
On a lu… Green Arrow de Jeff Lemire et Andrea Sorrentino
Son scénariste sera un des invités du Paris Comics Expo au mois de novembre, le super-héros est sous les feux médiatiques avec sa série télévisée et le comic-book est d’une grande qualité. Il n’en fallait pas plus pour qu’on revienne sur Green Arrow par le tandem Jeff Lemire/Andrea Sorrentino.
Il vient d’entamer sa troisième saison à la télévision et a même permit le lancement d’un spin-off avec le personnage de Flash, c’est peu dire si l’archer vert est dorénavant un personnage qui compte en dehors du cercle des amateurs de bandes dessinées de super-héros. Toutefois, et malgré ses qualités, on ne peut s’empêcher de ressentir une pointe de regret en regardant le traitement du personnage sur le petit écran. Longtemps figure contestataire et populaire, Oliver Queen est ici présenté comme un milliardaire qui lutte pour la justice. Certes, cette version fait écho aux premières années du personnage et il est clair que l’évolution est nécessaire aux figures super-héroïques afin qu’elles puissent traverser les époques mais on ne peut s’empêcher de voir dans cette version une sorte d’ersatz de Batman diffusée sur la chaîne d’un groupe qui désire que ce dernier soit réservé au cinéma. N’y aurait-il donc pas une nouvelle voie entre le héros gauchiste et le play-boy milliardaire clone de Bruce Wayne ? A cette question Jeff Lemire donne une réponse pour le moins passionnante.
Green Arrow fut un des personnages qui subit le plus de modification lors du relaunch de DC Comics en septembre 2011. Exit le quadragénaire barbu et bienvenue à une version plus jeune de l’archer vert. Écrit par Jeffrey T.Krul la série fut rapidement confiée à Keith Giffen puis Ann Nocenti qui tentèrent vainement de remonter la barre. Disons le clairement cette série produisit de très mauvais épisodes et on ne donnait pas forcément cher de la peau de l’archer vert mais un événement allé permettre à la série de perdurer. Il faut dire qu’entre-temps la série télévisée avait débutée sur The CW et que surtout les retours furent extrêmement bons. Difficile alors de ne pas garder la BD dans les rayons mais il fallait tout de même donner un nouvel élan au personnage.
Décrit par Geoff Johns comme désireux de faire partie de la célèbre Justice League au coté de Batman ou Superman, Green Arrow va devenir un des personnages de la nouvelle série lancée par DC en avril 2013 : Justice League of America. Dans le même temps sa série régulière est confiée à Jeff Lemire et Andrea Sorrentino et si ces deux là ne procède pas à une relance du titre avec numéro 1 à l’appuie, il procède à un droit d’inventaire explosif et radical qui nous fait très vite prendre conscience qu’on est bien dans une nouvelle série et qu’on peut bazarder sans remords les seize épisodes précédents. Urban Comics l’a d’ailleurs très bien compris en zappant ceux-ci et en publiant la série au moment où Lemire fait tout péter.
Oliver Queen est l’héritier d’une fortune colossale qu’il utilise pour financer la croisade de son alter ego : le justicier masqué Green Arrow. Mais tout ceci vole en éclats le jour où l’assassin Komodo s’en prend à ses plus proches alliés et lui révèlent les secrets sur la disparition de son père.
Ce qui est frappant quand on parcourt avec délectation les pages de Green Arrow c’est de voir à quel point jeff Lemire arrive à jouer des contraintes de l’éditeur pour en faire une force motrice de la série. DC veut que le personnage se rapproche de sa version télévisuelle ? Soit mais Lemire le fait à sa sauce et plutôt que de prendre appuie sur la mythologie du petit écran il va directement puiser à la même source à savoir Green Arrow : Année Un d’Andy Diggle et Jock. De plus si le personnage ne peut revenir à sa version la plus appréciée des lecteurs, Lemire va proposer un compromis qui permettra également aux nouveaux lecteurs de prendre l’aventure en route : tout détruire pour mieux reconstruire.
Dès les premières pages donc Oliver Queen voit sa société rachetée et son immeuble détruit. Un de ses amis meurt sous la main d’un ennemi redoutable, archer également, qui semble être bien plus fort que notre héros et connaître beaucoup de chose sur lui. Green Arrow se retrouve donc à la rue et avec le strict minimum pour se défendre. Une sorte de retour aux sources en quelques sortes comme lorsqu’il devait survivre sur l »ile. Après cette destruction fracassante, Lemire va peu à peu reconstruire son personnage autour d’une nouvelle mythologie, de l’île et d’un paquet de révélation donnant un éclairage nouveau au passé d’Oliver. Il s’appuie d’ailleurs sur le bestiaire passé du comic-book qu’il va réinterpréter pour les besoins de son histoire.
