On a lu… Adrastée de Mathieu Bablet

On a lu… Adrastée de Mathieu Bablet

Note de l'auteur

Il y a une semaine, nous vous parlions de Shangri-La, un petit bijou de la rentrée par l’auteur grenoblois Mathieu Bablet. Son éditeur, Ankama, en a profité pour publier son œuvre antérieure, Adrastée, publié entre 2013-2016.

couv_287580L’histoire : Il est un royaume étrange, où le roi ne peut pas mourir. Il se nourrit à peine et traverse les siècles, silencieux, comme endormi. Mais un jour, une force étrange le pousse hors de son apathie. Le voilà qui veut affronter le monde, dans une randonnée à travers l’espace et sa mémoire.

Mon avis : Là où Shangri-La était une œuvre sur le monde, Adrastée est une fresque sur un homme. Un homme qui questionne sa propre humanité, sa raison d’être, son immortalité. C’est aussi une histoire qui prend source dans la mythologie grecque que s’approprie Mathieu Bablet. Dieux, déesses, créatures étranges, elles sont toutes là, du sphinx au faune, ainsi que certains de son panthéon personnel, comme ce robot géant recouvert de mousse et de silence. Adrastée est donc profondément différente de sa collègue. C’est une marche, une balade, sur les pas d’un homme immortel, à travers paysages et créatures d’une Grèce antique.

Pourtant, certains thèmes sont transversaux. Ainsi la recherche de notre raison d’être. Sauf que là, il ne s’agit pas d’animoïdes, d’êtres créés par les hommes. Mais d’hommes créés par des dieux. C’est une œuvre plus contemplative, où le scénariste et dessinateur s’offre de belles pages de silence, de grands mondes et des cadrages décalés. Toute la beauté de son trait est déjà là, certes au service d’un univers qui existe déjà, de bribes d’un monde aujourd’hui disparu, où se promenait Rhéa, Athéna et fête païenne. Quand on peut vivre et mourir à tout instant, vit-on plus intensément ? Quel place a une fleur dans l’univers quand on peut vivre éternellement ?

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Ce monde est une lente mélopée, hypnotisante. Un conte, une mise en abyme qui commence par cette phrase : « Ô mue, raconte-moi l’histoire de cet enfant, héritier d’un royaume depuis longtemps oublié des hommes… ». Car Mathieu Bablet nous entraîne à sa suite, un guide qu’il incarne sous les traits d’une créature qui ressemble à Pan, un théâtre de marionnettes, un villageois suspect. Tous racontent l’histoire de ce roi dont on ne se rappelle plus le nom. Il suffit pour le lecteur, de se laisser porter, et de tendre l’oreille. Le voyage est doux-amer, et on rentre comme après une longue traversée. Sans avoir compris comment on a pu flotter aussi longtemps sur la mer, pour se réveiller dans un endroit ou un autre. C’est un voyage théâtral, où le monde entier est en représentation en souvenir de l’immortel. C’est une profonde histoire d’amour qui a traversé les siècles.

album-page-large-20107Si vous aimez : l’onirisme sans faille de la mythologie grecque et la pointe d’un crayonné qui dessine les rêves et les mondes perdus.

Autour de la BD : Hyperborée, le nom du royaume oublié des hommes, aurait été pour les Grecs un étrange paradis où vivent les bienheureux. Mathieu Bablet montre aussi son intérêt profond pour les mondes mythiques et disparus, passant d’Hyperborée à Shangri-La.

En accompagnement : Un bâton d’encens en l’honneur des dieux disparus.

Extrait : « – Au fait, je me présente : Marsyas, fils d’Œagre, Aède de profession et fameux poète itinérant. Et toi… Toi, assis dans cette posture, avec ta tête d’enterrement… Tu me fais penser à ce type, là ! Un voyageur millénaire… Je ne me souviens pas de son nom. »

Sortie : le 2 septembre, éditions Ankama, 147 pages, 19,90 euros.

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