
On a lu… Spider-Man par Joe Michael Straczynski – Tome 1
Profitons de la sortie du film The Amazing Spider-Man 2 et de la mise en route d’une nouvelle collection chez Panini Comics, pour se pencher sur notre Tisseur préféré qui, à l’aube du XXIème siècle, n’était pas dans une forme très brillante. Heureusement l’arrivée d’un ancien monsieur de la télé allait tout changer.
On s’en était fait l’écho il y a quelques temps, voilà donc que débarque Marvel Icons, la nouvelle collection de Panini Comics, et si on le souligne aujourd’hui, c’est que celle-ci représente une belle proposition pour un lectorat plus élargi. Champion sans conteste de l’offre en kiosque, l’éditeur italien eut plus de mal à mettre en place une gamme intéressante pour le plus grand nombre en librairie, et à gérer un patrimoine important et grandiose. Dans un pays qui ne jure que trop par l’album, cela représentait un handicap d’autant plus lourd que la concurrence était de plus en plus présente.
Avec le recul, on ne peut qu’être contents que Panini perde les droits d’édition des œuvres de DC Comics, car non seulement Urban fait un travail remarquable, mais l’arrivée de ce nouveau larron émula un éditeur qui s’endormait un peu trop sur ses lauriers. Il est ainsi assez incroyable que les travaux de Jack Kirby pour Marvel soient pour la plupart indisponibles chez l’éditeur, tout comme l’écart important entre parution en kiosque et ré-édition en librairie devenait de plus en plus problématique. Si la collection Marvel Now ! comble aujourd’hui ce dernier problème, le premier est toujours présent du moins jusqu’à présent.
Alors que la politique éditoriale de Panini met principalement en avant le personnage, voilà que la collection Marvel Icons se place dans une logique d’auteurs. A l’instar de la collection DC Signature (Grant Morrison présente Batman, Ed Brubaker présente Catwoman, Geoff Johns présente Green Lantern…), cette collection va proposer au lecteur des runs¹ importants et emblématiques. Avec la sortie du prochain opus de Spider-Man par le réalisateur Marc Webb, il semblait évident que l’Homme-Araignée allait inaugurer la collection.
Si le personnage vit actuellement une très grande période grâce au scénariste Dan Slott (laissez en paix quelques temps l’auteur de ses lignes, qu’il puisse rattraper son retard, et il vous dira tout le bien qu’il pense de son travail), Panini préfère revenir sur le run de Joe Michael Straczynski, un choix évident tant celui-ci a le triple avantage d’être assez récent² (il débuta en 2001), d’être toujours populaire (du moins à ses débuts) et de représenter une porte d’entrée parfaite pour les nouveaux lecteurs.
Alors que Batman et Superman sont les étendards de DC Comics, Spider-Man est le symbole même de Marvel. Le tisseur est LE héros de la firme et son atout majeur. Le lien entre les deux est tel qu’on pourrait croire que l’état de l’un influe sur l’autre. Peut-être était-ce d’ailleurs le cas au cours des années 90, quand Marvel fut au bord de la banqueroute. A la même période, Spider-Man était englué dans ce qu’on appela La saga du clone, un vaste gloubiboulga indigeste qui tentait de faire évoluer le statu quo de l’univers du tisseur de la pire manière qui soit (« le personnage que vous avez aimé depuis des années est un clone ! ») pour faire une marche arrière monstrueuse devant l’échec monumental en faisant revenir un personnage qui n’en avait pas besoin, Norman Osborn alias le Bouffon Vert.
Avec un personnage au plus mal, Marvel tenta de relancer le titre au numéro un, avec l’aide de John Byrne, en vain. Sa tentative de redéfinir les origines du héros (dans la mini-série Spider-Man – Chapter One) fut pour le moins lamentable et pathétique. Dans le même temps, Howard Mackie peinait totalement dans l’écriture de la série régulière. L’erreur alors était de vouloir faire table rase d’un héritage qui était pourtant la force même du personnage. Heureusement quand on tombe aussi bas, on ne peut que se relever et c’est ce qui arriva à l’aube de l’an 2000.
La mise en chantier du film Spider-Man par Sam Raimi servit peut-être d’électrochoc pour Marvel qui décida de reprendre en main correctement le personnage. Le début du siècle est un véritable renouveau créatif pour l’éditeur qui voit arriver le dessinateur Joe Quesada au poste d’éditeur en chef. Celui-ci va prendre plusieurs décisions et relancer la machine. Parmi ces décisions, l’une des plus importantes fut la création de la gamme Ultimate. Conscient du barrage psychologique que représente la continuité pour une partie du lectorat, Quesada propose avec Ultimate un nouvel univers Marvel qui repart à zéro. Fer de lance de cette collection Ultimate Spider-Man de Brian Bendis et Mark Bagley propose donc les aventures de Peter Parker, un adolescent de son temps qui développe des supers-pouvoirs après avoir été mordu par une araignée génétiquement modifiée.
Si le succès est au rendez-vous c’est notamment parce que la série existe en parallèle de l’univers Marvel officiel. Contrairement à la tentative de relance de Byrne, il n’y a pas ici de tentative de réécriture du passé. Le film est bientôt prêt et Ultimate Spider-Man est un succès, il faut donc que la série The Amazing Spider-Man revienne également en grâce. On conclut alors le run de Mackie et on repart avec une équipe créative prestigieuse : Joe Michael Straczynski au scénario et John Romita Jr au dessin.
