
The Newsroom, recadrage en cours ? (critique de l’épisode 2.01)
Alors que la saison 1 avait suscité de multiples critiques – et que la production de la saison 2 a été quelque peu tumultueuse- le retour de The Newsroom sur HBO s’est révélé… agréable. Les raisons ? L’exploitation des personnages féminins est sensiblement réorientée et l’exploration du sujet paraît plus solide. Pourvu que ça dure.
Tout ceci ne serait-il finalement qu’une histoire de musique ? Si tel devait être le cas, on espère que le compositeur Sorkin a trouvé la bonne partition. Enfin. Lancée le 14 juillet, la deuxième saison de The Newsroom est effectivement arrivée sur HBO en étant précédée d’une drôle de bande son. Le genre d’arrangement que l’on n’a pas toujours entendu pour une production du créateur de Sports Night.
L’an passé, deux soucis majeurs ont posé problème à une partie du public.
Le premier, c’est l’exploitation caricaturale des trois personnages féminins principaux : MacKenzie, Maggie et Sloane (ce qui a valu à la série des accusations de sexisme). A plusieurs reprises, toutes les trois se retrouvaient embarquées dans des scènes de comédie romantique bancales… et ça se voyait.
L’autre souci, c’est l’évocation même du monde des médias. Un sujet qui servait plus souvent de prétexte au scénariste-producteur pour asséner des vérités (politiques) que de matière à raconter une histoire avec des enjeux et des obstacles solidement développés.
L’accueil, au final, fut mitigé. Et cela a eu plusieurs conséquences sur la production de la saison 2. La première : le remplacement des scénaristes rattachés au projet. L’annonce a été faite avant même la fin de la diffusion de la saison 1 et ce n’est pas si anodin que ça. Si Sorkin écrit le plus souvent seul l’intégralité de ses séries, il a l’habitude de s’entourer de consultants et d’auteurs capables de lui glisser des idées d’histoires et de situations susceptibles de nourrir son imagination.
Authentique « blender narratif », le scénariste oscarisé de The Social Network a donc fait le grand ménage dans son entourage… et n’est pas resté sourd aux critiques. Dans un article au long cours paru dans The Hollywood Reporter, le showrunner de The Newsroom confie qu’il a pris le temps d’écouter les griefs qui ont été formulés à la saison 1. Avant de se retrouver face à une authentique crise créative.
Au coeur de ses tourments, un dilemme : que dire et surtout comment le dire en restant fidèle à l’ambition initiale. Le tout sans tomber dans des tics, des facilités et des racourcis susceptibles de crisper (encore) l’audience.
Conséquence : le scénariste-producteur a demandé à la chaîne câblée de réécrire des épisodes alors que trois d’entre eux avaient déjà été tournés. La chaîne HBO a beau avoir l’habitude de dire que chez elle, les auteurs sont libres de faire ce qu’ils veulent, ses comptables ont fait la grimace. Sorkin a finalement obtenu gain de cause mais la commande de la saison a été réduite. La saison 2 ne comptera effectivement que neuf épisodes au lieu de dix.
Pas de quoi être complètement serein au moment de lancer les nouveaux épisodes, donc.
Mais contre toute attente, The First Thing We Do, Let’s Kill All The Lawyers est un solide épisode de reprise.
A cela, plusieurs raisons
1. Le script réoriente l’utilisation des femmes de la série.
Ce coup-ci, pas de scènes hystériques, pas de séquences de comédies romantiques ultra-balourdes. Et une vraie volonté d’utiliser les personnages féminins dans une autre direction. Alors, oui : on a droit à une scène entre Don et Sloane qui montre que Sorkin adore toujours les babillages professionnelo-amoureux. C’est limite. Mais cela m’a paru mieux intégré dans une intrigue qui montre des professionnels en action que ce qu’on a vu par le passé.
Je dois être honnête : il se peut que ma lecture de cette scène soit influencée par une autre intervenue plus tôt dans le récit. Une scène où on voit MacKenzie MacHale gérer une urgence en direct. Le tout sans crier, sans paniquer et en montrant qu’elle connaît son métier.
