
Musique de film : Batman v Superman : l’Aube de la justice de Hans Zimmer et Junkie XL
Le blockbuster signé Zack Snyder est maintenant sur les écrans. La sortie de la bande originale l’a précédé d’une petite semaine. On y trouve derrière, Hans Zimmer, le grand habitué des superproductions (aussi responsable de la partition de Man of Steel), épaulé par Junkie XL, un des nouveaux poids lourds des gros films d’action hollywoodiens. Une collaboration pour le pire ? Le meilleur ?
Les deux hommes se sont déjà croisés pour The Amazing Spider-Man : le Destin d’un héros où Hans Zimmer avait fait appel à différents invités dont Junkie XL. Ils avaient aussi collaboré à Man of Steel (une vidéo très intéressante traitant des techniques de prises de son est disponible sur cette page). Ici, leurs deux noms sont mis en avant. Ça ne rigole plus.
C’est en 2005 que Zimmer s’est attelé pour la première fois à un personnage de l’univers DC Comics avec Batman Begins de Christopher Nolan. On connaît la suite, une trilogie qui a rapproché le réalisateur et le compositeur, maintenant crédité dans tous ses films.
Après Batman, c’est le mythique Superman qui vient à lui quand Zack Snyder tape à la porte de son studio de Los Angeles pour lui proposer Man of Steel (2013).
Aujourd’hui, les deux héros sont à l’affiche et c’est tout naturellement que Hans Zimmer rempile à la musique. Mais pour ne pas se répéter, pour trouver un nouveau souffle, le compositeur d’origine allemande a eu la bonne idée de demander de l’aide. La mauvaise, c’est d’avoir choisi Junkie XL…
Junkie XL, alias Tom Holkenborg, a une ou deux caractéristiques bien à lui. Il est adepte (et reconnu) pour faire du gros son percussif qui tâche avec des mélodies (quand il y en a) malheureusement très peu inspirées. Dernièrement, on a pu entendre son travail dans Mad Max Fury Road et Deadpool. Si vous êtes curieux d’avoir mon humble avis concernant ce dernier effort, rendez-vous ici.
Mais revenons à ce Batman v Superman. Deux CDs s’offrent à nous. Le premier comporte treize titres et le deuxième cinq, estampillés comme étant des bonus. Pourquoi ? Aucune idée ! Ils sont dans la droite lignée du reste de la bande originale et se seraient parfaitement intégrés dans le premier disque. Pas de remix, de démos ou de versions alternatives dans ces bonus. Dommage.
Concernant la musique du film, on est clairement dans le grandiloquent au son gargantuesque. Il est ici question d’une production moderne de luxe qui n’a pas peur d’investir une énorme montagne de dollars pour arriver à ses fins. Tout l’orchestre est mis à contribution avec son chœur saupoudré d’éléments électroniques. Il n’est pas question de demi-mesure.
Le ton de l’ensemble est donné dès la première piste, Beautiful Lie, qui commence dans le fracas pour ensuite s’apaiser avec le piano exposant un premier thème. L’ensemble rappelle indéniablement le style adopté par Hans Zimmer depuis plus d’une décennie maintenant. Le gros son est à l’honneur.
On notera cependant quelques exceptions notables et bienvenues. The Red Capes Are Coming pose des mélodies aux rythmiques ordinairement peu usitées par le compositeur. Le final de ce titre lorgne même vers l’intimiste avec une prise de son faisant penser à de la musique de chambre. C’est aussi le cas dans le très long Men Are Still Good (Batman Suite) où un violon solo virevoltant apparaît tout à coup.
L’atmosphère de l’ensemble est sombre et angoissante. Must There Be a Superman nous glace le sang avec ses voix dissonantes se poursuivant avec l’orchestre qui se retrouve samplé et trituré. Des armes appartenant indéniablement à l’arsenal de Junkie XL.
Son style ne faisant pas dans la dentelle est aussi reconnaissable dans la guitare et les percussions de Is She with You?, première esquisse du thème de Wonder Woman.
L’optimisme et la lumière sont malgré tout présents comme c’est le cas dans This Is My World. Une première partie très enjouée fait place à un long moment atmosphérique aux notes étirées nous plongeant dans un instant vaporeux.
Hans Zimmer et Junkie XL nous livrent une bande originale qui va sûrement plaire à un grand nombre d’auditeurs avides de grosses productions sonores hollywoodiennes. Ce qui est malencontreux, c’est qu’il n’y a pas vraiment de prises de risques. On a l’impression d’avoir déjà entendu la même chose de (trop) nombreuses fois. Heureusement que de rares moments viennent nous surprendre. On en aurait cependant espéré un peu plus.
La bande originale de Batman v Superman : l’Aube de la justice distribuée par WaterTower Music.
