On a lu… Superman – Red Son de Mark Millar, Dave Johnson et Killian Plunkett

On a lu… Superman – Red Son de Mark Millar, Dave Johnson et Killian Plunkett

Note de l'auteur

Superman – Red Son

Avec un mois d’avance sur leur planning, Urban Comics nous proposent la belle ré-édition de Superman – Red Son. Un récit qui s’inscrit dans un exercice souvent passionnant et dont la non moindre de ses qualités, est de nous montrer qu’il arrive même à Mark Millar d’écrire une bonne histoire.

 

Mini-série en trois numéros, Superman – Red Son fait partie d’une collection que DC Comics avait baptisé Elseworlds dont le principe était de proposer des histoires déconnectées de la continuité officielle, et de se baser sur le changement d’une donnée importante de l’histoire d’un personnage.  Par exemple que se passerait-il si Superman n’avait pas été recueilli par la famille Kent en s’écrasant sur Terre ? C’est ainsi que se base l’histoire qu’Alan Davis nous raconte dans la mini-série Le Clou. Marvel est également familier de cet exercice avec sa série What If ? (dont la première série fut publiée entre 1977 et 1984) qui nous montrait des courts récits tels que Et si… Les Vengeurs n’avaient jamais existé ? (What If ? #3), Et si… Ben Parker n’était pas mort ? (What If ? #46) ou bien encore Et si… la Fille Invisible avait épousée Namor ? (What If ? #21)

 

De par leur nature même, ces histoires sont généralement excitantes tant pour le lecteur assidu qui y trouve une certaine fraîcheur, que pour le lecteur occasionnel qui peut plonger tranquillement dans l’aventure sans craindre de ne rien comprendre. Pour l’auteur c’est également un vaste champ de possibilités qui lui est offert, il peut ainsi faire mumuse avec les personnages sans qu’on puisse lui reprocher de faire n’importe quoi. Libérés des contraintes éditoriales inhérentes à une production basée sur la continuité d’un vaste univers partagé par des milliers de personnages, les scénaristes et les dessinateurs peuvent s’en donner à cœur joie et offrir des nouvelles visions de certains héros.

 

Outre Le Clou d’Alan Davis, nous pouvons citer le grandiose Kingdom Come de Mark Waid et Alex Ross qui nous montre un futur où les super-héros que l’on connaît ont laissé la place à une génération plus contestable dans ses agissements, ou bien encore le très beau Et si… le Tireur n’avait pas tué Elektra ? (What If ? #35) écrit et dessiné par Frank Miller (dont le chef d’oeuvre Batman : The Dark Knight Returns peut être vu comme une histoire Elseworlds). Exercices qui reviennent régulièrement dans le planning des éditeurs, ces histoires que l’on pourrait qualifier d’hypothétiques peuvent même, avec le temps, s’inscrire dans l’histoire officielle de nos héros. Ainsi le Et si… le clone de Spider-Man avait survécu ? (What If ? #30 de décembre 1981) n’est plus du tout une hypothèse de nos jours.

 

Nous connaissons tous la légende. Alors qu’ils roulaient sur une petite route de campagne des États-Unis, Martha et Jonathan Kent assistent à la chute d’un météore qui s’avère être en fait une capsule spatiale avec à son bord un bébé. Élevé par ce couple de fermiers, le petit bonhomme, rebaptisé Clark Kent, devient une fois adulte le plus grand des super-héros : Superman.

 

Mais que ce serait-il passé si au lieu de tomber dans un champ américain, la capsule du petit bonhomme s’était échouée dans une vaste prairie de Russie ? C’est sur ce postulat tout simple mais au potentiel diablement excitant, que le scénariste Mark Millar (The Autority, Ultimate X-men, The Ultimates et bien sur Kick-Ass) et les dessinateurs Dave Johnson et Kilian Plunkett vont créer Superman – Red Son.

 

Qu’il soit américain ou russe, Superman reste Superman

Habitué à nous resservir des plats sans saveur voire même à cuisiner des immondices qui provoqueraient un avc immédiat à Gordon Ramsay¹, Mark Millar s’est pourtant bien sorti les doigts du fondement et nous offre un récit tout simplement passionnant. La grande force de Superman – Red Son se trouve ainsi dans sa capacité à conserver les fondamentaux d’un personnage malgré le chamboulement total de son environnement (prends-en de la graine Zack Snyder). Même si Superman devient l’icône de l’union des républiques socialistes soviétiques et le protégé de Joseph Staline, il n’en demeure pas moins qu’il reste un héros universel qui sauve les gens où qu’ils puissent être.

 

Bien sûr le renversement de la situation initiale du héros s’applique à d’autre personnages. Lex Luthor devient ainsi le héros d’une Amérique en perdition face à un régime communiste qui compte de plus en plus de pays adhérents à sa doctrine. Si on retrouve la lourdeur de Millar dans certains aspect de l’histoire (notamment dans une description géo-politique du monde assez manichéenne et dans l’incohérence de la présence de certains personnages²), celle-ci est largement compensée par un sens de la démesure assez incroyable qui ne perd jamais en route le caractère quasi-mythologique de ses personnages. Même renversé et extrêmement réduit, compte tenu du grand nombre d’années que couvre le récit, le combat entre Superman et Luthor n’en demeure pas moins grandement épique.

 

Du savant fou au président du pays en passant par l’industriel doué, Millar arrive même à nous offrir un vaste panel des différentes versions de Luthor que le comics a pu nous montrer durant plus de 75 ans. Le nemesis de Superman est tellement sublimé dans Red Son qu’on peut se demander si ce n’est pas lui le héros de cette bande dessinée. Une question d’autant plus légitime au regard d’un final renversant et s’inscrivant dans la tradition d’une certaine science-fiction cinématographique des années 60 et 70.

 

En jouant habilement de son postulat de base, Mark Millar offre avec Superman – Red Son un excellent récit que tout à chacun peut lire avec plaisir. Que vous soyez fan du personnage (et dans ce cas je pense que vous avez déjà eu l’occasion de savourer cette histoire) ou néophyte complet voici une aventure que vous ne serez pas prêt d’oublier.

 

 

Superman – Red Son (DC Deluxe, Urban Comics, DC Comics)

Ecrit par Mark Millar

Dessiné par Dave Johnson et Killian Plunkett

 

 

 

¹ Oui, on n’aime pas Kick-Ass

² En quoi le fait que Superman s’écrase en Russie influence la naissance de Batman dans ce même pays et non aux USA ?

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