
On a lu… Miracleman (T.4) de Neil Gaiman et Mark Buckingham
Il y a un an, Jérôme Tournadre vous parlait de cette œuvre-phare qu’est Miracleman tome 3, avec Alan Moore à ses manettes. Ici, nous allons vous parler de sa suite, mais aux commandes, voilà Neil Gaiman.
Londres a été détruite. Des monceaux de cadavres, des visions plus cauchemardesques les unes que les autres, la torture appliquée à toute une ville. C’est sur ce lieu, représentation de son échec, que Miracleman a décidé de créer son palais. Mais comment vivre dans un monde aussi terrible et terrorisant ?
Nous voilà, des mois, des années après les événements relatés par Alan Moore. Le monde a changé. Miracleman est désormais le Dieu de ce nouvel univers. Et Neil Gaiman décide de montrer ces évolutions bien loin de l’Olympe, mais près des hommes, dans cette série d’histoires courtes. Il existe un fil conducteur, certains personnages traversent les récits, de héros à secondaires. Car dans ce kaléidoscope seul compte l’échec.
Nous sommes bien dans une histoire gaimanesque, proche de son travail sur Sandman. En effet, nous sommes en 1990, l’auteur anglais vient de commencer Sandman un an auparavant. Sauf qu’il ne s’agit pas de parler des Dieux, mais de leurs effets sur les humains et de leurs espoirs. Surtout de ceux qui sont déçus, les décalés de ce monde nouveau. Récit passionnant, sur la peur de la part du rêve, de l’importance des souhaits et des songes. Comment ne pas voir dans la première histoire, Miracleman comme un Sandman, donnant réalité à des vœux mais pas en fonction de leur importance a priori ? La question n’est pas de comprendre Miracleman, mais de comprendre sa réelle non-humanité, en quelques histoires à peine. Ce super-héros peut-il seulement rendre tout le monde heureux ? Est-ce une fin en soi ? Et que dire des expériences menées dans les bas-fonds d’une Londres détruite ?
Gaiman a pris le héros de Moore et en a fait le sien. Les cauchemars de la capitale anglaise deviennent un enfer personnel, à base de visages dont il ne reste que la peau, d’orbites vides et de messages cryptiques. Cauchemar semblable à l’enfer de Lucifer. Le lecteur devient ce personnage sur lequel il écrit, totalement déboussolé dans ce monde nouveau. Homme, femme, mère. Et nous avec lui. Un monde parfait existe-t-il vraiment ? Ces questionnements et effet historique, ces créatures qui disparaissent et apparaissent, ces êtres perdus seront bien visibles dans d’autres de ses ouvrages.
Dire que cet ouvrage était attendu est vraiment un euphémisme. Suite à une histoire complexe, les droits de l’œuvre ne furent récupérés par Marvel qu’en 2009, permettant actuellement sa republication et l’espoir que Gaiman puisse continuer/reprendre son cycle sur Miracleman. Alors, non, ce n’est pas grave si vous n’avez pas lu les deux ouvrages précédents. Ni qu’il n’y ait pas vraiment de fin. Nous sommes ici dans un univers post-apocalyptique, où les Dieux veulent le bonheur des hommes en pensant que tous ont le même. Sexe, espoir et torture, dans des dessins très crus, qui respectent l’univers d‘Alan Moore, avec une autre patte. Une pépite, à visage humain. Ou comment comprendre un monde dont nous ne sommes plus les chefs ?
(oui, oui, un jour je ferai un dossier Neil Gaiman, promis)
Sortie le 02 mai 2016 du quatrième tome contenant les premiers épisodes de Neil Gaiman. Editions Panini. 160 pages. 18 €