Hans Zimmer est bien à l’image des productions de son époque. Un gros dégueulis d’effets spéciaux et de multicouches sonores entassées jusqu’à la nausée pour cacher la vacuité du propos et l’absence totale de qualité mélodique.
On est très loin des Jerry Goldsmith, Hermann, Nino Rotta, etc.. Michael Kammen et Alan Silvestri ressemblent à Bach à côté de lui. Pas étonnant que papy Morricone ait eu l’oscar cette année : il n’y a pas de relève et ça devient désespérant.
Concernant la relève dont tu parles, elle est plus à chercher dans le jeu vidéo indé où la créativité s’exprime bien et où les enjeux économiques sont moindres par rapport aux prods AAA.
Si il y avait une vraie relève dans les productions indé, elle serait automatiquement repérée et utilisée par les gros studios, comme dans tous les autres domaines. Pour être un auditeur attentif, je crois qu’il n’y en a simplement pas. En tout cas pas du niveau d’il y a quelques années. Attention il n’y a rien de rédhibitoire, c’est probablement juste une période creuse. Tout est histoire de cycles. En ce moment, le problème ne se situe pas à un niveau économique ou de liberté d’action, mais plutôt au niveau de la technique qui est devenue prédominante et a progressé de manière inversément proportionnelle aux qualités de fond des compositeurs.
Pour le cinéma de manière générale, le son, l’image, les effets spéciaux, les capacités physiques des acteurs ont atteint un niveau incroyable à mesure que le scénario, les dialogues, les lignes mélodiques, la subtilité générale ont dramatiquement régressés. Et j’ose croire que la courbe va s’inverser.
Mais ce ne sera pas grâce à ce pachyderme de Hans Zimmer.
Sans me prétendre experte en musique, loin de là (je dirais même que j’ai une assez mauvaise oreille…), ce que je déplore pour ma part c’est l’évolution des musiques de film. Superman et Batman en sont les meilleurs exemples : le thème composé par John Williams pour le Superman de Richard Donner était enthousiaste et virevoltant, rappelant à la fois l’héroïsme et la candeur du personnage, le thème composé par Danny Elfmann pour le Batman de Tim Burton sentait l’angoisse et l’urgence, rappelant le côté sombre et la folie latente du personnage. Là, pour les nouveaux films récents, on n’a plus de thèmes, mais plutôt du gros bruit de fond, sans mélodie qui surnage et qu’on peut retenir et fredonner. Ça manque.
Je me suis mal exprimée. Je ne voulais pas dire « bruit de fond » mais plutôt « musique d’ambiance », ce n’est quand même pas la même chose. Une musique qui meuble mais qui ne retient pas l’attention. Bruyante, certes…
On est d’accord Camille, la musique est bien trop souvent illustrative dans le mauvais sens du terme…
Je pense que c’est l’époque qui veux ça, et quand je dis l’époque je pense surtout aux producteurs !
Ils ont la fâcheuse tendance de prendre le public comme une horde de benêts dépourvus de goût. Forcément, la direction musicale des gros projets s’en ressent.
Tout à fait d’accord avec toi Camille. Mais je pense que le problème vient tout autant du manque de considération pour le spectateur, comme dit Professor, que de la paresse des gens du métier à se reposer sur la technique et l’informatique qui sont devenus bien trop envahissants.
Le terme « robotique » aurait d’ailleurs bien collé à ta description de ce « bruit de fond » bien trop illustratif et pas assez diégétique.
Je ne partage pas du tout votre appréciation de la musique de Zimmer. Évidemment j’aimais beaucoup le thème de Batman par Dany Elfman et j’aime la musique type orchestrale habituelle qui font les B.O depuis si longtemps. Mais quand Nolan est arrivé il a embarqué Zimmer dans l’aventure. Et non seulement il l’embarque mais en plus Zimmer se met à faire de la musique plus « sensorielle » que mélodique.
Parce que tout le monde ramène Zimmer au « Broooommmm » d’Inception qui pollue maintenant tous les films et bandes annonces, (c’est vrai) mais c’est oublié que Zimmer a une capacité à créer une ambiance et a parfaitement collé aux images. La B.O de Man of Steel était une réussite dans ce sens là.
Dans le genre, le thème de Bane dans TDKR avec ses percussions est aussi un grand moment. Et puis le tout dernier c’est « Red capes are coming » et ce piano (quasi préparé pour les spécialistes) ça me fout des frissons.
Je trouve que le travail de Zimmer sur le début de l’univers DC a apporté un vrai ton différent et une couleur qui change de la musique de film plus traditionnelle comme Star Wars. J’aime les thèmes de Star Wars et le travail de Williams mais je trouve vraiment bien que l’ensemble du DCEU soit musicalement plus décalé.
Que Zimmer s’en aille est dommage mais je pense qu’il a planté les graines et que si la production garde cette ambiance ça va le faire.