
Mommy de Xavier Dolan
Il y a un paradoxe dans le cinéma de Xavier Dolan. Une proposition arty, gonflée d’influences populaires. Comme s’il cherchait à décloisonner les genres, réunir les gens. Mommy, c’est à la fois radical et fédérateur, exigeant et universel, extrême et humble. Un cinéma qui gémine, siamois, dans un geste qui révèle la jeunesse : maladroit, entier, pur.
Mommy est un portrait. Ou des portraits. Une mère et son fils. Une voisine. Ensemble ou séparément. Le choix d’un format 1:1 s’explique par cette volonté de séparer les corps ou les faire exister dans l’intimité d’un cadre étroit. Une vision étriquée, resserrée, un peu nombriliste par sa façon autarcique de soustraire le monde. Trois individus écorchés, en (re)construction dans une émulation commune pour grandir, guérir, s’épanouir. Valse brutale, Mommy nous montre une succession de combats. C’est un film violent à plusieurs niveaux. Violence des sentiments, violence des corps, cristallisées à l’intérieur d’un adolescent troublé, malade, extrême.
Cinéma primitif. Il y a, chez Dolan, une candeur à s’exprimer sans masque. Mommy est bâti à l’identique. C’est à la fois sa force et ses limites. Le film gagne une puissance brutal, impudique, viscérale. Mommy s’expose sans fard, les acteurs semblent à nue et même l’artifice formel de cette image carrée paraît naturelle, génération smartphone. Mais de ce rouleau compresseur, se dégage une forme d’indécence qui rend parfois le film fatiguant. Guère aidé par une volonté de trop-plein chez Dolan qui l’empêche de tailler dans ce rocher brut. Le film est un bloc. Une charge qui émeut autant qu’il étouffe. Amputé d’une vingtaine de minutes, Mommy aurait conservé toute sa force, sans ce sentiment d’exténuation.
De cette déferlante quasi naturaliste, une séquence s’extrait, comme une entorse à un dogme. Et nous rappelle que Dolan, sous des airs peut-être un peu poseur, est capable de rendre à l’image, sa poésie onirique. La scène détonne, par son ton, l’élargissement de son cadre (1:85), par sa présence, finalement. Un geste qui rappellera Six Feet Under. Un geste comme dernier sursaut de vie d’un spectacle condamné. Cruelle par son retour à la réalité, cruelle par sa proposition élégiaque imaginaire, la scène nous montre qu’il n’y a plus d’échappatoire. Et le réalisateur de jouer les émotions oscillatoires. Tout Mommy s’inscrit dans cette bipolarité.
La critique de Jane McClane, ici
Mommy réalisé et écrit par Xavier Dolan, avec Anne Dorval, Antoine Olivier Pilon, Suzanne Clément
Sortie DVD, BRD, le 18 Mars 2015 chez TF1 Vidéo
MOMMY – Bande-annonce par diaphana
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