
MOVIE MINI REVIEW : critique de Apprentice
On plaisante pas avec la peine de mort à Singapour… Rahim, bourreau de son état officiant dans une prison de haute sécurité, aime le travail bien fait dans le respect des règles et dans la compassion à l’égard des suppliciés. Un jour, débarque un nouveau maton, Aiman, qui va devenir son apprenti. Mais ce jeune homme étrange, en pleine quête d’identité…
Junfeng Boo renverse totalement les codes du cinéma carcéral (la prisonxploitation), ce genre codifié à l’extrême. Oublié les taulards sanguinaires et maudits qui s’entretuent. Ici, on est du côté des gardiens, dans les entrailles labyrinthiques de la prison, plus précisément dans les coulisses d’un théâtre macabre, cette salle glaçante où les condamnés sont précipités dans le vide du haut de leur potence.
Apprentice s’attaque donc à la peine de mort. Mais avec une simplicité déconcertante. Une distance folle… Elle n’est jamais frontalement remise en question. Junfeng Boo s’intéresse à ces deux hommes si proches, que paradoxalement tout oppose. Ils vivent chacun avec la mort mais pas de la même façon. Le bourreau Rahim voit ça comme un travail impersonnel, un sacerdoce (qui le ronge quand même de l’intérieur) qu’il se doit d’effectuer à la perfection alors que le jeune Aiman est à la fois fasciné et écœuré par ce rituel inhumain masqué derrière une discipline robotique. Il a besoin de toucher la mort du doigt pour renaître, quitte à s’autodétruire. Apprentice mélange drame psychologique et chronique sociale. Toujours avec une empathie pleine de pudeur pour ce microcosme terrifiant. Le respect porté à chaque protagoniste (les familles, les condamnés, les gardiens) de ce ballet sépulcral est impressionnant.
Malheureusement, Junfeng Boo n’évite pas, par moments, une certaine balourdise dans sa mise en scène… Les bastons de regards impénétrables s’enchaînent entre les deux héros possédés par un spleen bidule qui leur fait faire des phrases toutes faites sur la vie. Ils sont liés par un lourd secret… Secret dévoilé en plein milieu du film ! Ce qui paradoxalement permet à Apprentice de se libérer de cette pesanteur narrative et de s’attacher à ces survivants du quotidien… Poignant…
En salles depuis le 1er juin
2016. Singapour/France/Allemagne. Réalisé par Junfeng Boo. Avec Mastura Ahmad, Crispian Chan, Nickson Cheng…
Apprentice Bande-annonce VOSTFR par allocinoche