
Mycroft Holmes : la genèse d’une légende
D’où viennent les personnages de fiction avant d’être célèbres et célébrés ? Qui était Mycroft Holmes, le frère du grand Sherlock, avant d’être ce stratège froid qui œuvre dans les livres de Sir Arthur Conan Doyle ? C’est la question à laquelle tente de répondre Kareem Abdul-Jabbar et Anna Waterhouse.
L’histoire : Mycroft Holmes n’a que 23 ans et vient de sortir de Cambridge. Fin stratège, il travaille déjà pour le gouvernement britannique, au service du secrétaire d’État à la guerre. Il est fiancé, la vie lui sourit. Mais le voilà en mission, à l’autre bout du monde, à Trinidad, à devoir échapper à des meurtriers, tout en élucidant les disparitions inquiétantes de jeunes enfants, en compagnie de son meilleur ami. Et peut-être découvrir plus qu’il n’en aurait voulu…
Mon avis : Il est toujours plaisant de retrouver des personnages iconiques dans d’autres cas ou à d’autres périodes d’écriture. Dans le cas des individus créés par Arthur Conan Doyle, c’est d’autant plus un challenge que de nombreuses versions de ceux-ci ont été écrites, mises en scène, filmées. Aussi bien de manière officielle, à travers Sherlock ou Elementary. Mais aussi de façon officieuse, sur les sites de fanfics par exemple. Alors, tenter d’écrire sur l’un des deux frères Holmes est toujours un pari risqué.
Risqué parce qu’il y a certains canons à ne pas déroger. Une certaine froideur, une intelligence surhumaine. Un travail. Mais d’autres peuvent être détournés. C’est ce que font Kareem Abdul-Jabbar et Anna Waterhouse en déplaçant ainsi leurs aventures, quittant Londres pour Trinidad. De même, en instaurant une histoire d’amour et en faisant de Mycroft un être sexué et romantique. Mais le vrai plus, est d’amener de la diversité dans l’histoire. Une femme intelligente, un meilleur ami noir (et plus âgé) et une aventure où il se trouve en minorité.
Tous ces efforts font de Mycroft Holmes une histoire louable et intéressante. Mais il manque un petit quelque chose. Peut-être une petite surprise, plus d’interactions avec son jeune frère. Jouer hors des aventures habituelles donne de la liberté mais rend paradoxalement le récit moins intéressant. En effet, on introduit des personnages que tout le monde est censé connaître, et pourtant une plus grande plongée dans leurs psychées aurait pu être un petit plus appréciable, ainsi que plus de descriptions de la société de l’époque. Un roman à conseiller aux fans des aventures de Baker Street, ou de la littérature Young adult. Le tout dans une très jolie édition, à la bordure argentée.
Autour du livre : Kareem Abdul-Jabbar est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de la NBA. Il fait 2 mètres 18 et a aujourd’hui 69 ans. Il est déjà l’auteur d’essais et de sa biographie. C’est un plus, et c’est sans doute aussi grâce à son activisme, que l’on voit plus de personnages du monde entier dans cette aventure victorienne.
Si vous aimez : Ça me semble pourtant élémentaire…
Extrait : « Ce fut d’ailleurs ce qu’il dit à Sherlock, démontrant ainsi qu’il ne tolérerait pas que l’on parle à mal de Georgiana. Mais son jeune frère était tel un limier flairant une piste.
– Elle doit être belle également, je présume, marmonna ce dernier, crachant cet adjectif comme s’il s’agissait d’une insulte. Épouser une fille belle est le summum de la folie. Tu n’auras plus jamais un instant de répit.
En cela, il se trompait. Mycroft en était convaincu. Georgiana était certes belle, mais elle n’avait rien d’une femme fatale. Les hommes ne se pâmaient pas d’admiration devant elle. Toutefois, même si tous n’étaient pas prêts à mourir pour elle, plusieurs s’étaient prétendus prêts à vivre pour elle – mais elle les avait rejetés tous, pour le choisir, lui.
À présent, il était résolu à passer le reste de son existence à s’assurer qu’elle ne regretterait pas un instant cette décision. »
Sortie : le 14 septembre, éditions Bragelonne, 379 pages, 28 euros.