On a lu… Off Road de Sean Gordon Murphy

On a lu… Off Road de Sean Gordon Murphy

Note de l'auteur

Off Road

Alors que son Punk Rock Jesus s’installe confortablement dans le top 5 des meilleurs comics de l’année, Sean Murphy voit également sa première oeuvre éditée chez nous. Récit doux et amer d’une époque que beaucoup d’entre nous ont connu, Off Road nous donne également l’occasion de découvrir un jeune Murphy dont le talent allait nous exploser à la tronche quelques années après.

 

Dans les années 90, Sean Murphy c’était ce personnage de gardien de prison dans la série Oz qui retenait l’attention parce qu’il n’était pas un ripou, qu’il est la plupart du temps bon et honnête et qu’il n’a pas été sodomisé par Adebisi mais depuis quelques années quand on dit Sean Murphy on pense à ce putain de dessinateur américain dont le seul nom provoque ceci :

 

 

 

Philip J.Fry – Philosophe

 

 

Né en 1980 dans le New Hampshire et abreuvé des oeuvres d’Otomo, Mignola, Buscema, Zaffino, Toppi et bien d’autres, Sean Murphy débarque dans le comics durant les années 2000 en faisant des couvertures, des dessins (pour la série Crush par exemple) et de l’encrage (le comic adapté de Shaun of the Dead). Il se tailla peu à peu une bonne réputation et s’envola vers les sommets avec son arrivée chez Vertigo. Là il dessinera notamment des épisodes de la série Hellblazer (245 et 246 ainsi que la mini-série City of demons), l’excellent Joe The Barbarian écrit par Grant Morrison, la mini-série American Vampire : Survival Of The Fittest jusqu’au fameux Punk Rock Jesus.

 

Ces derniers titres sont tous disponibles chez Urban Comics et il semblerait que les petits gars de chez cet éditeur considèrent Sean Murphy comme leur chouchou, et cela à juste titre. On comprendra d’autant mieux la sortie de la première création personnelle de Murphy ce mois-ci tant elle permet d’aborder son oeuvre par les deux extrémités. Comme le souligne l’éditeur, en proposant Off Road le même mois que Punk Rock Jesus nous avons l’alpha et l’omega de l’oeuvre de Murphy

Trent vient de se faire plaquer par sa copine, Brad est un brave gars, dont le père lui mène la vie dure et Greg ne sait pas quoi faire de sa vie malgré sa fortune familiale… En excursion sur la route, ils se confrontent aux caprices de la malchance et de mère nature. Leur Jeep les lâche, et les voilà pris dans un piège infernal…

 

Off Road

Dans l’avant propos que Murphy a écrit spécialement pour nous les mangeurs d’escargots, le dessinateur et scénariste nous explique qu‘Off Road est un récit qu’un de ses amis lui conseilla de mettre au monde, avant son idée d’un clone de Jésus devenu une rock-star. Bien lui en a pris car même si on y perçoit des petites erreurs, et surtout une volonté de (trop ?) bien faire inhérente aux œuvres de jeunesse, ce road-movie est un bon récit et une agréable histoire. Sans tirer de conclusions hâtives, on pourrait penser que s’il n’avait pas réalisé Off Road à cette époque, Sean Murphy n’aurait peut-être pas pu concevoir ses œuvres telles qu’elles sont maintenant.

 

Le talent de Murphy, ce pour quoi on l’aime tant aujourd’hui, est déjà là. On le retrouve dans la vivacité des dessins, dans ces cases travaillées, dans cette manière de donner un rythme fou à son histoire, et dans la façon qu’il a de croquer ses personnages pour aller au plus simple et au plus important.

 

Cet artiste rigoureux, réfléchi et engagé nous offre là une belle histoire d’amitié, de copains, de filles et de folie qui nous parle de cette époque très particulière située entre la fin de l’adolescence et l’âge adulte. Cette période souvent douce et amère où tu n’est plus un gamin, un lycéen ou un étudiant, mais où tu n’es pas encore engagé pleinement dans la vie retenue en cela par quelque poids difficiles à enlever.

 

Off Road

Ce n’est au final pas si anodin qu’un monstre tout terrain se retrouve bloqué dans une rivière entre deux rives durant la majorité de l’histoire. Belle métaphore de la difficulté à franchir ce passage, Off Road peut se voir comme un rite que Trent (alter ego de l’auteur) doit accomplir pour continuer sereinement dans la vie. Les différentes rencontres des protagonistes et les épreuves auxquelles ils devront faire face, sont alors une manifestation de la volonté de Trent à vouloir rester figé dans un environnement qu’il connaît et le rassure, mais qui le détruit aussi. C’est d’une belle et touchante manière que Murphy nous raconte ce moment où l’adolescent se confronte à l’adulte en devenir via les décisions qu’il prend, et qui le façonneront pour le reste de sa vie.

 

D’Off Road à Punk Road Jesus, en passant par American Vampire ou Joe, et en attendant The Wake et ses quelques planches sur Batman Black & White, Urban Comics nous gâte donc avec cette mise en avant d’un dessinateur aussi talentueux, qu’on espère encore lire pendant des années et des années. La Jeep avait franchi la rivière et un vaste univers s’est alors ouvert à toi Sean, merci de nous en faire profiter aujourd’hui et pour longtemps encore.

 

 

Off Road (Urban Indies, Urban Comics, Oni Press)

Ecrit et dessiné par Sean Gordon Murphy

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