
Music Mini Review : Steven Price – OST Gravity (WaterTower Music)
Il existe en fin d’à peu près toutes les banques de sons d’ensemble à cordes un dossier dédié à ce qu’on appelle les « effets ». Il ne s’agit pas de sons passés par divers effets, mais d’effets que l’on peut obtenir avec certains instruments et qui sont proprement impossibles à reproduire en programmation. Parmi ces effets, le glissando est probablement le plus répandu. Que ce soit dans une bande-annonce, une série, un film, vous avez entendu cet effet plus d’un bon millier de fois, parfois même sans vous en rendre compte tellement il est devenu l’élément basique de n’importe quelle musique « à suspense » quand on ne veut pas trop se casser la nénette. Si je vous parle de cela, c’est que le glissando constitue quelque part le centre de la bande originale de Gravity signée Steven Price. Il est là presque partout, dans tous les morceaux, caché ou non. Et autour gravitent des titres qui oscillent entre le très bon, le banal et le consternant.
Commençons par le très bon. Car oui, le score de Gravity possède de très bons passages, sinon, je n’aurais pas pris la peine de vous en parler. À ce titre, le morceau Fire est sans aucun doute le plus représentatif de ce qu’il y a de bien dans cette bande originale. Un montage hyper nerveux entre cordes, percussions et sons synthétiques bougrement efficace dans sa structure et qui n’hésite pas à lorgner parfois du côté d’un Goldsmith sous amphétamines coincé dans une rave à Ultrecht. On pense furieusement au matriciel Event Horizon de Michael Kamen et Orbital, mais c’est clairement dans ces passages-là que Steven Price donne le meilleur de lui-même et qu’il laisse entrevoir ce qu’aurait pu être sa partition si, par ailleurs, il ne s’était pas laissé aller au banal.
Malheureusement, la BO de Gravity est plus souvent banale qu’aboutie, et ce sacré putain de glissando, même trituré dans tous les sens, devient furieusement gonflant à la longue. Non seulement le cliché est éculé depuis belle lurette, mais en plus, entendre un type qui vous le fout à toutes les sauces, même si c’est rigolo au départ, ça finit par énervé un brin. D’autant que ça pue la facilité à dix bornes. Au rayon cliché, on peut aussi ranger la totalité des thèmes « calmes » du score qui, quand ils ne pompent pas Spiegel Im Spiegel d’Arvo Pärt (Airlock), s’aventurent vers des mélasses d’accords sirupeux estampillés « Hans Zimmer, séquence émotion », option violoncelle qui geint et piano perdu sous 350 tonnes de réverbe.
Et c’est ainsi que, de banalité en banalité, nous arrivons au consternant. J’ai longtemps cherché un autre mot pour définir Shenzou, le 15ème et avant-dernier titre du disque, mais non, rien à faire. Cette fin d’album est tout simplement consternante. On a espéré en vain que Price retrouve enfin la verve du son début de score. Car il s’enfonce dans une techno ringarde qui fait presque regretter la banalité d’avant. Mais pis encore, ce morceau est consternant car il ressuscite le bouffeur d’oreilles, la peur venue de l’espace, le son qui, s’il fut le symbole de toute une époque, en représenta aussi son déclin. Celui que j’avais mis près de vingt ans à enterrer pour que plus jamais 1492 : j’ai nommé le terrible Vangelis. Je vous entends déjà me dire : « bah, Blade Runner, c’est vachement bien ! ». Je suis d’accord, mais vous avez déjà écouté le reste ? Si non, Shenzou le maléfique peut vous servir d’exemple, tellement il emprunte ce qu’il y a de pire dans le Papathanassíou. Une boîte à rythme mou et des sons odieux qui dégoulinent par tous les pores. Ça coule, ça suinte, ça colle, y’en a partout, c’est dégueulasse.
Avant même que le dernier morceau ne démarre, j’en avais terminé avec Gravity. Moi qui avais l’espoir, au vu des images magnifiques d’Alfonso Cuarón, que le score soit à la hauteur de la baffe cosmique annoncée, et bien, il n’en est rien. Cruelle déception que de voir la musique d’un film pareil être confiée à un sound designer des plus banals. Car au final, Steven Price a les mêmes défauts que n’importe quel sound designer récemment promu au rang de compositeur. Lesquels sont relativement efficaces dans le bidouillage sonore, mais d’une banalité affligeante ou complètement à la ramasse dès qu’il s’agit de composer.
Autant à la lecture je me suis senti mal à l’aise pour Steven Price devant une telle violence, autant en écoutant les extraits j’ai compris. Effectivement.
Crois-moi j’aurais voulu être moins violent, mais j’en ai juste marre d’entendre les mêmes sons à longueur de BO.
Après un tel article on a vraiment envie de le voir !
vivement la fin du mois 😉
Salut à toi noble Berger.
Tu m’as bien fait rire avec ton histoire de banque d’effets dans les bibliothèques symphoniques ! 😉 C’est vraiment ça en fait ! On en bouffe à toutes les sauces.
Je suis tout à fait d’accord avec toi concernant les sound designers hollywoodiens et la composition. Ils savent (très) bien manier la matière sonore pour avoir du gros son ou des textures vraiment sympas mais ils ont juste oubliés un petit trus…un détail en fait : la MÉLODIE bordeeelll !!!
Et oui les mecs, faudrait un peu penser à faire de la musique en fait…ce serait vraiment intéressant non ? Vous croyez pas ??
Pfffff !!!
Merci pour ces posts sur les BO que je dévore avec délice à chaque fois.
Porte-toi bien l’ami.
Ton commentaire fait plaisir à lire et prouve que ça ne vient pas seulement de moi. Non c’est vrai, j’ai des moments de doute parfois… pas beaucoup, mais quand même.
Salut à toi Herr Profezor et merci de ta fidélité !
Ne confonds tu pas glissando et crescendo ? PAs entendu tant de glissando que cela, et encore moins aux cordes.
En fait, c’est un mélange des deux. C’est d’une part un crescendo (joué parfois ostinato) mais qui se conclu en glissando.