Clairement, cette séquence, je l’attends depuis le début pour MacKenzie. Pour la poser aux yeux du téléspectateur comme une pro aguerrie et pas seulement une gaffeuse de première (ce qu’on nous rappelle plus tard : chassez le naturel d’Aaron…). Cette fois-ci, cette scène, Sorkin l’offre au téléspectateur. Sans que ce ne soit forcé, exagéré ou sur-surligné. Mine de rien, ça fait du bien.
2. Sorkin se cache moins derrière l’option « Je vous refais l’actu telle qu’on aurait dû la traiter »
Ce parti pris, s’il avait de quoi agacer en saison 1 (et s’il peut toujours être agaçant) est capable de fonctionner s’il est au service d’une vraie intrigue, questionnant le sujet de la série (la fabrication de l’info). Clairement, c’est l’impression que m’a donné l’intrigue de Neal Sampat autour d’Occupy Wall Street.
Là aussi, on va éviter de s’emballer trop et trop tôt. L’histoire n’en est qu’à ses débuts mais pour l’heure, je n’ai pas vu Neal se rouler par terre/casser un écran en disant « Je sais ce qui va se passer ». Par contre, on voit Neal être confronté à la méfiance légitime des alter-mondialistes/autonomes face au système médiatique. De façon simple, et efficace. Encore une fois.
Ici, Sorkin raconte une histoire : elle est prenante, elle est complexe et les personnages composent avec cette complexité sans dire « Ta gueule : j’ai raison » (1). Personnellement, il ne m’en faut pas beaucoup plus pour avoir envie de voir la suite.
3. Un arc d’ensemble se dessine… et il est intriguant
Un des tics de Sorkin, c’est de commencer un épisode avec une scène tendue, avant de remonter le temps pour expliquer les sources de cette tension. C’est tellement devenu sa marque de fabrique que plusieurs fois dans le passé, la forme a pris le pas sur le fond. Comme s’il lui suffisait de reprendre ce canevas pour réussir à tous les coups. Ce qui est loin d’être le cas.
The First Thing We Do, Let’s Kill All The Lawyers débute dans cet esprit mais en revenant à la base. L’épisode revient surtout à l’importance de l’enjeu. La scène inaugurale laisse effectivement entrevoir un problème majeur. Ce problème, dont on ne sait pas tout, remet au coeur du récit une donnée essentielle mais trop souvent oubliée en saison 1.
Repenser la façon de fabriquer l’info, c’est prendre le risque de se planter. Et il faut savoir faire face à ce risque. Assumer pleinement. En 2012, Sorkin a trop souvent dégonflé cette partie de la question (l’exception, c’est The Black Out – Part.1, l’épisode 1.08). Là, les paris restent ouverts.
Rien ne dit qu’il ne le fera pas cette fois non plus mais je suis curieux de voir où il veut aller. Les réactions de Mac, à ce propos, m’ont en tout cas interpellé.
J’attendais le retour de « The Newsroom » avec une énorme impatience : les défauts de la saison 1 (personnages féminins, côté trop moralisateur de certaines des intrigues) n’avaient pas eu raison de mon enthousiasme et Aaron Sorkin montrait qu’il était toujours l’un des scénaristes (et dialoguistes) les plus brillants d’Hollywood… Et cette saison 2 démarre déjà sous les meilleurs auspices : c’est toujours vif, drôle, pertinent et le milieu de l’information reste un univers passionnant à arpenter.
Une saison 2 de neuf épisodes seulement… S’ils parviennent à tirer pleinement parti de tout ce qui est lancé dans cette reprise, on peut espérer neuf heures de belle télévision.
Zut..ca m’ennuie votre critique 🙂 Énervée d’avoir « perdue » mon temps à regarder la S1 l’année dernière, j’étais bien décidée à ne pas poursuivre sur la S2. Mais maintenant, je sens que je vais me laissée tenter, c’est malin ca. Merci beaucoup!
Disons que je suis curieux… Les prémices sont bons mais j’attends de voir 2 ou 3 épisodes pour voir si le changement est durable. On en reparlera vite, je pense 😉