
Nevada (T.1 L’Étoile solitaire) de Fred Duval, Jean-Pierre Pécau et Colin Wilson
Entre western réel et western tourné, il ne fait pas toujours bon être acteur en devenir dans un Hollywood en passe de détrôner le cinéma muet. Mais comme ces messieurs-dames se comportent selon leur bon vouloir, il est impératif aux studios d’avoir un redresseur de torts. Nevada se charge des basses besognes contraint par un passé qu’on devrait découvrir dans les prochains épisodes. En souhaitant que les scénaristes musclent un peu leur jeu, Robert.
L’histoire : Nevada Marquez adore les plans qui se déroulent sans accroc. Là, il tombe sur de sacrés os, un en particulier, surnommé l’Étoile solitaire. Un acteur qui se fait la belle pour des virées de débauche. Les studios hollywoodiens aux confins des années 30 le chargent donc de retrouver ces stars qui se carapatent. L’industrie du cinéma parlant naissant ne peut pas se permettre et les scandales et les retards qui coûtent énormément de dollars. D’où la nécessité d’un factotum pour remettre chacun dans le droit chemin.
Mon avis : Bienvenue dans l’Amérique de la première moitié du XXe siècle avec ses lois sur la prohibition, ses premières stars du parlant qui enterrent le muet avant de s’enterrer elles-mêmes et ses armes en vente libre qui empêchent sa population de croître trop rapidement. Et au milieu de tout ça, on a le looser magnifique, la petite main de l’ombre sans qui pas un acteur perturbé ne marcherait bien droit. Le rouage de l’anti-héros, qui, de fait, en constitue bel et bien un, fonctionne à plein.
C’est une vraie tranche d’histoire qui nous est proposée. Avec le décollage dans la future toute puissante industrie du cinéma qui surveille ses acteurs comme le lait sur le feu pour que les dollars ne la désertent pas. Liberté totale pour ses étoiles, elles peuvent s’en mettre plein le nez ou le cornet tant qu’elles se présentent à l’heure pour le premier clap de la journée. Sinon, on envoie un sbire pour les rappeler à l’ordre. Les studios ne font pas dans la culture mais dans le capitalisme à tout crin. C’est également un roman noir des États-Unis de cette époque avec l’alcool qui n’a jamais autant circulé depuis 1919.
Ce, avec la virée obligatoire au Mexique, terrain de jeu des Américains depuis belle lurette. Un soupçon de jeux, de femmes de petite vertu et de la poudre donnent un sentiment attendu d’exotisme bon teint. Tout comme Don Vila, producteur de pavot, qui entretient une petite armée de l’autre côté du Rio Grande.
Cela n’en reste pas moins agréable à lire même si le scénario est parfois cousu de fil blanc.
Si vous aimez : Nestor Burma, particulièrement sous le trait de Tardi.
En accompagnement : Prix de beauté avec la majestueuse Louise Brooks qu’on retrouve pour partie dans les traits de Louise Hathaway, directrice d’un important studio dans cette BD.
Autour de la BD : Fred Duval et Jean-Pierre Pécau sont de plus en plus complices et ont même du mal à ne pas travailler ensemble. Colin Wilson, dessinateur néo-z, a l’habitude de fonctionner avec des scénaristes européens. On retrouve beaucoup dans Nevada les traits de Mike S. Blueberry et de sa jeunesse traduite dans les cases par Wilson. Les trois étaient déjà ensemble sur Wonderball.
C’est le premier épisode d’une série qui ne sera composée que de one-shots qui auront chacun trait au passé de Nevada.
Extraits : « Nevada, trouve une bouteille et rejoins-moi dans la bibliothèque. Il faut que tu me sauves la mise. »
« Encore ? »
« Dois-je te rappeler tes promesses ? »
« Inutile, je sors d’en prendre de mes promesses. Cette folle de Mélody a manqué de m’arracher les roubignoles sur le chemin du retour. »
« Ce sont les risques du métier… Et moi, qu’est-ce que j’aurais dû dire il y a dix ans ? »
« D’accord… D’accord. Qu’est-ce qui se passe ? »
« L’Étoile solitaire s’est fait la malle ! »
Écrit par Fred Duval et Jean-Pierre Pécau
Dessiné par Colin Wilson
Édité par Delcourt