
Mom : bilan de la saison 1
Des femmes, du rire facile, des traits d’humour plus malins et l’émotion qui n’est jamais bien loin. La série estampillée « Projet Chuck Lorre » (qui est déjà derrière Two and a Half Men, The Big Bang Theory et Mike & Molly, trois sitcoms toujours à l’antenne de CBS) concentre à la fois tout ce qu’il y a de bon et de beaucoup moins bon dans l’oeuvre du producteur. Gros plan sur ses 22 premiers épisodes.
Mom est une drôle de série. Pas parce que, pendant sa saison 1, ses punchlines ont toujours fait mouche mais parce qu’elle a souvent emmené le téléspectateur là où il ne s’attendait pas à aller. Serait-ce la surprise de la saison côté comédies de network ? Le qualificatif est un peu fort… mais une chose est sûre : la série offre beaucoup plus que ce que son pilote donne à voir.
Si vous n’avez jamais vu Mom et si vous évoquez avec des sériephiles cette sitcom créée par Chuck Lorre, Gemma Baker et Eddie Gorodetsky, un bon nombre d’entre eux vous diront que le pilote est raté. Certains diront même que c’est une purge. Difficile de leur en vouloir : dans le premier épisode, le trio de scénaristes éprouve toutes les peines du monde à installer l’univers de la série.
Pire : le script rame sérieusement pour aboutir à l’installation de Bonnie Plunkett (Allison Janney), ex-alcoolo/junkie/trafiquante, chez sa fille Christie (Anna Faris).
Soyons clairs : ça ne donnait pas franchement envie.
Mais on vous l’a dit : Mom est une drôle de comédie. Et avec les épisodes 2 et 3, la sitcom montre qu’elle peut donner du corps et du cœur à son propos. Sans jamais se détacher de son ambition initiale. La série raconte effectivement comment deux femmes (Christie et Bonnie) essaient de former une famille alors que toutes les deux, à tour de rôle, ont essayé de s’extraire de ces obligations une fois qu’elles sont devenues mères.
Instables, souvent cyniques, souvent truqueuses, elles se retrouvent rapidement rattrapées par la réalité lorsque la fille aînée de Christie, Violet (Sadie Calvano), se retrouve à son tour enceinte, alors qu’elle n’a que seize ans. Un peu comme si le schéma se répétait encore et encore.
En s’intéressant à une frange de la population américaine qui a plus souvent le nez dans la merde que dans les nuages, Lorre renoue avec des séries qui ont fait son succès : Roseanne (dont il fut scénariste-producteur) et Grace Under Fire (qu’il a créée). Dans ces sitcoms, l’humour jaillit souvent du pragmatisme des personnages, et de leur capacité à prendre du recul sur la succession de problèmes qu’ils rencontrent. Ca ne retire en rien le fait qu’ils ont du cœur, cela nourrit même cette dynamique. Souvent, le rire n’est jamais bien loin de l’émotion, voire des larmes… C’est arrivé parfois dans The Big Bang Theory, cela arrive souvent dans cette série.
Dans ses meilleurs moments, Mom montre en effet une adresse assez étonnante pour tout ce qui relatif à la gestion des sentiments. A cela, deux raisons : la première, c’est la présence d’Allison Janney au générique. Avec un personnage qui aurait pu être caricatural, lourd et fatiguant, l’ex-CJ Cregg de The West Wing montre une fois encore tout son talent. Assez bluffante dans la façon dont elle incarne une femme qui veut changer mais n’est pas convaincue d’y parvenir, la comédienne fait vraiment le job. Y compris dans la façon dont elle habite physiquement son rôle.
Le jury des Emmy Awards ayant une forte tendance à récompenser les acteurs des comédies de Chuck Lorre (souvenez-vous : Jon Cryer meilleur acteur de comédie pour Two and a Half Men. Ou Melissa McCarthy, meilleure actrice pour Mike & Molly), il ne serait pas surprenant de voir l’actrice repartir avec une statuette en septembre prochain.
L’autre élément qui permet à la série d’explorer des questions assez denses, c’est la réorientation de son récit en cours de route. Si les premiers épisodes se concentrent surtout sur la façon dont Christie gère sa vie professionnelle et sa vie familiale, la donne change avant que l’on arrive à la moitié de la saison. Mom devient alors une comédie centrée sur ses deux personnages féminins principaux et la façon dont ils avancent, l’un et l’autre, vers un certain équilibre.
Est-ce que les producteurs ont fait ce choix en constatant l’abattage d’Allison Janney épisode après épisode ? On peut sérieusement le penser. A ce titre, les scènes des réunions d’Alcooliques Anonymes, ou celles avec Marjorie (une ex-alcoolo qui se bat contre un cancer) et Regina (une addict qui a escroqué des investisseurs) montrent que la série sait doser son humour.
Clairement, Mom propose alors des choses que l’on voit peu dans les comédies de networks aujourd’hui. C’est tout ce qui fait sa force, sa singularité. C’est d’autant plus appréciable que Lorre, Baker et Gorodetsky doivent aussi composer avec les défauts intrinsèques de la série.
Car si le show sait émouvoir, il peut aussi être remarquablement balourd, emprunté. Et lorsque cela arrive, il faut le dire, Anna Faris est souvent sur le devant de la scène.
Dans sa présentation du pilote, Fred Moreau avait insisté sur l’importance du timing dans une sitcom et les problèmes que la comédienne avait à ce niveau. Il a vu juste. A plusieurs reprises, tout au long de la saison, Faris a du mal à servir son personnage aussi bien que ne le fait Allison Janney. Du coup, on a souvent du mal à être touché, amusé ou ému par Christie.
Ce n’est pas toujours le cas : en début de saison, dans ses scènes avec le comédien Justin Long, elle montre qu’elle peut le faire. Comme dans son histoire avec le personnage de Nick le pompier. Son monologue dans le finale est aussi très bien servi. Mais régulièrement, la série tombe dans le rire facile, mal incarné et assez vain. Mom prend alors le risque de devenir Two and a Half Men dans ses saisons les plus fainéantes. Pour le coup, c’est un peu les montagnes russes…
Ceci nous renvoie à une question de fond. Au delà de la prestation de Faris, c’est peut-être les rapports que Christie entretient avec certains personnages récurrents (Baxter, le père de Roscoe, son fils; Gabriel, son patron et ex-amant) qu’il faut repenser. On sent que les interactions entre eux sont assez faibles. Moins probantes que celles que Bonnie entretient avec les autres, par exemple.
La faute à la réorientation du récit ? Possible, mais pas seulement. Autant il est facile de définir Bonnie et ses excès, autant Christie fait souvent (pas tout le temps, mais plusieurs fois) figure de complice en réaction aux frasques de sa mère. Sans que cela ne soit exprimé de manière tranchante.
Si la série parvient à mieux servir Christie sans pénaliser le personnage de Bonnie; si elle garde son aptitude à nourrir le récit d’authentiques émotions, Mom peut nous offrir une belle saison 2. Celle-ci méritera en tout cas un coup d’œil attentif.
MOM (CBS)
Saison 1, 22 épisodes.
Créée par Chuck Lorre, Gemma Baker et Eddie Gorodetsky
Avec : Anna Faris (Christy Plunkett), Allison Janney (Bonnie Plunkett), Nate Corddry (Gabriel), French Stewart (le chef Rudy), Sadie Calvano (Violet), Blake Garrett Rosenthal (Roscoe), Matt Jones (Baxter), Spencer Daniels (Luke), Mimi Kennedy (Marjorie), Octavia Spencer (Regina) et Kevin Pollak (Alvin).