
NSU German History X, la distance du coup de poing (Séries Mania)
Du 15 au 24 avril se déroule la septième saison de Séries Mania à Paris, et comme chaque année, le Daily Mars vous offre une couverture du festival. Au programme, critiques, bilans de conférences et autres surprises…
Beate est une adolescente vivant dans le quartier morose de Winzerla, situé dans la ville de Iéna. Nous sommes au début des années 90, après la chute du mur, côté ex-Allemagne de l’Est et Beate quitte l’école dès 16 ans. Alors qu’elle a pourtant des origines roumaines, Beate craque pour le grand Uwe, et qu’importe si ce dernier ne jure que par Rudolf Hess…
À trois ou quatre reprises, Beate s’interrompt, parfois au milieu d’une conversation, pour dévisager le téléspectateur. Ce long regard qu’elle nous adresse est déstabilisant, et ce d’autant plus qu’il est appuyé par une fierté marquée et l’impression fugace d’un amusement.
On imagine alors que ce procédé sert à interpeller, qu’il a pour but de dire avec insistance : ”voyez comme cet instant est crucial dans mon parcours”. Mais il s’agit d’autre chose…
NSU German History X tente d’expliquer des événements authentiques qui ont secoué l’Allemagne au tournant des années 2000. Le Nationalsozialistischer Untergrund (NSU ou « Parti national-socialiste souterrain ») assassine alors à plusieurs reprises et commet au moins un attentat à la bombe. Neuf immigrés turcs et grecs sont abattus ainsi qu’une policière. Le groupe ne sera réellement démantelé qu’en 2011, suscitant une consternation nationale.
En début et en fin d’épisode, on peut lire que si ce récit reprend les faits connus de l’affaire, ces derniers sont enchâssés dans une œuvre de fiction. L’avertissement est important et souligne la sensibilité du sujet.
L’auteur propose justement une trajectoire de comparaison. Sandra, la meilleure amie de Beate, fait un autre choix de vie. Rien ne les différencie vraiment et pourtant, là où le parcours de l’une est normal, l’autre sombre dans le terrorisme et l’idéologie.
Comment bascule-t-on dans l’endoctrinement ? Voilà une question qui raisonne de manière prééminente à nos oreilles, et même bien au-delà des seules considérations d’extrême droite.
NSU German History X n’apporte pas, bien sûr, de réponse miracle, mais elle met en scène un noyau dur de trois personnes (Beate, Uwe et Böhni), la dynamique fascinante qui les relie et les mécanismes d’une construction sociale qui s’empilent par strates.
Ces trois personnages – tous interprétés avec une énergie bouleversante – dégagent une exaltation communicative mais un simple regard de Beate vient nous interrompre.
Car oui, le processus d’identification est inéluctable et parce que l’auteur en a conscience, il court-circuite notre affect par l’entremise de cet échange de regard.
On comprend alors que ces apartés reprennent le concept de distanciation cher au dramaturge Bertolt Brecht. Le sujet est important et rien ne doit se dresser entre le téléspectateur et une réflexion forcément salutaire.
Séries Mania proposait uniquement le premier volet de cette minisérie. La suite s’annonce aussi pertinente avec, après le point de vue des auteurs, celui des victimes puis celui des forces de l’ordre. Inutile de préciser désormais que l’on attend avec impatience qu’un diffuseur français s’empare des droits de diffusion de ce triptyque remarquable.
NSU GERMAN HISTORY X / MITTEN IN DEUTSCHLAND : NSU, Minisérie en trois parties (d’env. 90 min.).
Créée et produite par : Gabriela Sperl.
Épisode écrit par : Thomas Wendrich.
Épisode réalisé par : Christian Schwochow.
Avec : Anna Maria Mühe, Albrecht Schuch, Sebastian Urzendowsky et Nina Gummich.
Merci à la germanophile Yaële Simkovitch pour son aide précieuse.
Visuel : NSU German History X © Stephan Rabold & Beta Film