
Nanarland – Le Livre des mauvais films sympathiques (Episode 1)
Une momie à Fécamp. C’est le programme de Devil Story de Bernard Launois. Si ce phénomène incongru vous dérange, attendez de connaître la suite du menu : un tueur défiguré, un village maudit, une morte qui revient à la vie et un cheval diabolique. Un vrai cadavre exquis qui sent bon l’opportunisme et dont le résultat calamiteux lui vaut l’honneur de compter parmi les figures totémiques de Narnarland, Le Livre des mauvais films sympathiques (épisode 1).
Pour rappel, le nanar est un film involontairement drôle, « pas à la hauteur de ses ambitions » pour reprendre les mots de Fabien Gordon dans notre interview. Un accident, dont nos zygomatiques ne ressortent pas indemnes. A l’opposé du navet, cet insondable objet qui conduit à l’ennui profond et total, le nanar est avant tout, une expérience collective, un peu insolente et qui « dessine une Histoire parallèle du cinéma »¹. Cela fait quinze ans que quelques acharnés de la pellicule obscure recense ces films improbables sur le site Nanarland où l’on côtoie aussi bien des ninjas moustachus que des monstres en latex, des super-héros discounts et des sucreries grivoises. Sous la direction de François Cau, les nombreux rédacteurs ont choisi 50 films parmi une longue liste afin de célébrer, dans un magnifique objet (le livre reprend le design d’une VHS), le nanar comme il se doit : avec humour et respect.
Il y a quelque chose de poétique à promener son regard en feuilletant les pages parmi les titres improbables (Couche-moi dans le sable et fais jaillir ton pétrole, L’aubergine est bien farcie), les « viols filmiques » (The Amazing Bulk, La Mort au large), les suites invraisemblables (Titanic 2, Hurlement 2) ou encore les nombreuses galeries de jaquettes moches, de super-héros inconnus, de monstres ringards ou une collection de clones de Bruce Lee. Les habitués du site retrouveront des films déjà traités mais dans une version revue, corrigée, agrémentée d’encarts qui permettent de remettre les films dans leur contexte en analysant une tendance ou un principe. Le livre est découpé en plusieurs catégories. Le lecteur peut ainsi aiguiller sa curiosité selon des thématiques précises, des œuvres totémiques (ou le parcours en 10 films pour « devenir un authentique narnardeur ») aux films de créatures, de super-héros, jusqu’à exprimer une politique des auteurs dans les recoins les plus ignorés de la cinéphilie et dont Ed Wood serait le pape.
Nanarland – Le Livre des mauvais films sympathiques (épisode 1) apporte une visibilité à des films invisibles, fait naître une curiosité sincère à des œuvres parias ou redescend un regard sur des objets que l’on prenait de haut. C’est aussi une façon de redonner au cinéma une dimension collective, festive, à travers des productions dont la nullité involontaire et la maladresse conduisent à une forme d’attachement. On se prend ainsi à vouloir revoir certaines séquences, à répéter des lignes de dialogue (et on remercie les auteurs d’en avoir reproduit) ou s’organiser des séances de White Fire, Turkish Star Wars ou de Ninja Terminator.
Que l’on picore ou que l’on se plonge dans une lecture enflammée (et frustrante, en espérant voir l’épisode 2 rapidement), la lecture procure autant de plaisir que le spectacle narnardesque des œuvres évoquées. Objet aussi beau qu’indispensable, toute bonne bibliothèque cinéphile, de la plus sérieuse à la plus déviante devrait être fière de voir figurer l’ouvrage sur ses étagères.
A lire également : l’interview de Fabien Gordon par Thomas Destouches.
¹ Citation de François Cau dans l’avant-propos du livre.