Instant Classic (critique de Oblivion de Joseph Kosinski)

Instant Classic (critique de Oblivion de Joseph Kosinski)

Note de l'auteur

Contrairement à ce que l’on attendait, Joseph Kosinski n’a pas (encore?) réalisé le remake du classic Trou Noir de Disney. Après s’être fait la main sur Tron Legacy/L’héritage, le réalisateur a préféré se pencher sur un projet plus personnel, un rêve de longue date qui prouve que, même s’il assume son classicisme, le monsieur est bien plus qu’un simple artisan visuel.

2077. La guerre est finie, les humains ont gagné, mais la terre a trop souffert pour être habitable. Garde arrière aidé par sa coéquipière Vika, le vétéran Jack Harper passe ses journées à réparer des drones. Il protège de ce fait l’extraction de ressources nécessaires à la survie des colonies humaines ayant migré sur une des lunes de Saturne. Hanté par des songes dont il ne connaît pas l’origine, Jack va voir ses certitudes bousculées par le crash d’une navette de secours, celle-ci renfermant la femme de ses rêves et une bonne tartine de vérités difficiles à avaler.

Comme il le confie dans le booklet accompagnant la bande originale du film, Joseph Kosinski a imaginé Oblivion en 2005 lors de son arrivée à Los Angeles. A une époque où il avait du mal à faire son trou, il accoucha de l’histoire de cet ancien Marine, technicien partageant son temps entre un petit fief arts déco au dessus des nuages et les terres arides qui furent jadis notre monde. Tout d’abord envisagé comme un roman graphique (certaines illustrations d’André Wallin sont disponibles sur le net en cherchant un peu), le projet fut rapidement acheté par Disney avant de finalement atterrir chez Universal, le sujet étant probablement trop noir pour que Mickey ne le soutienne sans l’éviscérer.

 

On se les pèle sur le toit du monde

Pourtant, Kosinski avait fait des merveilles chez Disney. Adepte de l’épure, il fut très vite considéré comme un génie pour beaucoup en réalisant la suite du chef d’oeuvre geek de Steven Lisberger, le réal s’étant seulement mis à dos les amateurs de scénarios complexes, troquant une plongée dans le monde du net moderne par une virée dans un réseau fermé datant des meilleurs tubes de Journey. Une broutille. Car impossible de nier la maestria visuelle de l’entreprise. Une maestria que l’on retrouve aujourd’hui dans ce huis clos cérébral aux décors majestueux (Islande et Maui, je vous aime), ponctués d’une production design globalement bluffante, une nouvelle fois signée Darren Gilford et Daniel Simon. On ne serait au passage pas surpris d’apprendre que Kosinski a expérimenté certaines idées sur Tron pour les ressortir sur la présente péloche.

Piou Piou Piouuu

Le régal graphique étant quasiment acquis d’avance, c’est surtout sur son script -original, donc- que le sieur était attendu au tournant. Si la surprise ne vient pas des rebondissements en eux-mêmes, bien pensés mais relativement classiques, c’est surtout dans leur agencement qu’Oblivion force le respect. Inspiré tant de La Quatrième Dimension que d’une pléthore de références solides que l’on taira ici pour ne pas déflorer l’effet de surprise, le métrage enchaîne les scénettes comme autant de chapitres que l’on aime à découvrir. Mieux, le film ménage ses effets pour mieux capturer ce précieux malaise propre aux grands classiques de la SF, ce au détour de clins d’œils évidents et assumés. Avis aux nostalgiques.

« Après Jack Reacher, Jack Harper ? Tu te fous de ma gueule ? »

L’épure propre au monsieur a bien sûr parfois ses à-côtés. La structure d’Oblivion est bien plus consistante et riche que celle de Tron, mais elle n’évite ni les grands sentiments parfois maladroits (on retrouve par ailleurs la lourde scène de dîner de Legacy. Une marque de fabrique ?). ni l’occasionnelle facilité de certaines pirouettes narratives (plastiquement ahurissant, le final est tout de même aisément expédié). Mais combiné à cette richesse visuelle, due en partie aux prodiges de la nouvelle camera F65-, le score de M83, version light mais tout aussi puissante de celui des Daft Punk sur Legacy, aide à nous plonger dans ce conte pour adultes. Un conte si miraculeux que Tom Cruise, tel un caméléon, semble s’effacer devant son personnage, aux côtés d’un Morgan Freeman diablement cabotin, d’un Nikolaj Coster-Waldau toujours bogosse et des enchanteresses Andrea Riseborough et Olga Kurylenko.

Sans être le film de l’année, Oblivion gagne donc ses galons de petite perle du genre avec toute l’aisance du monde. Une très belle surprise qui souffrira peut-être de son grand buzz, mais ravira à coup sûrs les amateurs, surtout s’il aiment qu’on joue du fan service avec leurs œuvres préférées. Et Kosinski de continuer à faire son trou comme un très grand de façon fulgurante. Ce qui nous privera peut-être de petites histoires écrites « en attendant « , mais nous permettra, on l’espère, de voir la suite de Tron Legacy avant 2077.

En salles depuis le 10 Avril
2013. USA. Réalisé par Joseph Kosinski. Avec Tom cruise, Morgan Freeman, Olga Kurylenko,  Andrea Riseborough, Nikolaj Coster-Waldau, Melissa Leo.

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