Nos années Strange (1970-1996) : achetez ce livre, c’est un ordre !

Signe des temps : il y a encore dix ans, allez, voire même cinq, qui aurait pu imaginer une seule seconde qu’un aussi gros éditeur que Flammarion investisse dans la fabrication d’un aussi bel objet au titre basé sur le culte mensuel Strange ? Depuis, le terme geek s’est totalement banalisé, les réseaux sociaux ont réalisé l’interconnexion mondiale entre les passionnés de pop culture et… les jeunes lecteurs de Strange sont devenus grands, contribuant à l’anoblissement de cet univers. L’excellent livre de Carletti-Lainé en est le superbe témoin.

Je vois ce livre comme une vraie revanche pour « nous », les authentiques fans depuis notre enfance qui, au mépris des sarcasmes venant parfois de nos propres cours d’écoles, dévorions chaque mois nos rations de Strange, Spécial Strange, Titans, Nova et autres Spidey… Et avons ainsi nourri un imaginaire qui n’a plus jamais quitté nos vies même une fois devenus « grands ». Voilà un ouvrage absolument complet (et définitif ?) sur cette période dorée des années 70-80 où Strange, le mensuel roi des éditions Lug, fit la loi dans le cœur de milliers de petits « geeks » (un terme inusité alors) que nous étions. Ne l’oublions pas : sans Lug et son inlassable évangélisation super héroïque, voici plus de trente ans, Spider-Man, les X-Men, les Quatre Fantastiques, Iron Man et les autres n’auraient certainement pas eu le même impact cinématographique dans notre pays.

Aujourd’hui, parvenus à l’âge adulte, certains d’entre nous ont enfin le pouvoir de témoigner aux responsables historiques des éditions Lug (et aussi Stan Lee) toute notre reconnaissance : je l’ai modestement fait en 2006 avec Comics, dans la peau des super héros. Carletti et Lainé le font magnifiquement et de façon beaucoup plus riche avec Nos années Strange. Je le répète : voilà un superbe ouvrage, très généreusement iconographié, qui non seulement vous dira tout (ou presque) sur Strange et ses petits frères (Spécial Strange, Titans, Nova…) mais qui aussi, fort judicieusement, élargi le champs de son objet. Sont abordés, pêle mêle, mille sujets de souvenirs qui sont autant de madeleines constitutives de notre bulle intime de l’époque : les autres revues de super héros parues en France dans cette période 70-96 (année de la mort « spirituelle » de Strange, lorsque Semic perdit la licence Marvel), les éditions Semic qui prirent le relais de Lug, l’ultra culte Télé Junior, les émissions télé de l’époque, les dessins animés, films, jouets… et même si l’univers Marvel se taille la part de Galactus, DC n’est pas oublié, loin de là. Systématiquement, le choix des sujets tape dans le mille, ouvrant une jubilatoire boîte aux souvenirs, et vous faisant frénétiquement tourner et retourner les pages d’un livre qu’on a envie de serrer contre soi comme un doudou. Détail qui ne gâche rien : les textes sont bien écrits et offrent un vrai point de vue sur cette culture et les valeurs morales qu’elle a pu inculquer en filigrane à ses jeunes adeptes.

Préfacé par Alexandre Astier (joli coup !), le livre « tout en couleurs » sera un cadeau magnifique pour tout fan et un très bel hommage à ce « monde de bulles »-là qui, au-delà des hype énervantes et opportunistes, mérite tant sa réhabilitation.

Recherches fouillées, infos précises, illustrations sublimes : bravo les gars c’est du très beau boulot (et en plus Comics… est cité dans les repères biblio, et votre serviteur également dans les remerciements, donc là je dis forcément : thank you !). Un achat indispensable, donc. Excelsior !

PS : j’en profite pour, également, rendre un hommage à toute l’équipe du magazine Comic Box, avec en tête le tandem Fabrice Sapolsky/Xavier Fournier qui, depuis plusieurs années, contribuent eux aussi à prendre le mythe au sérieux et lui donner ses lettres de noblesse. Et le tout bien avant que les super héros ne deviennent tendance. Bravo et merci à eux deux.

End of transmission…

Nos Années Strange (1970-1996), de Sébastien Carletti et Jean-Marc Lainé (Flammarion). En librairies le 28 septembre. Prix : 25 euros.