On a lu… Dédale (T. 1 & 2) de Takamichi

On a lu… Dédale (T. 1 & 2) de Takamichi

Note de l'auteur

dedale-1-dokiApprochez, n’ayez pas peur, venez vous perdre dans cette œuvre aussi labyrinthique que singulière. Pour bien entamer le mois de juillet, l’éditeur Doki-Doki dégaine un titre SF, malin comme tout et habilement mené. En deux petits tomes seulement, Takamichi nous concocte un récit à la croisée des références et influences, plein d’inventivité et de fraîcheur. Dédale nous happe dès les premières pages et parvient à nous captiver de bout en bout, même si le second tome perd un peu de son ambiance assez unique. La très bonne surprise du mois.

 

Reika et Yôko sont deux étudiantes, fans de jeux vidéo, qui destinent leur carrière à devenir débuggeuses. En effet, leur passion commune est de débusquer les petites failles et autres bugs qui parsèment de nombreux jeux. Sans savoir comment, ni pourquoi, elles se retrouvent toutes les deux prisonnières d’un monde gigantesque, véritable dédale sans fin, défiant les lois de la physique et de l’imagination. Si Reika prend la chose avec un optimisme à toute épreuve et s’éclate comme jamais à tenter de percer les mystères de cet univers, son amie et colocataire Yôko est nettement moins emballée par l’idée de rester coincée ici. Assez rapidement, elles tombent sur un étrange message posé sur une table basse, signé par un certain Tagami, un célèbre créateur de jeux vidéo qui semble en savoir long sur cet endroit énigmatique. Quel est la nature de ce lieu ? Reika et Yôko sont-elles le seul espoir de l’humanité ? À l’instar des jeux vidéo, le monde réel peut-il bugger ? Autant de questions auxquelles les deux jeunes femmes vont devoir faire face pour comprendre ce qui se trame.

 

Dedale-T1-41L’un des premiers points forts de Dédale, c’est sa manière de nous faire prendre le train en marche. Pas de scène d’exposition, ni même de prologue, dès la toute première page, nous voilà en compagnie des deux jeunes femmes, plongés dans ce monde qui semble aussi anodin, qu’anormal. Et alors que l’on comprend peu à peu comment fonctionne cet univers, une multitude de références nous viennent à l’esprit. Takamichi semble avoir parfaitement assimilé un grand nombre d’idées afin de les retravailler à sa convenance et les inclure dans son récit. En vrac, Cube, Inception, The Signal, côté cinéma et Portal côté jeux vidéo, les sources d’inspiration sont multiples et le mangaka va jusqu’à rendre hommage aux fameux escaliers de Penrose de l’artiste M. C. Escher. Mais Takamichi ne se contente pas d’empiler les références, il les injecte subtilement dans son histoire qui met particulièrement en avant ses deux héroïnes. C’est là un autre point fort de Dédale. Le duo formé par Reika et Yôko s’appuie sur la dynamique du « buddy movie » avec d’un côté l’intrépide Reika qui semble taillée pour ce monde plein de bugs remettant en cause toutes les lois de la physique, et de l’autre Yôko, bien plus prudente, qui n’arrête pas de pointer du doigt l’inconscience de sa copine. Le binôme fonctionne à merveille et le fait qu’elles soient pratiquement les seules protagonistes du récit, permet une véritable proximité avec elles.

 

L’ambiance qui émane du premier tome de Dédale est assez unique. La notion d’espace et de logique d’agencement des pièces devient floue, vague. On ne parvient pas à déterminer où se situe l’action et tout comme les deux héroïnes, on se retrouve prisonnier d’un labyrinthe mettant la logique à rude épreuve. Pourtant, celles-ci ne semblent pas plus bouleversées par les événements. Certes, Yôko n’est pas ravie de la situation, mais toutes deux tentent d’avancer sans trop sourciller. Ce décalage entre leur comportement et notre incompréhension favorise l’émergence d’une atmosphère étrange et déstabilisante. Le second tome, quant à lui, a pour but d’apporter des réponses et un dénouement et il le fait assez bien, mis à part une ou deux petites facilités. Mais à force de lever le voile, le titre perd un peu trop de son mystère. On regrette presque que Takamichi nous en ai autant dit. Le titre aurait gagné à conserver sa part d’irrationnel, quitte à nous laisser en suspend sur certaines questions. Mais si tel avait été le cas, ne lui aurions-nous pas reproché de ne pas apporter toutes les réponses… ?

 

Dernier petit détour obligé par la case dessin et là encore, c’est du beau boulot. L’auteur fait preuve de beaucoup de finesse et de clarté. Le trait est épuré, réaliste et sans fioritures. Quant au découpage, il permet d’avoir une parfaite lisibilité d’un environnement pourtant incompréhensible. Léger, atypique, malin, Dédale est un trip SF d’excellente facture. Il n’est pas étonnant qu’il ait été sélectionné aux prestigieux Manga Taishô Awards 2016, le prix coup de cœur des libraires japonais. Une lecture parfaite pour débuter l’été.

 

Dédale (T. 1 & 2) de Takamichi, aux éditions Doki-Doki

Partager