
Music Mini Review : Paradise Lost – The Plague Within (Century Media Records)
No Hope in Sight. Premier single. Premier titre de l’album. Et l’image d’un groupe qui n’avait, semble t-il, plus rien à dire depuis le falot Symbol of Life (2002). Alignant des disques insipides (quatre en dix ans), on pensait les Anglais perdus dans les limbes d’un (doom) métal gothique en pilotage automatique. Ceux qui incarnèrent la vague doom anglaise en compagnie de Anathema et My Dying Bride végétèrent dans un entre deux, ne sachant plus trop s’ils devaient définitivement tourner le dos au passé (Anathema) ou perdurer un style, entre persévérance et entêtement (My Dying Bride). La longue traversée du désert conduit le groupe vers une sorte d’indifférence. Chaque nouvel album produisait ce mouvement oscillatoire qui passe de l’excitation aveugle au profond désarroi. Et après deux essais infructueux, de ne plus croire au miracle et nous laisser aller à la nostalgie.
Le plus dur fut certainement d’accepter que la panne d’inspiration vienne après une (r)évolution majeure, radicale qui produit un schisme au sein des fans : l’enchaînement One Second (1997) et Host (1999). Virages à 180°, autant perturbant que génial mais qui amenèrent une désaffection massive au point d’injustement bouder un Believe in Nothing (2001) en forme de synthèse et ce retour morne vers un style désincarné.
No Hope in Sight, donc.
Et pourtant. Si les années nous ont appris la prudence à l’écoute du premier single, l’appréhension vivace de ceux qui ont souvent été déçu s’envole. Et d’assister à un petit miracle. Une résurrection qui passe par un morceau désespéré au riff lourd et obsédant. Parfaite introduction où se dévoile un album qui flirte avec un esprit radical : aucun compromis. The Plague Within ne détonne pas dans la discographie des Anglais comme Host a pu le faire, mais on y trouve une puissance désespérée, une profondeur abyssale que l’on ne soupçonnait pas malgré un Gothic (1991) déjà pas très joyeux. L’album ne renie rien mais figure une intersection où se mesure le caractère versatile des Anglais. La recette repose sur un habile mélange, une notion d’équilibre sur laquelle converge un doom caverneux et des lignes mélodiques aériennes, les accords lourds et les riffs cristallins de Greg Mackintosh, le chant guttural et la voix claire de Nick Holmes. Et pour unifier cette histoire d’opposition, une batterie au rythme pachydermique sur laquelle Adrian Erlandsson frappe comme un damné.
Cette notion d’asymétrie, on la retrouve à l’intérieur des morceaux comme le refrain de An Enternity of Lies où se mélangent un chant sépulcral, le lyrisme féminin, une voix claire, des arrangements célestes et une rythmique massive. C’est le début de Flesh From Bone tout en pesanteur avant de verser dans une rage folle, peu commune dans leur discographie. Plus que des sauts d’humeur, une volonté d’entraîner l’auditeur dans une atmosphère suffocante où il faut savoir s’accrocher aux bulles d’oxygène pour ne pas y laisser sa peau. Parfois, les Anglais n’essaient plus et nous plonge dans un vide absolu. Beneath Broken Earth, doom dense qui démontre que Paradise Lost n’a rien perdu de son côté extrême et reste capable de durcir le ton. Jamais on aura autant subi la musique, nous laissant les bras ballants, étouffés par la lourdeur, perdus dans les profondeurs d’un vide abyssal.
No Hope in Sight. Si l’ambiance de l’album ne laisse planer aucun doute sur cette affirmation, il reste de l’espoir pour Paradise Lost.
Paradise Lost – The Plague Within (Century Media Records), sorti le 29 mai 2015