On a lu… Geronimo, mémoire d’un résistant apache de Lisa Lugrin et Clément Xavier
Partez à la découverte du chef apache Geronimo, combattant jusqu’au dernier souffle. Une autre vision de l’histoire de l’Amérique.
L’histoire : la vie et l’héritage du grand chef apache comme si vous y étiez. Roman dessiné, cette biographie de celui qui se fit surnommer à sa naissance Go Khla Yeh (« celui qui bâille »), n’a rien de rasoir et c’est même plutôt le contraire d’une comptine faite pour s’endormir.
Mon avis : le mélange est franchement savoureux. Mêler BD et photographies et alterner récits d’époque et d’aujourd’hui donnent à cet ouvrage un vrai dynamisme en dépit des 400 pages. Ce gros pavé ne se lit pas forcément au coucher à moins de vouloir gonfler ses biceps. Il se lit bien. Il demande de l’attention et un peu de disponibilité d’esprit mais on y est confort. Est-ce la longueur (ou pas), mais il se consomme comme un livre. C’est-à-dire qu’on a toujours envie d’aller à la page d’après.
On a tous entendu parler un jour de ce Geronimo. Ce patronyme évoque l’enfance quand on se la jouait aux cow-boys et aux Indiens. On était aussi bien Cochise, Geronimo que Sitting bull. Mais à la prime jeunesse, on ne savait pas qui ils étaient. Bon, un peu plus grand, on n’a pas réellement enrichi nos connaissances malgré quelques vagues études d’histoire. Là, on a progressé à pas de géant. C’est aussi le rôle de la BD que de défricher des territoires peu connus. On prend une leçon de vie en pleine poire et on sort de ce livre moins bête qu’on ne l’avait commencé.
Cette biographie ne s’est pas contentée de sources autorisées. Aussi utiles que limitées. Les auteurs sont allés sur place à Apache city dans ce coin paumé de l’Oklahoma pour exhumer l’histoire de celui qui repoussa le plus longtemps possible l’impérialisme. Aussi bien gringo que mexicain. Le combat était vain mais il a été mené. Avec courage. Celui de Lugrin et Xavier n’en a pas manqué et la fin en valait les moyens. Grâce aux témoignages des descendants, grâce à la vérité du lieu, on a aussi bien du réel que de la légende. Précieux.
Geronimo a marqué l’Amérique. Son nom fut associé à la neutralisation d’Oussama ben Laden par les Navy seals en 2011 avec un nom de code éponyme. C’est bien la preuve que les États-Unis ne sont pas encore en paix avec leur histoire.
Si vous aimez : les destins de ceux qui ont voulu vivre debout et les westerns pas spaghettis.
En accompagnement : Indignez-vous de Stéphane Hessel.
Autour de la BD : couple à la ville et à la scène, Lisa Lugrin et Clément Xavier sont complémentaires et interchangeables. Ils officient aussi bien au crayon qu’au stylo. Le choix du noir et blanc colle au destin de Geronimo. On a l’impression qu’ils auraient pu coucher l’histoire du chef apache sur encore au moins 200 pages. Prix Révélation au Festival d’Angoulême pour Yékini, le roi des arènes.
Extraits : « C’est vous les Américains qui avez déclenché les hostilités. »
« Maintenant, vous tirez à vue sur les Apaches, comme le font les Mexicains. »
« J’ai riposté de toutes mes forces. Pour chaque Indien tué, j’ai abattu dix hommes blancs. »
« Mais nous sommes prêts à faire la paix. »
« À condition que nous restions sur nos terres. »
« N’imaginez pas qu’on se laissera déporter à Pétaouchnok-les-Bains, comme les autres tribus. »
Sortie : 14 septembre 2016, Delcourt, 423 pages, 27,95 €.
