
On a lu… Superman Anthologie
Urban Comics continue dans sa lancée et profite de la sortie de Man of Steel de Zack Snyder pour éditer un tas d’ouvrages sur le premier des super-héros. Pierre angulaire de cette politique éditoriale, voici que débarque l’anthologie Superman et le moins que l’on puisse dire c’est que la bête en a dans le ventre.
On pourrait dire que c’est un super-paradoxe si on avait de l’humour à deux balles à revendre (ce dont je ne suis pas pourvu, je vous interdis de dire cela vils mécréants) : Le premier et le plus célèbre des super-héros se paye une très mauvaise réputation en France. Le temps ne fait rien à l’affaire, depuis des dizaines d’années Superman a la particularité d’être autant la cible de personne éloignées du monde des comics qui le taxent d’icône de l’impérialisme américain, que d’amateurs de super-slips qui voient en lui un personnage totalement insipide. On peut alors légitimement se demander si toutes ces personnes ont pris un jour le temps de lire ses histoires.
Heureusement Urban Comics comble cette lacune avec une anthologie de toute beauté comme on est dorénavant habitué, avec son lot de textes présentant les différents auteurs et situant le personnage dans le contexte de l’époque. C’est surtout par sa sélection d’épisode que cette anthologie s’impose comme un incontournable tant celle-ci couvre tout les aspects de l’homme d’acier allant du plus connu au plus inattendu.
Ainsi la première partie, Le défenseur des opprimés, nous propose des récits allant de 1938 à 1950. A la lecture de ceux-ci on prend rapidement conscience qu’avant d’être le super-héros surpuissant capable de combattre les monstres les plus terribles, Superman est d’abord un progressiste qui défend les classes les plus démunies. Le premier épisode nous le montre défendant une femme battue tandis que Quel homme est donc Superman ? (Superman #17) le voit mettre fin aux agissements d’un dérailleur de train. Cet épisode est également l’occasion de voir une Loïs Lane bien éloignée de la cruche qu’on a tendance à imaginer. En phase avec son époque elle apparaît comme une femme indépendante et intrépide cherchant à découvrir si Superman est Clark Kent dans un but professionnel et non amoureux.
L’ouvrage montre aussi à quel point la mythologie de Superman s’est construite avec les différents médias qui sont nés avec lui tel que la radio, le cinéma et la télévision, et l’évolution vers la stature quasiment divine du personnage est très bien montrée. On arrive à la deuxième partie du recueil couvrant les années 1950 à 1970 : Etrange visiteur. Un chapitre qui va mettre en avant une période où la science-fiction, dans tout ce qu’elle a de plus optimiste, est le credo de la série. Elle peut nous sembler bien désuète aujourd’hui mais elle est le reflet d’une époque où tout semblait permis et l’Homme d’Acier était le représentant de ce mouvement comme l’a bien montré Darwyn Cooke dans New Frontier.
On savoure les exploits de Superman face à un de ses ennemis récurrents, Brainiac, qui miniaturise des villes et les met en bouteille telle que la ville de Kandor, l’ancienne capitale de Krypton. L’héritage Kryptonien de Superman est d’ailleurs beaucoup mis en avant afin d’accentuer le caractère dramatique du personnage qui est le dernier de sa race. Ainsi l’épisode Retour sur Krypton dans lequel Superman se retrouve sur sa planète natale et retrouve ses parents nouvellement mariés, est une merveilleuse histoire s’inscrivant dans le registre de la science-fiction, tout en n’hésitant pas à se conclure dramatiquement pour notre héros, ce dernier quittant la planète et une femme qu’il aime alors que l’inéluctable destruction approche.
1970-1986 : Plus haut, plus loin compile des épisodes d’un Superman qu’on sent déjà plus contemporain de notre époque et pour cause. Cette période signe un renouveau initié par l’éditeur Julius Schwartz qui va diminuer les pouvoirs de Superman et faire de Clark Kent un reporter pour la télévision. C’est également l’arrivée de Jack Kirby sur la série Jimmy Olsen et la création des News Gods et du terrible Darkseid, c’est la refonte d’un personnage comme Brainiac, c’est le grandiose Superman contre Muhammad Ali de Dennis O’Neil et Neil Adams et c’est bien sur Superman, the movie de Richard Donner. Un chef d’oeuvre cinématographique qui va redéfinir l’univers de l’homme d’acier en le faisant rentrer de plein fouet dans une Amérique post Vietnam et Watergate où les humains sont en demande de héros. Néanmoins c’est aussi l’époque de la contestation et des interrogations comme nous le montre l’épisode Superman est-il nécessaire ?
