On a lu… L’art Invisible de Scott McCloud

On a lu… L’art Invisible de Scott McCloud

Note de l'auteur

L’art Invisible – Scott McCloud

Il existe des documentaires pour parler de cinéma et des livres théoriques pour parler des livres, mais il n’y avait pas de BD théoriques sur la bande dessinée… pourtant, quoi de plus logique qu’utiliser le média qu’on veut décrypter comme support d’analyse et de vulgarisation ? C’est peut-être le raisonnement qu’a fait un beau jour Scott McCloud et qui l’a conduit à dessiner en 1993 L’art Invisible.

 

Dessinateur américain, Scott McCloud est tombé dans la marmite de potion magique quand il était adolescent grâce à son ami Kurt Busiek, et s’il est l’auteur de la série Zot !, Mc Cloud est connu avant tout pour son engagement dans la reconnaissance des droits des auteurs face aux grandes sociétés d’éditions, ainsi que pour être un théoricien de ce merveilleux et mystérieux art qu’est la bande dessinée. Il bouillonne d’idées et de théories le Scott, il en parle avec passion et la défend en tant qu’art majeur capable de véhiculer des idées et des émotions via des techniques qui lui sont propres.

 

Bien sûr, il existait déjà des ouvrages analytiques sur la bande dessinée, on pense notamment à La bande dessinée, art séquentiel du grand Will Eisner, mais l’idée de raconter les spécificités de cet art à travers une BD est somme toute géniale. Même si les arguments avancés par McCloud ne sont pas forcément nouveaux, la forme que prend son analyse et la clarté de son propos, font de L’art Invisible un ouvrage de vulgarisation incroyable. Adhérant à l’idée que plus la notion est compliquée, plus l’explication doit être simple, McCloud va construire son ouvrage de manière extrêmement didactique avec un dessin très basique et clair. Les connaisseurs pourraient reprocher une certaine lourdeur dans le propos mais ce serait oublier que l’ouvrage s’adresse aussi à des néophytes. De plus, cette simplicité sert de fondation solide afin de développer des idées bien plus complexes dans la suite de la BD.

 

Ceci n’est pas une pipe

Bien qu’il aborde l’histoire de cet art (en faisant remonter sa naissance bien plus loin que ce que l’on pourrait croire), McCloud s’attarde avant tout sur les spécificités de son art. Après avoir proposé une définition tout à fait convenable et proposé son cadre d’analyse, il va nous plonger dans les secrets de la planche à dessins non sans un certain humour. Sa démonstration basée sur La trahison de l’image de Magritte ouvrant le chapitre Vocabulaire de la bande dessinée est à ce titre incroyablement drôle et malicieusement pertinente.

 

Une bd n’est pas un story-board, on aura beau le clamer des centaines de milliers de fois qu’il y a aura toujours des résistant pour penser que Watchmen de Snyder est la meilleure adaptation du monde parce que les plans sont la copie conforme des cases de la bd. La lecture de L’art Invisible est probablement la meilleure des choses à faire pour se convaincre que la bande dessinée est quelque chose de plus subtile que la simple alternance d’image. A ce titre le deuxième chapitre nous éclaire quand au fait que le meilleur peintre et le meilleur romancier du monde ne pourraient produire la plus fabuleuse bd de tous les temps.

 

La magie du « caniveau »

Avec une érudition et une culture qui forcent le respect, McCloud va nous initier aux mystères du traitement du mouvement et du temps dans la BD, ainsi que du rôle de notre cerveau et des mécanismes qui nous font faire le lien entre deux cases. Grâce à son étude des bd des différents pays (on passe aisément d’un comics de Jack Kirby à un dessin d’Hergé pour ensuite étudier une planche de Tezuka), Mc Cloud met en évidence les points communs entre certaines cultures, mais également les différences quasiment fondamentales et culturelles entre le manga et le reste de la production.

 

Si la lecture en une traite du livre peut vite paraître indigeste tant les notions, les théories et les démonstrations se succèdent sans qu’on prenne le temps de les digérer, L’Art Invisible reste une bande dessinée quasiment indispensable pour tout amateur du genre et d’une richesse inouïe pour n’importe qui désireux d’apprendre. Au même titre que les entretiens d’Alfred Hitchcock et François Truffaut nous apprennent les mécanismes du cinéma, L’Art Invisible nous apprend avec facilité ce qui fait la richesse de la bande dessinée.

 

 

 

L’art Invisible (Contrebande, Delcourt, Tundra Publishing

Ecrit et dessiné par Scott McCloud

 

 

Merci à Manolito Bannakaffalatta

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