Au moment où l’auteur de Rising Star et Midnight Nation reprend le titre en juin 2001, il sait très bien pourquoi Spider-Man est un personnage aussi populaire depuis des années. La vie n’a jamais fait de cadeaux à Peter Parker, il est un malchanceux né et pourtant malgré cela, il ne se laisse jamais abattre et fera toujours face aux épreuves qu’il trouvera sur sa route. Quelque part, le personnage crée par Stan Lee et Steve Ditko est un vrai héros du peuple, tel Rocky Balboa, c’est sa capacité à se relever après chaque coup qui fait qu’on l’aime autant.
Straczynski et Quesada ont très bien compris cet état de fait. Il n’est donc pas étonnant que quand commence le run de l’auteur, notre héros soit revenu à une situation qu’on lui connait bien. Célibataire (il est séparé de Mary-Jane Watson), vivant dans un petit appartement miteux et souvent fauché, il ne peut que compter sur les photos qu’il vend au Daily Bugle et l’aide de Tante May. Bref une situation tout ce qu’il y a de plus classique pour le personnage. Et c’est cela qui marche ! C’est cela qui nous fait aimer Spider-Man, c’est cela qui fait venir un nouveau lectorat désireux de connaître l’univers d’un des plus grands héros de la bande dessinée.
The Amazing Spider-Man par Straczynki et Romita Jr, c’est quelque part le retour à un certain âge d’or du personnage. Toutefois ce contexte ne sera pas un but mais surtout un moyen pour l’auteur afin de tisser ses histoires. Straczynski ne fait pas table rase du passé et n’occulte pas le fait que Parker n’est plus un adolescent, mais un homme. Ainsi tout en conservant un certain mantra du personnage, il n’hésite pas à le faire évoluer. Peter devient ainsi prof dans son ancien lycée afin d’essayer de transmettre ses connaissances à la jeune génération.
« Ecoute bien. C’est une chose à laquelle tu n’as jamais réfléchi. C’est la question à mille francs. Est-ce parce qu’elle était radioactive que cette araignée t’a donné tes pouvoirs ? Ou essayait-elle de te donner ces pouvoirs avant que les radiations la tuent ? Qu’est-ce qui vient d’abord ? Les radiations ? Ou les pouvoirs ? L’oeuf ou la poule ? Ou les pouvoirs ? » – Ezekiel
La question de l’héritage et de la transmission sera au centre des épisodes présentés dans cette édition et personnifiée par le personnage d’Ezekiel. Être étrange aux pouvoirs similaires à notre héros, Ezekiel va questionner Peter (et le lecteur) quant à la nature exacte des pouvoirs de Spider-Man, et l’entraîner vers des chemins que notre héros a rarement emprunté, ceux de la magie, des légendes et de la mythologie. L’approche totémique du personnage est intéressante et Straczynski développe une histoire qui tient en haleine le lecteur. Pour autant il n’oublie pas que The Amazing Spider-Man est aussi un soap-opera où chaque événement qui se déroule dans la sphère privée de Peter est tout aussi, voire plus, important que les rebondissements dans la vie de super-héros.
Bien que séparé de sa femme, Peter n’en reste pas moins toujours amoureux et la reconquête de sa dulcinée sera un des enjeux des premiers épisodes. Mais c’est surtout la relation entre Peter et sa tante May qui va profondément changer. La découverte de cette dernière du secret de son neveu, fait partie des meilleurs épisodes de la série. Le moment que Peter redoutait le plus arrive, et la résolution va donner lieu à une discussion où chacun ouvrira son cœur à l’autre, et se libérera d’un poids énorme. Un formidable épisode qui ne perd rien de sa force et de sa justesse et cela malgré les années passées et le relaunch de cette période³.
Totalement moribond au début des années 2000, Spider-Man revient donc sur le devant de la scène de manière époustouflante, grâce à l’aide de l’auteur de Babylon 5. Si on reste bien plus circonspect quant à la suite de son run, on ne peut que saluer ses premiers épisodes qui renouent avec un certain âge d’or du personnage et qui se révèlent parfaits pour les lecteurs qui aimeraient découvrir les aventures du tisseur. Drôle et bondissant, Spider-Man redevient sous nos yeux le grand héros qu’il fut, et qu’il restera encore longtemps.
Spider-Man par Joe Michael Straczynski – Tome 1 (Marvel Icons, Panini Comics, Marvel Comics) comprend les épisodes US de The Amazing Spider-Man #30 à 45.
Ecrit par Joe Michael Straczynski
Dessiné par John Romita Jr
Prix : 35.50 €
Critique basée sur l’édition parue en kiosque
¹ Ensemble d’épisodes écrits à la suite ou presque par le même scénariste et/ou dessinés par le même artiste.
² Et il ne faut pas se voiler la face. A quelques exceptions près, hélas, plus c’est ancien et moins cela intéresse. La plupart du temps pour des raisons peu crédibles.
³ Aujourd’hui May ignore que Peter est Spider-Man.
Et dire que tout cette belle aventure, qui avait si bien commencé, se terminera dans le caca le plus suprême avec One More Day…
J’aime beaucoup ce qu’a fait Straczynski, même à la fin (peut être encore plus à la fin). Il a réussi à faire évoluer Peter Parker dans le bon sens.
Malheureusement le gros Quesada pissera sur tout ça pour effectuer ce retour en arrière impardonnable.