MUSIC MINI REVIEW : CHARLI XCX – SUCKER (ASYLUM RECORDS)

MUSIC MINI REVIEW : CHARLI XCX – SUCKER (ASYLUM RECORDS)

Note de l'auteur

charli-xcx-sucker-final-artwork-print« Fuck you ! Sucker ! » Ça attaque fort : le premier morceau vient à peine de démarrer que, déjà, Charlotte Emma Aitchison, jeune Britannique de 22 ans, injurie joyeusement l’auditeur qui n’en demandait pas tant. Mais ça attaque toujours fort dans Sucker, le troisième album – en comptant 14, son coup d’essai teen de 2008 jamais commercialisé officiellement – de la furieuse (et précoce, et rusée) Charli XCX. C’est d’ailleurs ce qui impressionne en premier dans cette étourdissante collection de pop-songs alternativement nerveuses et sucrées, agressives et enjôleuses. Non, pas alternativement : simultanément, toujours en même temps, et sans compter. Ça attaque fort, donc, toujours, et le jeu semble être de ne jamais laisser la tension retomber – ce que la demoiselle réussit fort bien à quelques flottements sans gravité de fin d’album près.

Drôle de parcours que celui de Charli XCX, apprentie star farouchement indépendante depuis son plus jeune âge, surgie en ado gothique à la fin des années 2000 dans le sillage fluo transpirant de la scène nu-rave telle une petite sœur de M.I.A. qui préférerait le punk au hip-hop. La presse spécialisée l’a vue venir de loin et, pourtant, Charli XCX n’en finissait pas d’arriver. Et puis, l’an dernier, tout s’est accéléré : un featuring triomphal dans le tube Fancy d’Iggy Azalea (que notre Charlotte Emma, également songwriter, a co-écrit), un premier gros tube perso avec le martèlement feel-good de Boom Clap (présent dans la BO de la romance tire-larmes juvénile Nos étoiles contraires) et la voilà lancée. Et prête à offrir au monde l’irrésistible hymne teenage Break the Rules (« I don’t wanna go to school / I just wanna break rules ») qui enjoint girls et boys mondialisés à enfiler leurs dancing shooes pour aller faire les foufous en discothèque au lieu de se laisser dicter ce qu’ils doivent faire par ces maudits adultes moralisateurs. Démago ? Sans doute, mais, au fond, pas beaucoup plus, disons, qu’un morceau des Ramones dont la brune chanteuse revendique l’influence autant que celle des Spice Girls – le résultat de cette improbable rencontre au sommet ne pouvait qu’être merveilleux.

Charli XCX, c’est Girl Power, le retour. Avec l’attitude et les slogans idéalement réducteurs, et beaux pour cette raison-même, et encore meilleurs quand on les sort de leur contexte. C’est une Gwen Stefani qui serait née à Cambridge d’un père écossais et d’une mère indienne élevée en Ouganda. Une Katy Perry percutante (laquelle l’a embauchée pour assurer la première partie de sa tournée 2014-2015 avec escales à Montpellier et Lyon en février), et qui aurait du talent, et qui vivrait dans le même monde que celles et ceux qui l’écoutent. Mieux : Charli XCX ressemble déjà à la Madonna de notre temps, jusque dans sa manière de dépasser en regardant tout ça bien en face (pour finir par un clin d’œil vaguement grimaçant, en général) ce qui, chez elle, pourrait paraître légèrement, juste un chouïa, mais alors vraiment à peine, vulgaire. Ou de mauvais goût – ses chansons bondissent et claquent dans un univers où la question ne se pose plus.

De London Queen à Body of My Own (dans lequel notre héroïne célèbre les joies de la masturbation féminine), de Breaking Up (où elle rompt logiquement sans regret avec un type portant un « tatouage moche » et un « putain de parfum bon marché ») à Gold Coins ou Doing It où l’on jurerait entendre quelque chose de la jeune Paula Abdul (c’est un compliment, mais si), Sucker est un disque pop à paillettes sidérant, riche, varié et élégant. Et touchant. « Electric lights / Blow my mind / But I feel alright », proclame-t-elle en ouverture de Break the Rules. Nous aussi, Charlotte, on se sent bien. Vraiment. Hyper bien.

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