
MOVIE MINI REVIEW : critique de Saint Amour
Ils se passent de drôles de trucs dans les cerveaux hautement alcoolisés et furieusement originaux (enfin, ça dépend des fois) du duo Delépine & Kervern ! Comme une espèce d’apaisement… Finies les expérimentations nihilisto-tarées comme le fantastique Near Death Experience. Abandonnés les contes sociaux (très vaguement) énervés plus ou moins aboutis (du super Mammuth aux décevants Louise-Michel et Le Grand Soir). Avec Saint Amour, le duo made in Groland nous sert un road movie (là rien de nouveau sous le soleil) hautement vinifié (là non plus, rien de nouveau sous le soleil) tout en émotion !
Jean, éleveur de bovins (un Gégé Depardieu plus gargantuesque que jamais) abandonne ses gros bestiaux au salon de l’agriculture et embarque son fiston Bruno, vieux garçon malheureux (un Poelvoorde en mode autodestruction), sur la route des vins en prenant (vaguement) en otage un jeune chauffeur de taxi (un Vincent Lacoste dégoulinant de parisianisme). Cette trame plus que minimale (un classique chez les grolandais) se transforme en road movie léger comme une bulle de Pouilly. En fable iconoclaste sur l’amour, la filiation et la transmission. Tel un Monte Hellman déchiré à la Villageoise (un de leur grand modèle, Hellman pas la Villageoise, quoique…), Delépine & Kervern embarquent leur casting de tarés sur les chemins vinicoles et cabossés du bonheur.
Et cette légèreté permanente détonne totalement dans leur cinématographie sulfureuse. La vie et la liberté et l’amour sont partout. Toujours à porté de bouteille… Les trois gentils crétins rencontrent une ribambelle de personnes encore plus mal en point qu’eux. Les clins d’œil pullulent (de Bertrand ‘Les Valseuses’ Blier à Marco ‘La Grande Bouffe’ Ferreri sans oublier Manuel ‘Western’ Poirier ou Jim ‘Broken Flowers’ Jarmusch) et l’on se perd dans cette fable enivrante qui semble marquer un certain renoncement. Le duo (faussement) punk Delépine & Kervern s’est rangé des camions. Il n’aspire plus qu’au bonheur simple (toujours entrelardé de folie surréaliste et de zillions de litrons de rouge). Il a atteint le 11e stade de l’ivresse qui n’en compte que dix. La plénitude…
On peut prendre ça pour de la trahison. Ou de la fumisterie. Ou alors pour une (r)évolution inéluctable. Ou plus simplement pour un improbable feel good movie, magnifié par la musique sublime d’un autre grand génie taré, Sébastien Tellier…
En salles depuis le 2 mars
2015. France/Belgique. Réalisé par Benoît Delépine & Gustave Kervern. Avec Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste…
EXCLU – La Bande-Annonce inédite de Saint Amour… par franceinter