Mr. Majestyk : Bronson en a grosses comme des pastèques !

Mr. Majestyk : Bronson en a grosses comme des pastèques !

Note de l'auteur
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Charlie a la cool attitude avec son béret.

Sorti sur les écrans en 1974, Mr. Majestyk revient le 5 octobre dans un magnifique coffret chez Wild Side – un combo Blu-ray/DVD accompagné d’un livret exclusif, richement illustré. Dans ce robuste polar de Richard Fleischer, Charles Bronson, l’inoubliable homme à l’harmonica d’Il était une fois dans l’Ouest, l’un des Douze Salopards et des Sept mercenaires, incarne un agriculteur, propriétaire d’un champ de pastèques, qui rencontre quelques pépins.

Nancy Chavez (la Chilienne Linda Cristal), découverte dans Alamo de John Wayne.

Nancy Chavez (la Chilienne Linda Cristal), découverte dans Alamo de John Wayne.

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Budd, le vilain joué par Michael Madsen dans les Kill Bill, avait décoré l’intérieur de son mobile home crasseux avec une affiche vintage de Mr. Majestik ? Et pour quelle raison Drexl Spivey, le dealer à dreadlocks interprété par Gary Oldman dans True Romance, faisait allusion à la nonchalance de Bronson dans ce même film ? Parce que Tarantino est un big fan de ce polar, d’accord. Mais aussi parce qu’il vénère le romancier Elmore Leonard, au point d’avoir adapté son livre Rum Punch avec Jackie Brown. Le scénario original de Mr. Majestik a en effet été écrit par le grand Elmore Leonard, disparu en août 2013 à Détroit. Ce dernier a souvent nourri le cinéma (les westerns 3h10 pour Yuma et Hombre, les polars Paiement cash et Hors d’atteinte, la comédie Get Shorty), mais aussi la télévision (la série Justified).

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Œil plissé et visage buriné, l’impassible Charles Bronson incarne donc, à 53 ans, Vincent Majestik. Ce vétéran du Vietnam (tiens, encore un !), décoré de la Silver Star, a fait neuf mois de prison en Californie, à Folsom. Quand on le découvre dans la toute première scène du film, il sort des chiottes d’une station-service. Sur la porte des toilettes figure une inscription : “MENˮ. Pas “LADIESˮ. Ça pose tout de suite le personnage. Car Majestyk est un homme, un vrai, pas un bouffeur de yaourts, au cas où certains en douteraient. Il a été routier, ouvrier agricole, instructeur de Rangers à Fort Benning, en Géorgie. Ce gros dur mène désormais une vie paisible dans le Colorado où il ne demande qu’à s’occuper de sa ferme et de son business. En l’occurrence une exploitation de pastèques de 65 hectares (dans le roman d’Elmore Leonard, Vince est producteur de melons). Las, Bobby Kopas (Paul Koslo), un jeune bouseux particulièrement abruti de La Junta et ses sbires viennent lui chercher des noises. Ces types, à la solde d’un exploiteur local, menacent d’abord les immigrés mexicains qui travaillent comme saisonniers pour l’agriculteur et tentent de le racketter, en le forçant à engager leurs hommes à la place des Chicanos pour cueillir ses cucurbitacées (“Vous engagez des latinos et pas des blancs. C’est de la discriminationˮ, reproche Kopas, en habit de cow-boy, à Majestyk avant de se prendre la crosse d’un fusil dans les glaouis). Coiffé d’un béret, l’ex-U.S. Army Ranger ne cède pas aux tentatives d’intimidations. Les bad guys mitraillent alors ses récoltes ! La tête comme une pastèque, Bronson s’empare d’un shotgun et n’attend pas la fête de la citrouille pour faire des cartons sur les gros melons de l’Organisation.

Le bad guy Frank Renda (Al Lettieri), l’autre moustachu burné du film.

