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Music Review: Julian Casablancas + The Voidz – Tyranny (Cult Records)

Music Review: Julian Casablancas + The Voidz – Tyranny (Cult Records)

Note de l'auteur

julian-casablancas-tyranny-artworkLe leader des Strokes s’octroie une nouvelle parenthèse après son premier album solo, Phrazes for the Young, sorti en 2009, mais cette fois, il n’est pas tout seul. Pour Tyranny, Julian s’est entouré de The Voidz, cinq musiciens qui l’accompagnent sur cet album complètement fou. En s’éloignant quelque peu du «son Strokes», Casablancas confirme ses envies d’autre chose et son désir d’ailleurs. Autant vous le dire, Tyranny ne conviendra pas à toutes les oreilles et la nouvelle formation de Julian risque d’en laisser plus d’un sur le bord de la route.

 

Au moment de m’attaquer à l’écoute de cet album, j’ai tenté, autant que faire se peut, de rester objectif et de ne pas me laisser tromper par l’amour que je porte à Casablancas et aux Strokes. J’ai donc décidé d’aborder Tyranny avec une oreille neuve et a posteriori, il ne peut être abordé que de la sorte. Tyranny est un album radical, bordélique et tout en déconstruction, loin des productions pop-rock du moment. Le chanteur et son nouveau groupe semble clairement faire un «fuck» à toute l’industrie musicale en allant à l’encontre des codes actuels. Alors que la période est aux productions très léchées et travaillées, Tyranny s’enorgueillit d’un son crado et sauvage, traversé par des beats énervés et de fulgurances noisy. Pour ouvrir le bal, le groupe annonce la couleur: ici, vous ne trouverez aucun single, aucun tube FM! Le premier morceau Take Me In Your Army est assez glaçant et déroute de par son placement en tête de gondole de l’album. Sinueux, sombre, lancinant et absolument pas catchy, le titre risque de décourager les moins téméraires, d’entrée de jeu. Pour ceux qui sont encore là, on poursuit avec Crunch Punch, morceau rock, dissonant et noisy mais moins sec que le premier. Julian semble chercher ses mélodies dans des recoins inexplorés et balance des morceaux à tiroirs dans lesquels les fausses notes ont toutes leur place.

 

4506afa0Avec M.Utually A.Ssured D.Estruction, la formation s’enflamme et nous envoie des décharges punks hallucinantes. Sauvage, saturée, leur musique se meut en créature pleine de fureur et s’immisce au plus profond de nos tympans. En guise de quatrième morceau, Human Sadness, balancé il y a quinze jours sur le Net, déroule onze minutes de déstructuration durant lesquelles lézarde la voix nonchalante de Casablancas. Les guitares gémissent à s’en faire péter les cordes et une fois encore, le groupe ne cherche pas à plaire mais bien à se faire plaisir. En résulte un morceau radical, difforme mais hypnotique, paisible mais agité, bref un fantastique bordel. Pour sortir de sa torpeur, quoi de mieux que Where No Eagles Fly, sorte de titre punkabilly assez énervé, qui semble avoir été mixé avec un hachoir, tant les changements rythmiques sont abruptes. Julian Casablancas hurle comme un diable qui surgit de sa boite et nous cloue au mur, sans autre forme de procès. Si vous n’êtes pas encore au tapis, après tant de brutalité, Father Electricity pourrait bien vous faire mettre un genou à terre. Le morceau jongle entre rythmes tropicaux et saturations quasi expérimentales. Le groupe s’approprie des influences chères à Fool’s Gold ou Vampire Weekend, pour mieux les charcuter, les triturer et en sortir une hybridation monstrueusement efficace, une sorte de transe endiablée et curieuse. Le titre Johan Von Bronx ne baisse pas la garde et assène un beat métallique et ininterrompu où une fois de plus, les riffs de guitare sont acérés. Arrivé à ce stade de Tyranny, on se dit que The Strokes semble loin et que Casablancas a trouvé un nouveau terrain de jeu et d’expression, dans lequel il semble parfaitement s’épanouir. Les synthés explosent et les arrangements se heurtent les uns aux autres. Ce n’est d’ailluers pas Business Dog qui nous fera dire le contraire avec sa brutalité décomplexée et salvatrice. Un shot d’adrénaline, parfois à la limite de l’audible, qui réveillerait même les morts.

 

Dans ce contexte, Xerox sonne comme une parenthèse pleine d’oxygène. Plus aéré et plus aérien, le morceau nous plonge dans une pop tout de même assez inquiétante, d’où une guitare dissonante surgit comme pour nous rappeler qu’il ne faut pas trop se reposer sur nos lauriers, car l’album n’est pas encore terminé. On embraye sur Dare I Care, nouvelle expérience made in Casablancas + The Voidz, qui est bâtie sur un beat ragga/dancehall. La mélodie rappelle vaguement un titre des Strokes, le moqué One Way Trigger et la sauce finit étrangement par prendre. Julian sort un charabia vocodé incompréhensible, les sons se télescopent mais au milieu de ce foutoir inqualifiable, on arrive à trouver son compte et on se retrouve littéralement emporté par tant de folie et de liberté. Voilà qu’arrive l’avant-dernier titre, Nintendo Blood qui navigue entre synthé vintage et picking à la guitare. Jouant la carte du son 8-bit à fond, le morceau progresse tranquillement et se meut en un maelström assourdissant où Casablancas couine comme un chat que l’on égorge… Pourtant, une fois de plus, on est pris dans un tourbillon dont on ne peut irrémédiablement pas sortir. En guise de clôture, le morceau Off To War… est certainement le plus posé et le plus sobre mais également le plus sombre. Si Tyranny est une défonce musicale et sensorielle éprouvante, ce dernier titre en est la courte et agonisante descente. L’album explose absolument tout et recompose avec des fragments. Sa radicalité, son désordre, sa fureur et son jusqu’au-boutisme sont autant ses atouts majeurs, que ses défauts. Mais, bordel, c’était bon!

 

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