MOVIE MINI REVIEW : critique de Nocturama

MOVIE MINI REVIEW : critique de Nocturama

Note de l'auteur

nocturama

 

 

 

Quand une société entre-t-elle en décadence ? Quand plonge-t-elle dans cette spirale sépulcrale qui a ravagé systématiquement chaque civilisation, aussi puissante soit-elle, au cours de l’histoire ? Peut-être lorsque sa jeunesse, qui terrifie plus que jamais le pouvoir par sa soif inconditionnelle de liberté, en est systématiquement exclue… Et qu’elle prend les armes, un jour, comme ça, sans raison apparente, dans un geste nihiliste purificateur et destructeur… Cet acte terroriste pur, Bertrand Bonello l’expose et l’explose dans Nocturama (écrit avant la récente vague d’attentats qui a frappé la France), où un groupe d’adolescents issus de classes sociales différentes se retrouvent pour mettre Paris à feu et à sang dans un calme et une indifférence stupéfiante… Sauf que ce nihilisme, quasi religieux, revendiqué par Bonello (qui s’inspire autant du situationnisme rigoriste à Guy Debord que de l’anarchie délirante des mannequins cocaïnés et décérébrés du génial Glamorama de Bret Easton Ellis), ben c’en est pas quoi ! Et c’est bien là tout le problème…
Nocturama s’avère passionnant par ce qu’il veut raconter, un monde passé subitement en mode autodestruction, mais encore plus par le fait qu’il se plante systématiquement dans la manière de le faire. Bonello n’assume jamais son nihilisme. Il a fondamentalement besoin de l’expliquer, de lui donner un sens politique marxisant (pour résumer grossièrement). Et ça flingue tout. Du vieux (enfin trentenaire quoi) chef de clan à moustache anticapitaliste (la charge anti-banquier est horriblement caricaturale) qui dirige l’opération et fournit les armes jusqu’au symbolisme puéril et pachydermique d’un final qui fait s’opposer jeunesse innocente (faudrait savoir) et miséreux aux vilains policiers déshumanisés aux ordres d’un pouvoir qui assassine (pas seulement symboliquement) ses enfants. Et la seconde partie interminable, située dans un grand magasin où les terroristes en herbe se perdent et s’émancipent n’importe comment de leur statut de robot consommateur, finit d’alourdir un film finalement furieusement manipulateur.
Et comme la caméra de plomb de Bonello pulvérise toutes tentatives de poésie avec son image dégueulasse et son montage soporifique, Nocturama s’abîme dans une mauvaise copie d’Elephant, le chef-d’œuvre de Gus Van Sant. C’en est même gênant… Même structure narrative (les événements qui se répètent et se répondent en permanence), même froideur dans la caractérisation des personnages. Mais là où Van Sant transcendait totalement son sujet autrement plus sulfureux (la tuerie de Columbine), Bonello est incapable de donner du rythme à Nocturama. On s’ennuie très vite devant ces gamins révolutionnaires perdus dans leurs têtes et dans leur grand magasin de jouets capitaliste. Les symboliques les plus lourdingues sont de sorties. Et c’est frustrant… Horriblement frustrant. Parce que ce déferlement glacial et Kubrickien de terreur vous prend aux tripes… Les enfants robotisés par le consumérisme totalitaire se sont révoltés contre leurs géniteurs comme les machines de la saga Terminator… Mais en les humanisant, Bonello perd le fil de sa démonstration. Ne reste que le portrait, finalement convenu, d’une jeunesse terroriste perdue dans l’autodestruction et le fanatisme (comme la génération perdue d’Action Directe et des Brigades Rouges). C’est paradoxalement en politisant son propos que Bonello l’édulcore et le rend inoffensif. Révolution et nihilisme, c’est pas la même chose… Un comble vu son ambition.
Mais Nocturama n’en demeure pas moins passionnant… Un ratage flamboyant… Un putain de drôle de film… Envoûtant malgré lui…

En salles depuis le 31 août
2016. France/Allemagne/Belgique. Réalisé par Bertrand Bonello. Avec Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani…

 

 


NOCTURAMA Bande-Annonce (2016) par AuCine

 

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