Produit par Walter Mirisch (Les Sept Mercenaires et La Grande Évasion, déjà avec Bronson) et sorti aux States une semaine avant Un justicier dans la ville, ce polar qui cogne dur doit beaucoup à la mise en scène de Richard Fleischer (l’artisan accompli de 20 000 lieues sous les mers, Les Vikings, Soleil vert), à la musique surexcitante de Charles Bernstein et surtout au vilain du film : le dangereux tueur à gages de la mafia, Frank Renda. Un géant moustachu incarné par Al Lettieri. L’œil cruel, les cheveux très noirs et le teint très brun, ce rital à la carrure impressionnante avait déjà donné du fil à retordre à Steve McQueen dans Guet-apens de Sam Peckinpah, deux ans auparavant. On avait découvert cette armoire à glace, la même année, dans la fameuse scène du Parrain où il se faisait flinguer par Al Pacino à la table d’un petit restaurant italien (oui, c’est Lettieri qui incarnait le gangster Virgil Sollozzo dit “le Turc” dans le masterpiece de Coppola). Cet autre Al mourut hélas prématurément d’une crise cardiaque à l’âge de 47 ans. En tueur impulsif dans Mr. Majestik, il est particulièrement retors face à un Bronson monolithique, qui trouve enfin un adversaire à sa taille. Poursuites en Ford pickup truck au bord d’une falaise, fusillades dans un chalet perdu dans les bois, castagnes… Cette histoire de Watermelon Man reste décidément l’un des meilleurs films 70’s de la star moustachue avec Le Flingueur (The Mechanic, 1972) et Un justicier dans la ville (Death Wish, 1974) de Michael Winner et Le Bagarreur (Hard Times, 1975) de Walter Hill. Respect, donc pour ce badass à la cool attitude.6

L’ÉDITION VIDÉO

IMAGES (4/5) :

Le Blu-ray américain édité par Kino Lorber en août 2014, pour les quarante ans du film, était bloqué en région A (et donc illisible sur les platines françaises), sans sous-titres français et dépourvu de bonus. L’édition région B publiée par Wild Side ces jours-ci corrige le tir. Présentée en 16/9e au format 1.85:1, dans une résolution HD 1080 24p, cette copie restaurée propose un master MPEG-4 encodé en AVC (25.97 Mbps). Par rapport à l’import américain, les équipes techniques de Wild Side ont effectué des travaux complémentaires sur la copie fournie par l’ayant droit, en réparant de nombreux défauts et en peaufinant l’image, soit une dizaine d’heures de travail supplémentaires. Le résultat est globalement superbe. Lumineuse, colorée et d’une grande netteté dans les séquences de jour, l’image – à l’aspect argentique – donne toute satisfaction (elle est bien plus clean que celle sur le DVD MGM paru en 2004). Grâce au nouveau piqué, on découvre de nombreux détails absents des versions SD (ah, ces reflets sur la carrosserie des véhicules Dodge, Ford et autres Chevrolet !). Mille détails apparaissent enfin à l’écran (tissu des vestes, bleu des jeans, texture de la peau) et la colorimétrie laisse rêveur (éclat des rouges). En revanche, certains plans tournés en basses lumières présentent un bruit vidéo important et posent problème. L’étalonnage de certaines scènes (comme celle dans la cabane des chasseurs, à 26 minutes) est en effet excessivement sombre et le grain semble trop prononcé. Il semblerait que ces rares séquences d’intérieurs (parfois nocturnes) n’ont pu être rattrapées par les magiciens de la palette graphique, qui restaurent miraculeusement les classiques du cinéma. Mais l’on pinaille un peu car, dans l’ensemble, ce film solaire offre une image remarquable et la pellicule est désormais vierge de défauts.

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SON (3/5) :

Mr. Majestik est proposé en VO ou en VF mono 2.0 DTS-HD Master Audio (48kHz, 16-bit). C’est-à-dire que la piste mono est dispatchée sur vos enceintes frontales à gauche et à droite. Le mono d’origine se suffit d’ailleurs à lui-même (alors que certains éditeurs ont tendance à remixer en 5.1 certaines œuvres anciennes qui n’en ont franchement pas besoin). D’autant que le son clair et limpide de la version originale (aux sous-titres français imposés) présente une bonne dynamique. La version française, plus sourde, est plutôt déconseillée, même si le doublage d’époque possède un certain charme… à condition de supporter la traduction approximative des dialogues. Par exemple, la réplique de Bronson à Paul Koslo : “You make sounds like you’re a mean little ass-kicker. Only I ain’t convinced. You keep talkin’, I’m gonna take your head off.” devient en VF : “Tu pètes de la gueule comme une petite frappe de banlieue. Je te dis tout de suite que ça me laisse froid. Si tu l’ouvres encore, je te file ton avoine.” Du grand portnawak. À noter que Charlie Bronson est doublé ici par l’inénarrable Claude Bertrand, qui prêtait régulièrement sa voix de basse aux regrettés Bud Spencer et Burt Lancaster, mais aussi à Roger Moore (pour tous ses James Bond).

