The Newsroom : bilan de la saison 2

The Newsroom : bilan de la saison 2

Note de l'auteur

« Je crois que cette saison, on s’en tire mieux » ; « Oui… mais ne me demande pas d’envoyer des emails »

Des éléments judicieusement recadrés, d’autres renforcés, mais aussi des trous d’air et plusieurs approximations marquées. Au terme de sa deuxième saison, The Newsroom laisse une impression mitigée. Pour le comprendre, le plus simple, c’est encore de faire une liste des bonnes et des mauvais choses.

Deux très bons points : l’évolution de Mac et celle de Don

Le premier épisode de la saison avait donné le ton pour McKenzie McHale : finies les scènes où elle crie, celles où elle passe pour l’hystérique ou l’idiote de service. Cette année, The Newsroom fait d’elle une professionnelle solide, méthodique et qui a du cœur. Des prémices de l’affaire Genoa à la soirée d’élection, elle traverse la saison de façon cohérente. Cerise sur le gâteau : libérée des scènes de comédie de la première saison, Emily Mortimer livre une prestation très efficace. Sobre et juste. Du beau travail car au départ, ce n’était pas forcément évident.

Autre personnage qui tire l’ensemble vers le haut : Don Keefer (Tom Sadoski). Libéré du rôle de méchant de service dans l’horrible triangle amoureux de la saison 1 avec Jim et Maggie, le producteur d’ACN peut enfin faire ce qu’il fait de mieux dans la série. Produire une émission d’information.

On avait vu en saison 1, avec l’affaire Casey Anthony, que le bonhomme était un très bon pro. Sa personnalité s’est affinée avec maîtrise. Et le duo qu’il forme avec Sloane a offert cette saison de très jolis moments. Les fans devraient suivre son évolution avec intérêt l’an prochain.

Deux bons points : le développement de l’affaire Genoa et le parcours de Will

Don Keefer : cette saison, on l’a encore kiffé (oui, bon…)

On savait dès le départ que cette histoire serait le nœud de la saison, et elle a presque tenu toutes ses promesses. Lorsque l’équipe de News Night s’empare d’une info apportée par un nouveau producteur (Jerry Dantana, joué par Hamish Linklater), la série retrace assez méticuleusement le parcours qui va conduire cette information à l’antenne. Cette collecte des sources, leur étude avant et après la diffusion du reportage, offrent assurément à cette saison ses meilleurs moments. C’est finement observé, raconté avec rigueur et très prenant.

Cette histoire va en plus mettre Will McAvoy légèrement en retrait… et c’est une bonne chose. Autant pour son personnage, qui profite de ne plus être dans l’axe de toutes les histoires, que pour son parcours. Sa « rareté relative » le rend souvent plus humain quand il est au centre de l’écran. C’est évident dans plusieurs épisodes du début de saison, jusqu’au cinquième, News Night with Will McAvoy, où Daniels offre sa meilleure prestation de la saison.

Deux mauvais points : la conclusion de Genoa et les parcours de Maggie et Jim

Si l’affaire Genoa ne s’était pas conclue avec un twist facile et peu glorieux, toute cette partie du récit aurait fini dans les très bons points. Et d’assez loin. Malheureusement, le personnage de Dantana et ses actes ont singulièrement plombé l’aventure. Une partie du public a déjà déploré, avant moi, le caractère indigne du procédé qui consiste à créer un « personnage fusible » : je ne peux que souscrire à ces propos.

Mais j’irai aussi plus loin : la scène du parking où Charlie Skinner découvre qu’une de ses sources lui a menti, avant de ressortir une histoire dramatique qui arrive de nulle part, n’est franchement pas glorieuse non plus.

La série, mais aussi cette histoire, n’avait pas besoin de ça pour conclure une très bonne intrigue. Si Sorkin n’a jamais été le grand spécialiste des conclusions d’histoires (souvenez-vous, dans The West Wing : la commission d’enquête républicaine qui devait statuer sur le mensonge de Bartlet à propos de son état de santé, en saison 3), cet exemple amène à se poser de nouvelles questions à ce propos.

« Ca fait quand même deux ans que c’est pas mon année, là… »

Quant à Jim et Maggie… s’ils ne se tournent plus autour cette saison, ils sont liés dans une funeste galère : celle des intrigues bâclées, maladroites et dépourvues de dimension psychologique forte. Pour Jim, tout le début de saison se passe pendant la campagne de Mitt Romney où il est ENCORE embarqué dans une histoire sentimentale. La troisième en 19 épisodes.

