couché. J’ai passé un drôle d’été, cet été-là, bref).
J’aurais aussi pu vous parler de La Nuit des Pantins de R. L. Stine, mais j’aurai du avouer avoir été terrifiée, avec délice, par des Chairs de Poule et ça nuirait à mon (absence d’)image (ce livre m’a empêchée de dormir toute une nuit. J’avais huit ans, voilà. Je ne sais pas pourquoi j’ai continué à lire toute la collection. Mais l’idée qu’on puisse mettre sa main dans une marionnette et sentir une masse molle et chaude, qui est une cervelle, reste pour moi le summum de l’épouvante. Voilà, c’est dit).
Bref. Donc, Pig Island c’est aussi un roman sourd, sexuel, dépravé et monstrueux. C’est un livre moite, où un journaliste pénètre dans une communauté sur une île, pour prouver que le diable qu’ils vénèrent n’existe pas. Meutre et massacres vont alors s’accumuler autour de lui, sur l’île et à son retour sur le continent. C’est l’histoire d’une attraction mortifère, du Mal qui est là. C’est douçâtre, entêtant et la fin arrive comme une claque soudaine, réécrivant l’intégralité du roman. C’est magnifique et noir, moins polar que ses autres ouvrages, flirtant avec le gothisme. Si vous ne l’avez pas lu, et ne savez pas quoi faire vendredi soir…