
On a lu… Wonder Woman – Tome 3 : De sang et de fer
Et Zeus créa la femme ! Avec la sortie du tome 3 de la série Wonder Woman, Urban Comics nous confirme que Brian Azzarello et ses compagnons dessinateurs mettent admirablement bien en scène l’épopée de la plus grande des super héroïnes.
Créée en 1941 par William Moulton Marston, Wonder Woman n’est pas seulement une des premières super-héroïnes du genre, elle en est surtout la plus illustre. Membre fondateur de la Justice League, elle forme avec Superman et Batman la trinité mythologique de l’univers de DC Comics, et à l’instar de ces deux figures elle a su évoluer au fil des décennies parvenant même à devenir une incarnation de son époque et cela bien au-delà de son média d’origine.
Wonder Woman c’est bien entendu la série télé de 1975 dans laquelle Linda Carter est devenue l’incarnation parfaite de l’amazone au même titre que Christopher Reeve est et restera Superman pendant encore de nombreuses années. Wonder Woman c’est aussi une figure féministe forte, qui arrive à surfer sur les époques (la fameuse période de 1968 où elle perdit ses pouvoirs et devint une sorte de nouvelle Emma Peel qui n’aurait pas besoin de Steed dans ses aventures) tout en arrivant à revenir à son héritage purement mythologique (tout l’univers de l’héroïne convoque le panthéon de l’Olympe depuis de nombreuses années).
Bref Wonder Woman c’est LA femme, celle qui en inspira des centaines d’autres que ce soit dans les pages des bd, à la télé où bien même dans la vie réelle. Wonder Woman c’est aussi et surtout un comics qui connut des bas mais surtout des hauts, avec notamment le run de George Perez qui re-définira tout l’univers de l’héroïne avec le grand événement Crisis on Infinite Earths. Parmi les auteurs illustres on peut également citer John Byrne, Greg Rucka et Gail Simone dont Urban nous proposa le dernier épisode dans le DC Anthologie. Un dernier épisode en forme d’hommage vibrant à l’héroïne et l’exemple qu’elle donna à ses consoeurs. Un au revoir touchant avant le grand chambardement des New 52.
Le sort de Wonder Woman suivit un peu celui de ses compagnons lors du grand relaunch de DC qui intervint en 2011, alors que la série phare de l’éditeur, Justice League, nous proposait vainement une équipe tentant de renouer avec le travail de Grant Morrison¹, les séries individuelles des membres de la Ligue s’en sortaient bien mieux qualitativement parlant.
Snyder et Capullo sur Batman, Manapul et Buccellato sur Flash, et Grant Morrison sur Superman (dans la série Action Comics) nous vengeaient alors d’une Justice League qui n’était plus que l’ombre d’elle-même en nous décrivant des personnages frisant plus la caricature que l’archétype. Grâce à Brian Azzallero, Wonder Woman connut le même bénéfique traitement. Connu dans nos contrées pour être le scénariste de 100 Bullets, il prit en charge le destin de l’amazone avec une certaine audace qui se révéla à long terme assez payante.
En fait Azzarello n’envoya pas valdinguer tout le travail de ses prédécesseurs mais s’en servit pour effectuer une relecture de l’univers de Wonder Woman. Faisons un rapide point : Wonder Woman est une jeune femme venant de l’ile de Themyscira, une île peuplée de farouches guerrières s’étant volontairement coupées du monde depuis des centaines d’années. Diana alias Wonder Woman est la fille d’Hippolyte, la reine des Amazones. Née de la glaise et du vœu d’Hippolyte d’avoir un enfant, Diana deviendra une guerrière accomplie et partira ensuite explorer le monde et combattre de nombreux ennemis notamment ceux issus de la mythologie grecque.
