On a lu… Murs, murs de Tignous

On a lu… Murs, murs de Tignous

Note de l'auteur

Tignous, victime des attentats contre Charlie Hebdo, est de retour dans cet album posthume, qui s’attaque aux prisons françaises.

PlancheA_259376L’histoire : Lannemezan. Le centre pour femmes de Rennes. L’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville. La maison d’arrêt de Douai. La maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Tignous s’est trouvé dans un drôle de tour de France, et croque à chaque maison, une chambre, un témoignage, un détenu. Ce n’est pas une histoire. Ce sont des tranches embarquées de vies. Leur point commun : se trouver dans un régime d’interdiction de liberté.

Mon avis : Quel drôle d’album à tenir entre ses mains, à un bien drôle de moment. Une bande dessinée témoignage, par un homme assassiné le 7 janvier. Certains se souviennent peut-être qu’il avait déjà croqué dans un album, le procès Colonna (il le suivait pour Charlie Hebdo). Cette fois-ci, il est de l’autre côté des barreaux.

Quelques pages par « lieu de privation de liberté » et voilà toute une atmosphère. Celle, tranquille de Lannemezan, où sont des prisonniers longue durée, la dureté de la prison pour mineurs, le côté décalé des prisons pour femmes… Avec parfois, en fin de chapitre, une lettre d’un détenu, parfois illisible ou avec un argot compréhensible à la lecture à voix haute. Ces personnages, ce sont les gardiens, les psychologues, le personnel pénitentiaire qui parle (il est vrai qu’il est peu souvent représenté) ainsi que les détenus, bien entendu. On sent d’ailleurs facilement les endroits, les prisons où le contact a été plus facile qu’ailleurs.

5226253_murs44 Il ne s’agit que d’un témoignage, parfois impuissant sur l’éducation de jeunes ados, parfois tendre sur certains, ironiques sur des témoignages qui sentent la mauvaise foi… Un trait, et des citations qui ne s’en laissent pas conter et présente un univers rude mais à visage humain, où la misère, humaine, économique, sociale est toujours là, comme la violence. Un constat, qui à cause de son œil neutre et sa volonté de témoignage, donne à voir une réalité amère. Par le choix des phrases et des portraits, Tignous donne une photographie percutante, et dure, de la réalité carcérale. Non sans laisser un peu d’espoir. Si…

Autour de la BD : L’ouvrage est, comme expliqué dans son introduction, réalisé avec des dessins de Tignous, mais il n’a pas eu le temps de les coloriser. C’est donc Pascal Gros qui s’en est chargé, en utilisant la même patte. Christiane Taubira, associée au projet, en a écrit la préface.

Si vous aimez : un peu d’humanité, pour un regard neutre.

En accompagnement : The Times they Are a-changin’ de Bob Dylan.

Extrait : « Il est sorti de la douche avec sa trousse de toilette et une éponge rose. Une armoire pareille avec une éponge rose, je trouve l’image cocasse alors je rigole. Eh bien, ça n’a pas dégénéré ! « Il a ri lui aussi, bravo » (un surveillant) ».

Sortie : 12 novembre, éditions Glénat, 117 pages, 25 euros.

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