
On a lu… Atom the Beginning (T. 1) de Masami Yûki et Tetsuro Kasahara
L’œuvre de l’immense Osamu Tezuka n’en finit pas d’inspirer des générations et des générations de mangakas. Et plus particulièrement, un titre matriciel connu chez nous, sous le nom d’Astroboy ou encore d’Astro le petit robot. Après Naoki Urasawa, c’est donc au tour de Masami Yûki et Tetsuro Kasahara de s’appuyer sur ce personnage culte pour nous offrir rien de moins qu’un prequel au manga de Tezuka. Une origin story qui débute par un premier tome parfaitement convaincant tant sur le fond que sur la forme. L’éditeur Kana tient peut-être là son prochain hit…
Sorti en 1952, Tetsuwan Atomu de Osamu Tezuka mettait en scène les aventures de Astro, un robot construit par le Dr Tenma suite à la triste disparition de son fils Tobio. Mais le petit robot ne peut malheureusement pas le remplacer, puisqu’il est impossible pour lui d’exprimer de quelconques sentiments. Toutefois, Astro possède d’extraordinaires capacités qu’il met au service de son prochain pour combattre le crime et l’injustice. Conçu comme une relecture du conte de Pinocchio, le manga de Tezuka fut également l’un des tout premiers à aborder le sujet de la robotique et de l’intelligence artificielle. Après vingt-trois tomes de bons et loyaux services, le titre prend fin en 1968 et appose une empreinte durable dans le paysage de la bande dessinée nippone. Depuis, son influence, et plus généralement celle de l’œuvre du maître, s’est imposée et a su traverser les âges. En 2003, Naoki Urasawa (20th Century Boys, Monster, Billy Bat) décide d’adapter dans le style policier/thriller, l’un des arcs narratifs du manga, intitulé Le Robot le plus fort du monde. Publié en France par l’éditeur Kana, cette libre adaptation reprend les personnages principaux en agrémentant son récit d’une ambiance assez sombre. S’appuyant aussi bien sur le cycle Fondation d’Isaac Asimov que sur Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, Pluto offre une vision introspective et torturée du titre de Tezuka.
Ce mois-ci, c’est au tour donc d’Atom the Beginning de replonger dans l’univers du maître, en proposant un prequel se situant des années avant le titre-mère. Les professeurs Tenma et Ochanomizu ne sont alors que deux jeunes étudiants prodiges en robotique. Ils travaillent sur le projet A106, un robot anthropomorphe nommé Six, qui possède une intelligence artificielle très poussée. Leur objectif : développer le système Bewusstsein afin de doter leur machine d’une conscience. C’est selon eux, l’unique moyen de lui faire acquérir une véritable autonomie. Pour pouvoir observer au mieux les capacités d’adaptations et le comportement de leur super-robot, ils décident de participer à un tournoi de lutte de robots. Voilà donc le menu de ce premier tome qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit et l’univers d’Astro. Fidèle aux questionnements éthiques et existentiels face à la montée en puissance de la robotique dans la société, le manga trouve facilement un écho dans notre réalité contemporaine. Cette nouvelle technologie est née sur les cendres d’une civilisation en pleine reconstruction. Le salut de l’humanité passe par la maîtrise de l’intelligence artificielle, apportant avec elle, tous les dangers et les dérives possibles.
Aussi bien au niveau du ton que de la forme, Yûki et Kasahara rendent un vibrant hommage au titre d’origine. On retrouve cette même fraîcheur, cette naïveté presque enfantine, soulignées par quelques traits d’humour bien sentis. Ce premier tome expose clairement les enjeux et les protagonistes en place et nous plonge avec facilité dans ce récit SF qui, même s’il est affilié au titre de Tezuka, ne tombe jamais dans le fan service débile et gratuit. Le dessin de Tetsuro Kasahara parvient à retrouver la subtilité et la finesse du graphisme d’origine. Sans chercher à le recopier, le mangaka en extrait la substantifique moelle et nous offre un trait vibrant, aux lignes épurées mais qui recèle de nombreux détails, tout particulièrement en ce qui concerne le mecha-design. Le dessinateur préfère favoriser le travail manuel, laissant de côté le tramage classique, pour un rendu ultra-vivant et en adéquation avec le travail d’Osamu Tezuka. Cette première incursion dans le passé de Tenma et Ochanomizu est donc une vraie réussite et un réel soulagement. S’attaquer à un tel monument du manga et proposer un prequel était assez casse-gueule. Heureusement, les auteurs, en collaboration avec Tezuka Productions, ont réussi à retrouver l’essence-même d’Astro. Atom the Beginning fait des débuts remarqués et c’est tant mieux. Jusqu’ici, tout va bien, pourvu que ça dure.
Atom the Beginning (T. 1) de Masami Yûki et Tetsuro Kasahara, aux éditions Kana