Mais Jeff Lemire n’est pas le seul responsable de la qualité de la série. L’autre partie indispensable, c’est bien sur Andrea Sorrentino et son dessin magnifique rappelant par certains aspects celui de Frank Miller sur Daredevil (série a laquelle on pense souvent en lisant Green Arrow). Conscient de raconter le périple mortel d’un héros physique et acrobate, Sorrentino travail énormément la décomposition des mouvements au sein d’une même page. De même on appréciera sa manière de nous faire focaliser le regard sur un détail en produisant des « mini-cases » au sein d’une plus grande. Citons enfin la façon qu’il a de travailler ses différents niveaux de champs. Tout cela concours à créer une véritable vitesse à la série et aux nombreuses scènes d’actions.
Cette vitesse se ressent également dans la mise en place des histoires de Lemire. En étudiant son run on se rend compte que celui-ci arrive à composer un fil rouge qui coure sur toute la série tout en la balisant soigneusement avec des arcs narratif plus court afin de ne jamais sentir la lassitude. Ce schéma se retrouve même au sein de chaque épisode, brillamment rythmé et se concluant non seulement sur un cliffhangher qui donne envie de lire la suite mais également sur des ouvertures qui nous plonge dans le bain tout en résumant en quelques cases la situation. Lemire fait sien un des préceptes de Stan Lee : « chaque comic-book peut être le premier pour quelqu’un ».
Green Arrow arrive également à nous passionner par sa gestion de ses mystères et la création d’une mythologie basée sur des confréries de guerriers affiliées à différents type d’arme (lance, flèche, bouclier, hache etc etc). Lemire réinterprète alors l’histoire de l’île pour l’inclure en tant qu’acte volontaire et nécessaire dans la vie d’Oliver. Dépouillé de tout, ce dernier va peu à peu se découvrir une nouvelle famille, apprendre la vérité sur son passé et va devoir assumer un nouvel héritage. Bien que tout cela puisse sembler très classique, il n’en reste pas moins que les auteurs sont suffisamment compétent pour qu’on reste surpris lorsque les révélations tombent.
Avantage de la publication française, la lecture de Green Arrow dans les pages de Justice Leage Saga permit de voir à quel point la série est déconnectée des grands chambardements de l’éditeur et fait tranquillement son petit bonhomme de chemin. Mieux ! Lemire et Sorrentino arrivent à retourner à leur avantage les mois spéciaux de DC pour les inclurent parfaitement au sein de leur run. Ainsi le mois spécial vilain fut l’occasion pour les auteurs d’approfondir le personnage du Comte Vertigo qui venait de faire sa réapparition dans la série. Beaucoup moins forcée que d’autres numéros spéciaux, cet épisode s’inscrit dans la droite lignée de l’histoire de la série.
Malheureusement tout a une fin et les auteurs tirent leurs révérences avec le numéro 34 publié ce mois-ci aux États-Unis. Dès le numéro suivant c’est Andrew Kreisberg et Ben Sokolowski respectivement créateur et scénariste de la série télé Arrow qui reprennent le flambeau. S’il ne faut juger de rien on n’espère pas retrouver la même qualité. Pendant ce temps là Jeff Lemire va aller s’occuper de la destinée d’un autre archer à savoir Hawkeye chez Marvel en compagnie du talentueux Ramon Pérez (le grandiose Tale of Sand). Après le très beau mais au final très soporifique run de Matt Fraction et David Aja, on a vraiment hâte de voir les deux compères à rendre un peu de panache à l’œil de faucon.
Green Arrow – Tome 1 : Machine à tuer (DC Renaissance, Urban Comics, DC Comics) comprend les épisodes US de Green Arrow #17 à #24 et #23.1
Ecrit par Jeff Lemire
Dessiné par Andrea Sorrentino
Prix : 19,00 €
Green Arrow – Tome 2 : La guerre des outsiders (DC Renaissance, Urban Comics, DC Comics) comprend les épisodes US de Green Arrow #25 à #31
Ecrit par Jeff Lemire
Dessiné par Andrea Sorrentino
Prix : 17,50 €
- Tome 1 : Machine à tuer
- 1ère rencontre avec Batman dans le cadre de Zero Year
- Green Arrow – Tome 2 : La guerre des outsiders
- Green Arrow #27
- Jeff Lemire
- Comment résumé les épisodes précédents en une superbe page
- Green Arrow #17