S’il conserve au départ cette base, Azzarello va rapidement s’en affranchir pour proposer une nouvelle relecture des origines de Wonder Woman. Alors qu’elle se croyait enfant unique née d’un quasi miracle, l’amazone va rapidement découvrir qu’elle est en fait le fruit des amours d’Hippolyte et de Zeus. Dès lors notre héroïne se découvre une nouvelle famille qui s’avère ne pas être la plus tranquille qui soit, car les dieux sont joueurs, irrascibles et pour le dire franchement assez cons.
Au même moment qu’elle apprend ses véritables origines, Wonder Woman va devoir protéger une jeune femme qui s’avère porter un enfant de Zeus (faut-il rappeler que le dieu de la foudre est le plus grand queutard qui soit ?) et dont une prophétie affirme qu’il tuera l’un des dieux de l’Olympe. Cible de plusieurs dieux et en premier lieu d’Héra, épouse du Rocco Siffredi de l’Olympe, la future maman peut compter sur la plus grande des héroïnes pour protéger sa vie.
Au fur et à mesure du récit, Azzarello ré-invente une mythologie en mettant en avant l’une de ses caractéristiques fondamentales : la chronique familiale. Tous membres d’une seule et même famille, les dieux et demi-dieux ne se portent pas pour autant dans leurs cœurs. Wonder Woman va donc devoir affronter des frères, sœurs, oncle, tante et belle-maman à la rancune tenace. C’est bien simple, on se croirait dans une série HBO. Le Trône de fer chez les Grecs ou Les Sopranos sur l’Olympe en somme.
Avec une approche aussi universelle et pouvant offrir des interactions et des antagonismes très forts, Brian Azzarello apporte un vent de fraicheur à la série. Très clairement, celle-ci se place dans le peloton de tête des meilleures séries de l’éditeur. Le scénariste sait gérer ses différents personnages et propose des aventures passionnantes. Cette approche est d’autant plus payante qu’Azzarello n’en oublie pas la dimension mythologique de la série. Il est aidé en cela par Cliff Chiang ou Tony Akins qui nous propose une nouvelle version des dieux bien loin du cliché qu’on peut s’en se faire. Ainsi, Poséidon apparaît comme un immense monstre marin et Hadès comme un gamin sans visage. Une approche visuelle audacieuse qui nous renvoie par exemple au travail effectué par les auteurs du jeu vidéo God of War.
Et Wonder Woman dans tout cela ? L’amazone apparaît plus majestueuse que jamais tout simplement. Encaissant durement ses origines et les conséquences dramatiques que cette nouvelle produit sur son peuple, l’amazone fait tout de même face aux épreuves qui l’attendent. Jouant à égalité avec les dieux, Wonder Woman brille par sa majesté, sa puissance et son sex-appeal revendiqués comme une force. Guerrière, femme et mère (la série nous la montre se construisant une nouvelle famille), Wonder Woman est bien loin de la potiche bimbo croquée par Geoff Johns et Jim Lee dans Justice League.
Directement sortie en libraire sans passer par la case kiosque, la série Wonder Woman s’affirme donc comme une des œuvres les plus marquantes d’Urban Comics. Avec cette relecture de la mythologie grecque, Azzarello se place dans la lignée de ses pairs et offre à l’amazone des aventures dignes de son rang de plus grande des super-héroïnes.
Wonder Woman – Tome 3 : De sang et de fer (DC Renaissance, Urban Comics, DC Comics) comprend les épisodes #0 et #13 à #18 de la série Wonder Woman (2011)
Ecrit par Brian Azzarello
Dessiné par Cliff Chiang (#0, #15, #16, #18), Tony Akins (#13, #14, #17, #18), Amilcar Pinna (#17), Daniel Green (#18), Goran Sudzzuka (#18)
Prix : 17.50 €
¹Celui-ci se basant sur une caractérisation divine des membres (chacun d’entre eux étant alors implicitement associé à un dieu grec : Zeus pour Superman, Hadès pour Batman, Hermès pour Flash, Athena pour Wonder Woman etc etc)