On a lu… Chimichanga de Eric Powell

On a lu… Chimichanga de Eric Powell

Chimichanga dessiné par Eric Powell

Après Calvin et Hobbes, après Boule et Bill, après Lilo et Stich, voici le nouveau duo qui va ravir les petits et les grands : Eric Powell vous présente les aventures de Lula et Chimichanga.

Il y a des découvertes qui font plaisir et donnent le sourire aux lèvres. La nouvelle bande dessinée d’Eric Powell, fait partie de ces découvertes. Cet autodidacte talentueux est connu dans nos contrées pour être le papa de The Goon (édité également chez Delcourt, le volume 10 sort en mars) mais le bougre a bien d’autres cordes à son arc.

Lula est une petite fille adorable et tout ce qu’il y a de plus normal. Bon ok : elle vit dans un cirque composé de freaks plus ou moins incroyables et elle arbore une magnifique barbe bien fournie et alors ?! Lula est fière de sa barbe et de sa vie. Elle vient en plus de faire une grande rencontre en la personne d’un gros monstre poilu, baveux et glouton qu’elle décide d’appeler Chimichanga. Ce duo d’enfer va devoir sauver le cirque du père La Ridule et combattre un ignoble patron d’une grande firme pharmaceutique.

Chimichanga se lit d’une traite mais la joie que procure l’album dure des jours et des semaines entières. Eric Powell a un don pour créer des personnages attachants et drôles. Il leur donne également une gouaille sans pareille. Lula est un véritable titi parisien dont les répliques fusent et dont le bagou lui permet de se tirer de toutes les situations et de tenir tête à n’importe qui. Il faut ici saluer l’excellent travail de traduction de Jérôme Wicky qui fait de cette bande dessinée un véritable régal à lire.

Plaisir des yeux également, Chimichanga se regarde, que dis-je se contemple, avec délectation. Tout en rondeur, le trait de Powell se marie parfaitement avec les couleurs chaudes de Dave Stewart et le tout donne un  dessin qui est un régal pour les yeux. Powell travaille aussi sa page avec beaucoup de talent et l’émotion surgit au détour de grandes cases amples ou de pleines pages très touchantes.

Plus que tout, la grande force de Chimichanga est d’être un magnifique conte qui parle à tous, une vraie BD pour les enfants de 7 à 77 ans en somme. A la lecture des bonus qui clôturent l’album, Powell nous apprend que sa bande dessinée est née des suites d’une collaboration avortée entre lui et un studio de télévision qui trouvait ses idées trop barrées. C’est peut-être le cas pour ces cadres déconnectés de leur public, mais sûrement pas pour Cade le dernier rejeton de Powell qui désirait en connaître plus sur ce gros monstre poilu qu’il trouvait rigolo. On sent bien le plaisir que l’auteur a eu à écrire et à dessiner ces aventures.

Tout le récit coule de source, c’est drôle et ça vous prend aux tripes au moment où vous ne vous y attendez pas. Au delà de la relation entre la petite fille et son gros monstre, le récit développe toute une galerie de freaks aussi peu crédibles les uns que les autres. Le comble de l’hypocrisie sera que ces rejets de la société, mépriseront Chimichanga. Quand les freaks rejettent un des leurs, on atteint le summum de l’absurdité et de l’intolérance mais il y a également toute l’aventure contre le labo pharmaceutique.

Sans en dévoiler l’intrigue (parce qu’on est d’accord qu’à ce stade du texte vous avez déjà acheté Chimichanga hein?), on remarquera que Powell sait très bien manier son propos pour le faire autant comprendre aux enfants qu’aux adultes. A l’heure où plusieurs scandales ont éclaté concernant les pratiques douteuses des labos pharmaceutiques il est agréable de voir un auteur expliquer aussi simplement et facilement aux enfants à quel point ces gens peuvent être de gros gougnafiers.

Cela passe par un méchant somme tout classique mais très bien rendu, par des passages très drôles notamment parce qu’ils visent juste dans la caricature (la découverte du remède contre le cancer par exemple) et également par une opposition très simple mais brillamment maîtrisée entre l’univers de Lula tout en rondeur et en couleurs chaudes, et l’univers des labos aux couleurs froides proches du monochrome et aux traits durs et cassants. La première case nous montrant le laboratoire n’est ainsi construite qu’avec des lignes droites et une perspective nous donnant le vertige.

Au croisement des univers de Burton, Gaiman ou Fellini, Chimichanga est une véritable petite perle qu’il ne faut pas hésiter à découvrir. Lula est un sacré petit bout de femme qui a rencontré un Totoro nouvelle génération absolument attendrissant. Allez faire leur rencontre, vous ne serez pas déçu.

Chimichanga (Delcourt, Dark Horse)

Ecrit et dessiné par Eric Powell

Couleurs de Dave Stewart

Merci à la librairie Imaginaute pour la découverte

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