
On a lu… Avengers vs X-men (épisode 1 à 6)
« Le Phénix est de retour et il a pris pour cible la Terre ! C’est le début du plus grand événement de l’histoire Marvel. Héros contre héros, amis contre amis, Avengers Vs X-Men. »
Depuis bientôt sept ans, la vie éditoriale de l’univers Marvel est rythmée par les « event », ces histoires événementielles mettant en scène la plupart des personnages de la maison d’édition autour d’une grande menace et dont la conclusion aura de de telles répercussions sur nos héros que « rien ne sera plus comme avant ». Du moins pendant quelques mois jusqu’au retour du statut quo habituel. Si DC Comics n’était pas en reste, force est de constater que Marvel a élevé cette pratique au rang d’art du moins d’un point de vue strictement commercial.
On est en droit d’émettre beaucoup plus de réserve en ce qui concerne l’aspect créatif. Que ce soit Civil War (la communauté super-héroïque se divise suite à la mise en place d’une loi les obligeant à dévoiler leur identité secrète), Secret Invasion (des extraterrestres métamorphes, les Skrulls, ont envahi la Terre et pris la place de bon nombre de super-héros) ou bien encore Siège ou Fear Itself, toutes ces histoires se distinguent par une approche équivalente aux blockbusters américains. Du lourd, du lourd et encore du lourd au détriment du scénario, de la mise en page et des personnages. Ces derniers sont d’ailleurs les grands perdants de ces opérations dont l’effet pervers est de vampiriser leurs propres séries.
On rappellera par exemple que la mort de Captain America à la fin de Civil War fut imposée à Ed Brubaker et bien que ce dernier avait prévu de tuer son personnage, il suffit de lire son run pour se rendre compte qu’il avait une toute autre démarche en tête. Enfin si on rappelle que ces events s’accompagnent d’une multitude de mini-séries généralement peu intéressantes et qu’ils monopolisent pendant des mois les séries des personnages (empêchant tout travail sur la durée pour les équipes créatives), on comprend aisément qu’ils ne sont donc pas forcément la panacée dans l’univers du comics de super-héros.
Et pourtant : la parution de l’event Avengers vs X-men nous donne envie d’y jeter les deux yeux. Il faut dire que la bête a de sérieux arguments. Les deux plus grandes équipes de l’univers Marvel vont s’affronter alors que Phénix fait son retour sur Terre – la menace qu’elle représente pour l’univers entier a donné lieu à l’une des plus grandes aventures de l’Histoire des comics (c’était dans The Uncanny X-men par Chris Claremont et John Byrne). On a beau vouloir des scénarios complexes, notre petit coeur de fan bondit toujours à l’annonce de combat entre deux de nos équipes de héros préférées et l’on est déjà prêt à prendre les paris pour savoir si Hulk foutra la pâtée à Colossus.
Le syndrôme de l’éparpillement
L’équipe créative aux commandes de ce royal rumble super-héroïque suscite également notre intérêt. Tandis que l’excellent Adam Kubert, notre fierté nationale Olivier Coipel et le contesté mais toujours efficace John Romita Jr vont se partager les dessins des dix épisodes qui composent la saga, ce ne sont pas moins de cinq scénaristes qui vont se succéder. A savoir Matt Fraction (Iron Man), Jonathan Hickman (Fantastic Four), Ed Brubaker (Captain America), Jason Aaron (Wolverine and the X-men) et enfin Brian Michael Bendis. En somme tous les scénaristes vedettes de la firme sont mis à contribution. Brian Bendis signant d’ailleurs ici la fin de son run sur les Avengers avant d’entamer une nouvelle aventure avec les X-men à la fin de cet event.
Les combattants sont donc dans l’arène, quand est-il après la parution française des six premiers épisodes dans la revue X-men vs Avengers ? Comme dirait l’autre, c’est pas très folichon. John Romita Jr rend une copie correcte bien meilleure que certains de ses travaux récents mais on sent bien le dessinateur de Man Without Fear limité par un cahier des charges assez rigide en termes de personnages imposés et de passages obligés. Car Avengers vs X-men souffre principalement du syndrome de l’éparpillement. Alors que l’on assiste à quelques jolies cases de batailles rangées, les principaux combats individuels entre membres des Vengeurs et des X-men sont relégués dans des revues annexes atténuant de fait ce qui fait le sel de cet événement.
On a beau connaître cette spécificité du comic-book, on en reste pas moins stupéfait devant la lourdeur narrative qu’elle engendre ici. Si vous voulez voir la Chose vs Namor ou bien Storm contre La Panthère Noire, faites vous une raison : il va falloir lire les autres revues. Mais le problème majeur de Avengers Vs X-Men est pire : la série principale souffre d’un étirement de l’intrigue au point que certains épisodes ne racontent au final… rien du tout. Après un bon premier épisode posant assez bien les enjeux pour les deux groupes et offrant une bonne montée en puissance jusqu’à l’explosion inévitable, la suite est bien moins enthousiasmante et se résume à un jeu de chat et souris entre les X-men, les Vengeurs et le personnage de Hope tandis que le Phénix arrive tranquillement vers la Terre sans que quiconque ne s’en préoccupe véritablement (1).
Il y a bien ici et là quelques moments où les personnages existent véritablement (on pense tout de suite au dialogue musclé entre Captain America et Wolverine dans l’épisode écrit par Ed Brubaker) mais c’est vraiment trop peu pour que la sauce prenne. Le premier chapitre de cette saga, intitulé It’s Coming, est donc peu intéressant au delà du postulat qu’il propose mais la suite s’avère être beaucoup plus enthousiasmant.
