
On a lu… No Guns Life (T. 1) de Tasuku Karasuma
Après la SF spleenesque et planante de Dead Dead Demon’s Dededede-destruction, l’éditeur Kana dégaine un second titre atypique, apportant un incroyable vent de fraîcheur dans son catalogue. Il faut dire qu’avec la fin prochaine du méga hit Naruto, l’éditeur doit miser sur de nouveaux poulains et pour l’instant, il semble avoir mis la main sur des graines de champions. Au programme, de la SF, du polar, des humains tunés et des gros flingues… Enfin, UN gros flingue, No Guns Life fait une entrée remarquée sur le marché. Bang ! Bang !
Dans un futur indéfini, la Grande Guerre a eu d’importantes conséquences sur le monde. Elle a notamment vu l’émergence de l’énorme multinationale Berühren, grâce aux nombreuses commandes d’armes, mais le conflit a également engendré l’existence d’êtres modifiés, auxquels on a implanté des extensions corporelles robotisées. Ils sont appelés Extends et se retrouvent à tous les niveaux de la société. Jûzô Inui est un Over-Extend, un prototype cuirassé de première génération, aussi appelé Gun Slave Unit. Avec sa gueule de gros flingue, il rentre directement parmi les personnages les plus nawak, charismatiques et badass qu’on ait vu ses dernières années dans le manga. Son taff ? Il est processeur, une sorte de vigile musclé chargé de régler les problèmes liés aux Extends. Protection, filature, médiation avec la mafia locale, Jûzô est l’homme de toutes les situations. Il va se retrouver sur une affaire de grande ampleur impliquant la diabolique multinationale et un jeune Extend doté d’une toute nouvelle technologie appelée Harmony. Ce premier tome est riche en contenu et nous offre une entrée en matière convaincante dans laquelle la SF se mâtine de polar noir. L’effet se voit notamment renforcé avec les apartés et réflexions de Jûzô, tels des confidences aux lecteurs.
En un tome, le mangaka pose solidement les bases de son univers ainsi que son ton, plutôt sérieux, mais qui sait faire preuve de pointes d’humour. En fait, cette première incursion pourrait presque se suffire à elle-même, proposant un récit avec un début, un milieu et une conclusion. À ce titre, cette introduction est plus que satisfaisante et généreuse en nous offrant une sorte de super-prologue. L’occasion de présenter les acteurs majeurs du titre et d’ériger Jûzô en héros aussi improbable qu’indispensable. À ses côtés, sur l’échiquier, on retrouve le jeune Tetsuro, objet de toutes les convoitises et Berühren, prêt à tout pour remettre la main sur leur jouet, mais également la mafia qui compte bien protéger son territoire, pour une partie des plus explosives. En pleine réflexion transhumaniste, No Guns Life s’interroge sur la frontière entre objet et sujet, dans un monde où les Extends sont de plus en plus nombreux. À partir de quel moment l’humain ne devient plus qu’une arme, un simple outil que l’on manipule à sa guise ? C’est ce questionnement qui parcourt tout le tome, tout en posant les bases pour un récit d’envergure à venir. Pour mettre en images son propos, Tasuku Karasuma fait preuve d’une grande maîtrise graphique. Le trait extrêmement vif et détaillé rappelle celui de Tomohiro Shimoguchi sur la suite des aventures d’Ultraman. Le dessin fouillé multiplie les angles de vue et met en scène des personnages plus barrés et charismatiques les uns que les autres. Bref, visuellement, le lecteur s’en prend plein la tronche et ce n’est pas pour lui déplaire. Ce premier tome proposé dans la collection Big Kana a tout du bon gros seinen. Racé, adulte, badass et savamment mis en page, No Guns Life envoie du lourd et promet un titre des plus intéressants. Du gros calibre, en somme.
No Guns Life (T. 1) de Tasuku Karasuma, aux éditions Kana