Ecrit par le jeune Elliot S. Maggin, cet épisode est représentatif de cette vague de nouveaux auteurs ayant grandi avec les super-héros et n’hésitant pas à les pousser en dehors de leur cadre. Il est ainsi reproché à Superman, ce boy-scout toujours prompt à aider les gens, de ne pas laisser les humains se sauver eux-mêmes au risque de leur faire perdre tout sentiment d’initiative et de responsabilité. Après un court récit de Frank Miller et un texte du regretté Ray Bradbury on passe à la quatrième partie intitulée L’homme d’acier : C’est peu dire que les récits qui composent ce chapitre font honneur à ce titre. Entre un John Byrne qui fait opposer Superman à Mr Mxyzptlk et un Alex Ross qui le magnifie au travers de son amitié avec Batman, le dernier enfant de Krypton nous montre à quel point il est le plus grand de tous les héros.
C’est pourtant le récit de Joe Kelly qui ressort de cette partie voire même de l’ensemble de l’ouvrage. Qu’est ce que la vérité, la justice et l’idéal humain ont de si drôle ? Telle est la question qui nous est posée dans cet épisode qui justifie à lui seul l’achat de cette anthologie. Publié en mars 2001 dans Action Comics #775, ce récit s’inscrit dans un contexte où les super-héros sont devenus plus violents, interventionnistes, sadiques et vengeurs. Les reproches de boy-scout insipide attribués à Superman découlent de ce contexte qui semble plaire à nombre de gens et de lecteurs qui oublient pourtant l’essentiel. Joe Kelly va se charger de leur rappeler dans une histoire qui voit Superman combattre l’Elite, un décalque de groupe de super-héros tel que ceux vus dans The Autorithy de Warren Ellis. D’une noblesse rare, cet épisode nous rappelle à quel point Superman est et doit rester une icône positive parce qu’il n’y a rien de plus facile et de plus lâche que d’emprunter la voie de la haine et la raison du plus fort. Qu’est ce que la vérité, la justice et l’idéal humain ont de si drôle ? est clairement l’épisode à faire lire à tous les détracteurs du plus grand des super-héros pour qu’ils prennent conscience de la noblesse d’un personnage qui préfèrera mourir plutôt que de renoncer à ses principes.
Enfin alors qu’on digère à peine ce monument et qu’on croit qu’il n’y aura rien de mieux, voilà qu’on nous assène avec plaisir un deuxième coup avec le dernier épisode de l’anthologie : Le garçon qui vola la cape de Superman. Ecrit par Grant Morrison et dessinée par Ben Oliver, ce récit raconte la première aventure de celui qui n’est pas encore Superman et qui va sauver un petit garçon qui désire protéger sa mère d’un beau-père violent. Superman redevient le défenseur d’une femme battue et la boucle est bouclée pour une anthologie remarquable en tout point et qui est à mettre entre toutes les mains de ceux qui pensent encore que Superman est une icône du passé alors qu’il n’est rien de moins que l’homme de demain.
Excellente critique, Jerôme, et je vous recommande, si vous ne le connaissez pas, un livre épatant récemment publié aux USA : « Superman is Jewish ? » par Harry Brod. Il ne parle pas seulement de Superman mais de toute la tradition culturelle juive dans le comic-book américain (et français : il est question de Sfar à la fin). Et ça jette un regard intéressant sur les différentes « époques » présentées dans l’anthologie Superman…
https://www.jewishjournal.com/books/article/superman_is_jewish_people_of_the_comic_book
question: l’ouvrage est-il conseillé pour qqun n’ayant pas l’habitude de lire des comics (sauf Buffy^^), mais ayant toujours aimé le perso de Superman??
L’ouvrage est à conseiller à tout le monde ! Plus sérieusement, n’hésite pas à le prendre. Outre la qualité des récits, Urban soigne son éditorial. Je ne m’y suis pas attardé mais chaque partie et chaque histoire est introduit par des textes qui présentent les auteurs et l’univers et qui replace l’histoire dans son contexte historique et artistique. Un gros travail éditorial afin qu’une personne n’ayant jamais lu de comics ne soit pas perdue.
Martin : Merci beaucoup pour votre message et le conseil de lecture je vais le mettre dans ma liste de course
Jérôme: merci pour ta réponse aussi complète que rapide!
Je compte bien me le faire offrir d’ici peu!
Jolie incitation.Ca donne envie de tutoyer de nouveau le Kal-El.