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Bronson, l’homme des bois.

BONUS (4/5) :

Les suppléments du disque sont totalement inédits car ils ont été spécialement conçus pour cette édition. Wild Side a en effet missionné l’excellent Robert Fischer, un spécialiste des bonus collaborant avec de nombreux éditeurs partout dans le monde, pour la conception de deux modules passionnants. Fischer (dont la boîte Fiction Factory est basée à Munich – vous pouvez visiter son site à cette adresse https://www.fictionfactoryfilm.de/) a en effet produit, monté, écrit et réalisé Colorado cool : un entretien avec le directeur de la photographie Richard H. Kline (14’) mais aussi Colorado chic : une interview de la comédienne Lee Purcell (28’). Dans le premier module, Kline se remémore sa collaboration avec Bronson et Richard Fleischer. Âgé bientôt de 90 ans, le chef opérateur ne tarit pas d’éloges sur l’acteur (qu’il avait déjà éclairé sur Le Flingueur) et le cinéaste (avec lequel il avait déjà travaillé sur L’Étrangleur de Boston, Soleil vert et Don Angelo est mort). Cet excellent technicien signera ensuite la photo de Furie de Brian De Palma, Star Trek, le film de Robert Wise et La Fièvre au corps de Lawrence Kasdan. Le deuxième module, lui, donne la parole à Lee Purcell, qui joue dans le long métrage la poule du gangster de Denver, Frank Renda. L’actrice américaine de 69 ans (elle en avait 27 au moment du tournage) garde un souvenir ému de son partenaire de jeu Al Lettieri, disparu trop jeune, et de Charles Bronson : “Il n’avait rien à voir avec l’image que l’on pouvait avoir de lui… Il était si discret, si timide, si modeste et si poli. C’était un gentleman.ˮ Illustré de photos d’archive rares, le livret de 60 pages qui accompagne le coffret de Mr. Majestyk dit exactement le contraire. John Landis y raconte que “Bronson n’était pas vraiment du genre à vous taper sur le ventre.ˮ (no shit !). Le chef op’ d’Un justicier dans la ville, Arthur Ornitz, avoue de son côté que “Charlie était distant. Bien que professionnel, il restait assis dans son coin et n’adressait la parole à personne entre les prises. C’était un mineur de fond.ˮ Comme le rappelle d’ailleurs l’excellent auteur de l’ouvrage Frédéric Albert Levy, dit FAL, journaliste et cofondateur de la revue Starfix. Charles Dennis Buchinsky (de son vrai nom Karolis Dionyszas Buckinskis) a en effet débuté comme mineur de fond à un dollar la tonne de charbon, puis il a été mitrailleur de queue d’un bombardier pendant la Seconde Guerre mondiale, décoré de la Purple Heart. Ce onzième des quinze enfants d’une famille ouvrière d’origine tatare lituano-polonaise est décidément un Homme au masculin. Et s’il roule parfois des mécaniques dans le majestueux Majestyk, son jeu reste sobre. “Elles sont belles mes pastèques !ˮ dit en substance Charlie dans le film. Et vous devriez les goûter.

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Monsieur Majestik (Mr. Majestik). De Richard Fleischer (USA, 1974). 1h44. Avec Charles Bronson, Al Lettieri, Linda Cristal, Lee Purcell, Paul Koslo, Taylor Lacher, Jordan Rhodes. Prix public indicatif : 24,99 € le coffret Blu-ray + DVD + livre. Sortie le 5 octobre. Éditeur : Wild Side.

Remerciements à Adrienne Fievet et Benjamin Gaessler de la Wild Side team.


Mr. Majestyk – Extrait par DailyMars

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vhs

 

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