À la limite pourquoi pas ? À la manière de Mac, on voit davantage le professionnel en action cette année. Sauf qu’il n’évolue pas franchement (contrairement à Don, qui a tiré parti des gifles ramassées en début de saison), et qu’on a du mal à se sentir proche de lui. Quoi qu’il fasse et quoi qu’il lui arrive.

Maggie, elle, aura le malheur d’être embarquée dans l’histoire la plus bancale de toute la saison, en Ouganda. Sorte d’anti-Kisangani (l’épisode final de la saison 9 d’Urgences), Unintended consequences (l’épisode 4) se veut central dans l’évolution du personnage. Problème : on n’y croit pas. Pas plus qu’on ne croit à ses répercussions. Du coup, la pauvre Alison Pill a beau s’agiter, on reste de marbre.

Un très mauvais point : des relents de paresse narrative récurrents

Je livre ici une réflexion toute personnelle : je trouve qu’à plusieurs reprises, cette année, Aaron Sorkin aura bâclé un certain nombre de choses. Et surtout, il a parfois sorti d’un chapeau des intrigues dont les conséquences ne sont pas, ou peu ou mal, explorées.

C’est le cas de Sloane, dans l’épisode 5, pour laquelle Sorkin dégaine de nulle part une histoire de photos déshabillées pour ne plus du tout en parler plus tard. C’est le cas de Maggie, qui revient d’Afrique et commence à boire puis s’arrête. Ou le coup de théâtre dans le parking pour Charlie, évoqué un peu plus haut.

Est-ce que c’est parce qu’il n’est pas à l’aise avec le format d’une heure ? On peut se poser la question quand on repense à la maîtrise d’un David Chase ou d’un David Simon dans cet exercice.

Souvent, trop souvent, on a l’impression que l’essentiel serait l’effet. La performance, le moment. Sauf que c’est un très mauvais calcul. Pourquoi ? Parce que, sans s’en rendre compte, on suit les protagonistes sans franchement s’attacher à eux. Par manque de cohérence, de fluidité sur le long terme.

« Je me demande avec qui je vais faire le joli-coeur en saison 3, tiens… »

Pire : parfois, on s’en détache. Et lorsque Will se retrouve face à Mac à la toute fin de la saison, qu’il lui fait une déclaration très bien écrite et très bien décrite, eh bien… on n’y croit pas autant qu’on le voudrait.

« La performance prime ». C’est aussi ce que je me suis dit en voyant le season finale, Election Night. Les héros, censés être au bord du gouffre, retournent la situation grâce à un artifice dont Sorkin aura usé et abusé cette année. La situation devient tendue ? Il passe en mode comédie. De façon complètement artificielle. Tant pis si ce qui a conduit ses journalistes sur la corniche est le résultat d’une trajectoire de pur drama, de bon drama.

Quand il faut boucler la boucle, faisons fumer des pétards à une sexagénaire et tout ira mieux ! Quand il faut aller au bout d’une décision radicale, il suffit de se dire qu’on a fait le boulot sérieusement et qu’assumer ses erreurs, c’est bon pour les autres… Ça pourrait coincer ? Qu’à cela ne tienne, avec une bouffonnerie mettant en scène le numéro 2 de l’entreprise, ça passe sans souci !

Attention : je ne suis pas contre le fait qu’un peu d’humour vienne rythmer l’histoire. On est chez Sorkin, ça fait intégralement partie de son style. Ce que je déplore en revanche, c’est que le glissement ne soit pas bien amené. Là, au lieu d’un glissement on a une bonne grosse glissade, bien sale et très voyante. Quelque chose d’un tout petit peu plus crédible (euphémisme) aurait été mieux.

Peut-être que je me trompe. Peut-être que je ne prends pas la série par le bon bout. L’an dernier, j’ai cependant expliqué dans le bilan de la saison 1 de The Newsroom que, dans ses meilleurs jours, Sorkin sait embarquer le téléspectateur dans des histoires qui certes tordent la vraisemblance mais sont si bien racontées qu’on finit toujours par y croire, au moins émotionnellement. Cette fois-ci, on est parfois loin du compte. Et c’est regrettable.

Au bout du chemin, le bilan est donc en demi-teinte… mais bon, on se gardera bien d’oublier que ce qui marche, marche vraiment. Et que l’ensemble est en progression par rapport à l’an dernier. D’où une note finale de trois planètes Mars sur cinq.

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