
On a lu… Codeflesh de Joe Casey et Charlie Adlard
Derrière les chevaux de bataille que sont Hellboy, The Goon ou The Walking Dead, se cache tout un catalogue de petites perles que Delcourt nous fait découvrir. Nous nous étions déjà enthousiasmés pour Chimichanga, découvrons maintenant dans un autre registre Codeflesh.
Mine de rien, le lecteur français amateur de comics book vit un certain âge d’or en terme de choix. Quand il arrive devant les rayonnages d’une librairie, il se sent un peu comme le roi du pétrole face à toute cette offre foisonnante et surtout variée. Car au-delà des comics de super-héros on constate que les éditeurs proposent de plus en plus des œuvres moins grand public et nous font redécouvrir un patrimoine qui a longtemps été ignoré. Parmi ces éditeurs, Delcourt fait honneur à sa réputation de qualité en proposant des séries plus risquées.
Ainsi si Codeflesh flirte du coté de l’univers super-héroïque, il se trouve davantage à la croisée de celui-ci et du film Taxi Driver comme l’affirme son scénariste Joe Casey (The Haunt). Codeflesh raconte l’histoire de Cameron Daltrey un agent de probation à Los Angeles spécialisé dans les criminels aux supers pouvoirs et qui n’hésite pas, la nuit venue, à porter un masque pour casser la tronche de ces derniers quand ils ne se présentent pas aux convocations du juge. Divisé en neuf chapitres, Codeflesh connut une parution en dents de scie : les cinq premiers épisodes parurent dans la revue Double Image, les trois suivants dans la revue Double Take et le dernier chapitre fut publié longtemps à l’occasion de la sortie du recueil. Alors qu’on pourrait craindre un récit désiquilibré, force est de constater que les différents épisodes de Codeflesh forment un tout d’une incroyable cohérence.
Cela est dû notamment au talent de Charlie Adlard (le dessinateur de The Walking Dead) qui apporte une force brute nécessaire à l’histoire de ce pauvre type qui trouve dans sa double vie un moyen de faire ressurgir toute la violence qu’il a en lui. Casey ne fait pas de cadeau à Cameron Daltrey, un homme qui a tout pour mener une vie heureuse mais qui la flingue à cause de cette étrange addiction qui le pousse à porter un masque dont la similarité avec celui du personnage de Rorschach est troublante. Peut-on voir dans le code-barre du masque de Daltrey un renoncement aux idéaux héroïques sur l’autel du capitalisme et d’un système qui broie les individus ?
Toujours est-il qu’au fur et à mesure qu’on tourne les pages de cette belle édition, on découvre un homme qui sombre peu à peu. A ce titre le chapitre huit est sûrement la perle de la série en nous montrant des scènes de la vie quotidienne où les protagonistes déclament le texte d’une lettre que Cameron a écrit à son ex-compagne. Construit sur un décalage entre l’image et l’écrit, cet épisode est une preuve concrète de la puissance de la bande dessinée en tant que médium pour développer des concepts que le cinéma ou la littérature ne pourraient faire.
Bien qu’il ne soit pas une société à but non lucratif, un éditeur doit aussi savoir prendre des risques et proposer des œuvres peu connues et anciennes. On salue d’autant plus les tentatives de Delcourt d’exploiter le patrimoine américain que Codeflesh s’avèrent être une très bonne surprise. On espère qu’un jour Joe Casey et Charlie Adlard se replongeront dans cet univers où on serait pas étonné de voir Travis Bickle conduire son taxi dans les rues de L.A tandis que Cameron continuerait sa descente aux enfers.
Codeflesh (Delcourt)
Ecrit par Joe Casey
Dessiné par Charlie Adlard