On a lu… Temps Morts – Tome 1 : Murmures

On a lu… Temps Morts – Tome 1 : Murmures

Note de l'auteur

Temps Morts – Tome 1 : Murmures

Comic book et série télé sont deux arts que l’on associe souvent. Toutefois, si les passerelles sont nombreuses, il serait malhabile de croire que ces deux formes de narration sont identiques. La sortie récente du premier tome de la série Temps Morts nous donne l’occasion de le constater. Jim McCann pensait peut-être écrire des épisodes d’une série, malheureusement pour lui, il oublia qu’il s’occupait d’épisodes d’une BD.

Manhattan de nos jours. Ellen Petersen est une jeune femme tout ce qu’il y a de plus normale avec une famille, des amis et un petit copain. Pourquoi chercherait-on donc à la tuer ? C’est la question qu’elle se pose alors que, suite à un accident, son corps est dans le coma et son esprit vogue dans une sorte de limbe où se retrouvent tous les gens dans le même état qu’elle. Mais à la différence de tous ces individus, Ellen découvre qu’elle a la capacité de transporter sa conscience dans d’autres corps. En se servant de cette habilité unique, elle va tenter de découvrir la vérité sur sa tentative de meurtre. Témoin de ses investigations, le lecteur va quant à lui vite découvrir que l’environnement social et familial d’Ellen n’est pas si rose que cela.

Écrit par Jim McCann et dessiné par Rodin Esquejo, Temps Morts (Mind the Gap en VO) est une des dernières productions d’Image Comics (un éditeur bien revenu en force depuis quelques années) et arpente les rivages d’un genre assez peu exploité, celui du thriller fantastique. Ici point de zombie, de super-slips ou de saga cosmique, mais plutôt une histoire tentaculaire avec une base de fantastique tout ce qu’il y a de plus classique serait-on tenté de dire. Car le classicisme pourrait être une signature de la série tant celle-ci utilise des codes et des idées déjà vus auparavant. Regardez plutôt :

Pardon c’était trop tentant. Merci Les Nuls

Temps Morts se base sur une narration éclatée entre différents personnages dont Ellen Petersen est le point commun. Ainsi nous faisons la connaissance de sa meilleure amie, de son copain, son frère, son père et sa mère ainsi que d’une médecin et de sa compagne policière. C’est à travers eux et leurs interactions que nous découvrons leurs différentes histoires et que nous devinons que l’accident d’Ellen cache une histoire de complot bien vaste et bien mystérieux pour le moment. Multiples personnages cachant des secrets, histoire hyper-feuilletonnante et grand mystère (singulier ou pluriel ?) ; on a vite fait de voir en Temps Morts un énième ersatz de Lost comme il en fleurissait à la télévision il y a quelques années de cela.

Mind the Gap #3

Comme ces multiples clones à la durée de vie éphémère, la série de Jim Mccann a du mal à nous passionner, car Temps Morts a les mêmes problèmes d’écriture qu’on retrouve dans des séries telles que Flash-Foward ou The Event accentués par le fait que McCann semble oublier qu’il n’écrit pas pour la télé. Un comic d’une vingtaine de pages sortant tous les mois et un épisode de 40 minutes diffusé de manière hebdomadaire ne peuvent être écrits de la même manière. Le rythme à insuffler à l’histoire est différent du simple fait de la différence de participation entre un lecteur et un spectateur. Un lecteur contrôle la vitesse de sa lecture (1), là où le spectateur va consciemment se laisser diriger par l’épisode de la série tv.

Si Temps Morts pourrait faire illusion en tant que show télévisé, il se prend rapidement les pieds dans le tapis en temps que comic. L’histoire est véritablement trop longue à mettre en place (ainsi Ellen n’utilise sciemment ses capacités qu’à partir du cinquième numéro) et on reste dubitatif face à une histoire de complot dont on n’a quasiment aucun élément auquel s’accrocher pour que notre esprit tisse des hypothèses nous donnant envie de lire la suite. Il en est de même pour des personnages quasiment tous classés dans la catégorie « pas si innocents que cela » d’une façon parfois si caricaturale qu’on se demande pourquoi ils ne portent pas un panneau avec écrit dessus : « Je suis un putain de gros fourbe et je vais te poignarder dans le dos quand tu t’y attendras le moins ». Au final seul le frère d’Ellen apparaît comme un personnage véritablement intéressant de par sa nature ambiguë.

Pour ne rien arranger, le dessin de Rodin Esquejo a vite fait de nous ennuyer voire de nous énerver. Passe encore qu’on ait du mal à comprendre certaines scènes et que certains personnages se ressemblent énormément, mais ses tentatives de mise en scène tombent généralement à l’eau. Il suffit simplement de voir ses pages en plongée et contre-plongée avec un très mauvais sens de la perspective pour s’en rendre compte. On croirait voir des personnages en format SD.

Exemple d’effet raté

Temps Morts est-elle une mauvaise BD ? On pourrait le croire à la lecture de ces cinq premiers numéros. Néanmoins, certains éléments et pistes nous donnent envie de donner une chance à la suite. D’une part on peut espérer qu’après cette lonnnngggguuueeee introduction, l’histoire se développera convenablement et qu’on aura enfin un plus large aperçu des différents mystères de la série. D’autre part, certaines relations et personnages retiennent notre attention (on pense notamment au docteur Gina Geller et sa femme ou bien encore à Blake Robert Plangman) et Esquejo n’échoue pas dans toutes ses tentatives. Telle une série ayant mal démarré mais nous donnant quelques éléments auxquels se raccrocher, on a envie de continuer encore un peu Temps Morts en espérant la voir s’améliorer.

 

(1) Bien que les auteurs de BD usent de techniques passionnantes pour tenter de contrôler la vitesse de lecture des lecteurs (ah bon ?).

 

Temps Morts – Tome 1 : Murmures (Contrebande, Delcourt, Image Comics) comprend les épisodes de Mind the Gap #1 à #5 écrits par Jim McCann et dessinés par Rodin Esquejo

Partager