
On a lu… Grant Morrison présente Batman – Tome 1
Quand on demande les oeuvres « à lire » sur Batman on lit ou entend toujours : The Dark Knight Returns, Year One ou bien encore The Killing Joke. Alors oui ces œuvres sont remarquables mais il va falloir un jour le clamer haut et fort, le run de Morrison sur Batman fait partie des plus grandes histoires du Chevalier Noir et quiconque s’intéresse un minimum au personnage se doit de le lire. En effet de par son incroyable richesse et sa refonte totale du personnage pour le faire entrer de plein pied dans le 21ème siècle, le Batman de Morrison est aussi important que les titres cités précédemment.
Quand les petits gars de chez Urban Comics reprirent le catalogue DC en début d’année 2012, ils entreprirent un travail éditorial conséquent dont un des axes fut la mise en avant des scénaristes et des dessinateurs de comics. On le constate notamment avec la sortie des anthologies. Qu’elles soient consacrées à Jack Kirby ou aux différentes œuvres de DC Comics à travers les âges, ces ouvrages sont structurés autour de textes explicatifs mettant en valeur les artistes derrière les héros. Mais on constate également cette politique avec la création de la collection DC Signatures. Une série de livres mettant en valeur les travaux d’un auteur sur un personnage précis. On peut ainsi lire les épisodes de Catwoman signé d’Ed Brubaker ou bien encore le retour d’Hal Jordan en tant que Green Lantern sous la houlette du scénariste Geoff Johns.
Il apparaît très vite que la série Grant Morrison présente Batman est le fleuron de cette collection. Cette série prévue en huit tomes est d’autant plus indispensable qu’elle effectue un énorme travail éditorial en regroupant intelligemment une vaste œuvre disséminée sur plusieurs séries qui se font écho les unes aux autres ; on peut citer notamment les séries Batman, Batman & Robin, Batman : The Return of Bruce Wayne, Batman Incorporated et même la maxi-série 52 et l’event Final Crisis écrit également par Morrison et dont certains événements sont liés à son travail sur Batman.
Ce premier tome de Grant Morrison présente Batman, intitulé L’héritage Maudit, regroupe donc les premiers épisodes de la série Batman (plus précisément les épisode 655 à 658 et 663 à 669) écrit par Grant Morrison et illustré par Andy Kubert, JH Williams III et John Van Fleet et c’est peu dire qu’après une morne période où le Dark Knight n’était plus qu’une caricature de lui-même qui s’enfonçait de plus en plus dans les clichés à son endroit, la reprise de Morrison fait un bien fou. Fermement décidé à clôturer la période « grim and gritty » (1) et à revenir à un émerveillement constant, l’écossais commence par un grand ménage dans les premiers épisodes et cela de manière littérale, puisque le volume s’ouvre sur une grande croisade de Batman contre le crime qui voit le justicier mettre sous les barreaux tous ses ennemis habituels. La conclusion de cette croisade voit d’ailleurs le justicier rompre son serment et abattre le Joker d’un coup d’arme à feu. Pas le temps d’être surpris, il s’agit en fait d’un flic devenu fou et décidé à imiter Batman.
C’est la première étape d’une déconstruction/reconstruction du personnage qui passe par la confrontation de celui-ci avec ses différents avatars. Cela passe par les retrouvailles avec les membres du Club des Héros (des justiciers de différents pays ayant pris Batman pour modèle), par la remise au premier plan de Bruce Wayne mais surtout par l’apparition d’un nouveau personnage : Damian Wayne le fils de Bruce et Talia al Ghul. Ce qui peut sembler au premier abord comme une idée destinée à booster les ventes (Morrison a souvent su mêler savamment coup de comm’ et démarche créatrice), se révèle être un des plus grands apports pour le personnage depuis longtemps : quoi de plus fort pour se redéfinir qu’un rapport avec sa propre filiation ? Bruce Wayne va donc devoir gérer un gamin d’une dizaine d’années formé depuis sa naissance par la terrible Ligue des assassins et se cherchant lui-même entre l’héritage maléfique de sa mère et celui, super-héroïque, de son père. Cela ne se fera pas sans heurt comme vous pouvez vous en douter.
Pour l’assister dans ce travail de refonte aussi bien sur le personnage que sur l’oeuvre en elle-même (on y reviendra dans l’article consacré au tome 2), Morrison est donc aidé par trois dessinateurs excellents. A la différence de son run sur les X-men qui péchait par une valse de dessinateurs allant du magnifique au médiocre, le run de Morrison est d’une haute qualité graphique. Kubert déploie tout son talent pour iconiser Batman et cela à travers les âges (le magnifique épisode 666) et pour offrir de superbes épisodes. On se souviendra longtemps de la bataille dans la galerie d’art qui joue sur plusieurs niveaux de lecture grâce à l’utilisation des œuvres exposées dans la galerie ou bien encore de la première apparition de Damian Wayne. Quand à JH Williams III (dont le Batwoman est une lecture indispensable) son travail est tout simplement remarquable.
Dessinateur de l’arc Le Club des Héros, Williams joue savamment de ce concept pour changer de style au gré des époques et des personnages, rendant ainsi hommage à différents dessinateurs ayant marqué de leur empreinte la vie du justicier de Gotham City. Enfin John Van Fleet nous offre un Joker incroyable et terrifiant comme on l’a rarement vu dans le déstabilisant épisode 663, un épisode tout en prose qui nous dévoile ici aussi la reconstruction d’un Joker bien décidé à reprendre sa place de némésis ultime.
On aurait encore beaucoup à dire sur le travail de Morrison sur Batman : son discours sur l’art, son plaisir à faire des jeux de miroirs, son talent pour nous jeter à la figure des tonnes d’informations essentielles et capitales sans que cela ne se voit… Mais d’une part on va en garder sous le coude pour les prochains tomes, et d’autre part on ne saurait trop vous conseiller de vous jeter dessus et de découvrir un ouvrage qui opère une habile refonte de tous ses avatars dans la joie et le plaisir de l’aventure avec un grand A. Une oeuvre qui peut trôner sans honte à coté des BD de Frank Miller ou d’Alan Moore sur votre étagère.
(1) : Courant né notamment après la parution de Watchmen et The Dark Knight Returns et qui vit l’apparition de personnages beaucoup plus violent et le basculement de héros connus dans un environnement plus sombre.
Grant Morrison présente Batman – Tome 1 : L’héritage Maudit (Urban Comics, DC)
Ecrit par Grant Morrison
Dessiné par Andy Kubert, JH Williams III et illustré par John Van Fleet
Bonjour,
Article très intéressant qui m’a donné envie d’investir dans cette collection.
Vous parlez de « 52 » dans cet article, existe-t-il une anthologie en VF ?
Hello Bob
A ma connaissance la série 52 n’a pas fait l’objet de recueil en France. Par contre les numéros sont trouvable assez facilement et pour pas cher sur le marché de l’occasion
J’ai effectivement découvert « 52 » lors de leur parution, gérée à l’époque par Panini, et j’ai déjà tous les numéros. C’était une question de collectionneur de TPB.