ATTENTION : SPOILERS. Le paragraphe qui suit révèle l’événement qui relance l’intrigue et notre intérêt.
Blessée par une arme destructrice d’Iron Man, la force Phénix se divise en cinq et investi cinq hôtes : Cyclope, Colossus, Namor, Maggie et Emma Frost se prennent un upgrade de dingue pour quasiment devenir les êtres les plus puissants de l’univers. Désireux d’utiliser ce pouvoir pour faire le bien sur Terre, ces cinq entités vont s’ériger en dieux apportant bonheur, paix et abondance aux hommes. Bien que la thématique du super-héros devenant un dirigeant du monde qu’il défend fut plusieurs fois traité (dans Rising Star ou bien encore dans la grandiose mini-série l’Escadron Supreme), l’usage qu’en fait A Vs X s’avère suffisamment intéressant pour nous donner envie de lire la suite.
John Romita Jr cédant sa place à Olivier Coipel, on y gagne aussi un dessin beaucoup plus beau. En se focalisant sur les prétentions d’un Cyclope devenu littéralement le genre de personnage qu’il combattait quelques années plus tôt, l’intrigue gagne en intérêt et en profondeur. Voir ainsi Xavier et Magnéto, les ennemis idéologiques d’antan contemplant les actions des hôtes du Phénix tel des géniteurs désemparés face à leurs créations est assez jubilatoire.
Bien sûr la paix ne pouvait durer et le pouvoir est, comme on le sait, source de corruption. Le sixième épisode se conclut sur une sentence irrévocable : « No more Avengers », qui renvoie bien sûr au « No More Mutants » de la Sorcière Rouge à la fin de l’event House of M de Bendis et Coipel, et qui signa la fin de nombre de mutants et le début de la chute pour Cyclope. Ce changement de direction pour Avengers vs X-men est donc bénéfique et c’est avec curiosité, si ce n’est hâte, qu’on attend la suite et la fin où rien ne sera plus comme avant.
Dammed je me suis encore fait avoir !
(1) : Ok, on est méchant il y a bien une équipe de Vengeurs qui tente de l’intercepter mais là encore il faudra lire une autre revue pour en savoir plus
Avengers vs X-men, épisodes 1 à 6 (Revue Avengers vs X-men, Panini Comics, Marvel)
Ecrit par Brian M. Bendis, Jason Aaron, Ed Brubaker, Jonathan Hickman et Matt Fraction
Dessiné par John Romita Jr et Olivier Coipel
Civil War est le dernier event convaincant de Marvel. Probablement parce que c’était davantage une histoire politique qu’une lutte classique du monde super-héroïque. Il y avait une démarche saine et une construction générale convaincante, je trouve (le point de départ et la real-tv qui tourne au drame) jusqu’à une conclusion un peu déceptive mais je pense que c’était le choix évident.
Bien sûr, Civil War accuse quelques lourdeurs, si la série principale est bonne, sa répercussion dans les autres titres Marvel est très dispensables (exception de Spider-Man pour son geste « mythique »). Je citerai également Front Line, qui aborde l’univers Marvel du point du vue humain, via un journaliste. La seule constante des events suivant qui livrera un récit toujours bien tourné, intéressant dans les thèmes exploités. Parce que les Secret Invasion, Siege et Fear Itself sont mauvais (et World War Hulk bien moins intéressant que son prélude Planete Hulk – et Romita Jr. est une catastrophe aux dessins).
Je te rejoins également sur la construction générale des events avec un départ souvent chaotique et une résolutions précipités. Un mal dont souffre en partie ces six premières épisodes. Comme toi, après un (voire deux) premier(s) épisode(s) convaincant, les deux suivants s’avèrent décevant. La faute à un récit qui ne temporise pas assez pour s’intéresser aux personnages (contrairement à ce tu écris, je suis satisfaits de voir les affrontements purs dans un volume annexe). Parce que il y a une vraie dissolution au sein des groupes (comme Civil War à l’époque) et chacun ou presque a raison. C’est une lutte philosophique avant d’être un affrontement pur. Dommage que cet aspect a été un peu délaissé.
En revanche, je suis d’accord, la suite exprimée dans ton spolier, si elle intervient de façon abrupte s’avère passionnante. Elle me rappelle un peu ce que fait Hickman sur Ultimates en ce moment (publication française). J’espère que la suite sera bien négociée.
Et j’espère surtout que Marvel se calmera un peu sur les gros events. Avengers Disassembled, House of M ou dernièrement Chaos War étaient des grosses réussites parce qu’elles se consacraient à un groupe en particulier (avec des répercussions sur le Marvelverse) et qu’elles intervenaient ponctuellement (pas besoins d’en faire tous les ans). Seul Civil War et dans un autre genre Dark Reign ont fonctionné sur ce modèle.
Je suis tout à fait d’accord avec Pol Gornek. Civil War était passionnant : derrière son côté fun (une guerre violente entre deux camps de super-héros), Mark Millar questionne sur le statut du super-héros et par conséquent sur la légitimité de son action.
Dans un autre registre, l’Identity Crisis de Meltzer chez DC était tout aussi bouleversant.
Depuis Civil War, Marvel est dans le Cross-over perpétuel, avec les Dark reign ou Heroic Age, au risque de lasser le lecteur (ce qui est mon cas).
Autre point ennuyeux, on ne retrouve pas la pâte du show-runner. Autant sur Civil War on retrouvait le style de Millar, par contre sur Secret Invasion, Siege ou Fear It self, je n’ai pas senti l’apport des Matt Fraction et autres Bendis.
C’est particulièrement dommage que la ligne éditoriale de Marvel ne laisse pas plus de place à ses auteurs bourrés de talents.