
On a vu… que pour le final de Dexter: « C’est la faute à Showtime »
Parfois, être scénariste, ça n’est pas évident. Du tout. Pression des producteurs, pression de la chaîne… Très facile de rompre sous ce poids monumental. Se conformer. Se résoudre à suivre un chemin qu’on ne voulait pas suivre. Céder.
Ayons une pensée, en ce jour gris et froid (1), pour John Goldwyn, producteur de Dexter, qui prend un problème sérieux de scénariste (la nécessité ponctuelle de compromission) pour le faire sien. Si le final de Dexter était tout pourri, c’est parce que c’est la faute… de Showtime.
Hop là, les mains en l’air, « j’y suis pour rien ! C’est pas moi, c’est l’aut’, là, dans le costume ! Moi ma fin elle était super, la sienne elle pue du cul, mais j’ai du la faire. Parce qu’il a un costume ».
Je SPOILE encore Dexter, hein… pour ceux qui en ont encore quelque chose à faire. Oui, vous êtes deux, je sais, le reste du monde s’en bat les genoux. Les scénaristes avaient donc une super fin. Une fin épique. Un truc de dingue. Ils allaient tuer Dexter. J’espère que vous étiez assis. Mais Showtime (la voix du diable) leur a dit NON ! On ne veut pas qu’on tue Dexter. « Dexter c’est notre Batman (what ?) ». Ils veulent se laisser la porte grande ouverte pour faire revenir le gentil tueur sur leurs ondes.
Je suis d’accord, l’idée de faire revenir Dexter est d’une débilité absolue, mais soit. Que nous apprend John Goldwyn, le producteur de Dexter qui s’est épanché dans la presse, en disant : si c’est tout pourri, c’est parce qu’on a pas pu le tuer ? Que, lorsqu’on doit laisser son antihéros survivre à la fin d’une série, il finit en chemise à carreaux, barbu, et son métier c’est bucheron.
Sans déconner.
« Goldwyn : Hé, les mecs, ils veulent pas tuer Dexter !
Buck : Ah naaaaaaaan ! Merdeeeuuuuuh ! Mon idée, cassée !
Goldwyn : On fait quoi ?
Buck : Arrrghhhhghhg, gnaaaaaaaa…
Goldwyn : Calmes-toi, Buck, j’ai peut-être un truc.
Scénariste 1 : Il finit clown ?
Goldwyn : Nan.
Scénariste 2 : Dictateur en Argentine, ça justifierai ce qu’on dit comme conneries depuis 5 épisodes.
Goldwyn : Nan.
Buck : Gaaaaaaaaaaaa !
Goldwyn : Non plus, mais je note, c’est pas mal. Il finit bucheron.
Buck fait des bruits de phoque en applaudissant. Fondu au noir. »
Ce qu’oublie Goldwyn, quand il vient pleurnicher auprès des médias pour blâmer Showtime, c’est que sa série est merdeuse depuis 4 ans. Pas juste depuis le finale. Le finale n’a fait que cristalliser la déception générale des gens. Il ne s’agit pas ici d’un effet de loupe, comme le fut le finale de Lost. La fin de Dexter, c’est la cerise fermentée sur un gâteau moisi. Pas la tache qui ternit une œuvre autrement divertissante.
Ça fait 4 ans que la série va de déception en déception. Que chaque année on essaie de sauver des trucs : « Non, mais Lumen elle était bien » (5e saison); « Non mais le premier épisode il était coolos, et les meurtres étaient impressionnants » (saison 6); « Non, mais le méchant, au début, il est top » (Saison 7); *bruits de criquets* (Saison 8).
De foutages de gueules en foutages de gueules, les prods de Dexter ont fait exactement les mêmes erreurs que leur diffuseur. Si Showtime a renouvelé tous les ans une série qui avait perdu tout intérêt parce que les audiences étaient excellentes, ses auteurs, eux, ont fait preuve de complaisance avec leur matériau pour cette même raison. Tant que ça marche, c’est que c’est bien, non ?
Si le finale de Dexter est pourri, c’est parce que ses responsables créatifs ont fait preuve d’une paresse absolue. Enchaînant les arches narratives sans intérêt, évacuant toute possibilité d’évolution au profit d’un status quo permanent, échouant à rendre les second rôles intéressants… une faillite totale.
La seule faute de Showtime, c’est d’avoir renouvelé la série (2). Pas d’avoir demandé à ce que Dexter survive. S’il était mort dans la tempête au volant de son bateau, monsieur Goldwyn, vous nous auriez juste évité un fou rire dans les derniers instants de votre série (3). Vous n’auriez pas évité la nullité que représente ce finale… et les 4 saisons qui l’ont précédées.
L’ami Goldwyn est même désavoué à l’intérieur même de son équipe. Le 23 septembre 2013, dans une interview pour EW, Le duo Scott Buck / Sara Colleton affirmait que la fin était leur idée, qu’ils l’avaient pitchée tel quelle. Dans cette interview pas dénuée d’humour involontaire (« On ne voulais pas se répéter », « Dexter a toujours été un demi-pas en dehors de la réalité, c’est de l’hyper-réalité » « Darri Ingolfsson (Saxon) est fabuleux »), ils viennent contredire les mots de Goldwyn.
Rassurant quand on sait qu’ils étaient censés bosser ensemble. Ceci explique peut-être cela.
(1) : Là où j’habite, il fait gris et froid. Je pars du principe que c’est pareil pour tout le monde. Sinon, je me met à pleurer en criant « pourquoi, pourquoi ? ». Et ça fait désordre.
(2) : Et là encore, la faute est relative : la série cartonne, pourquoi arrêter ? Personne n’a dit aux auteurs « on continue la série, mais surtout faites en de la merde ! ». Le calcul des exec de la chaîne est froid et pragmatique, certes. Mais c’est aux auteurs de tirer le maximum de la situation.
(3) : Encore une preuve de la paresse incroyable des auteurs. La chaîne dit « c’est notre Batman », du coup il finissent la série plus ou moins comme se termine « The Dark Knight Rises, avec le héros qui disparaît dans l’horizon, laissé pour mort, mais en fait non.
Tout pareil que vous dans les propos, franchement, ça faisait un bout de temps que c’était faisandé, et effectivement les mecs ont du se saouler grave la tête ces dernières années pour pondre quelque chose d’aussi incohérent et mal foutu.
PS : c’est malin, je suis de nouveau en colère alors que je m’étais calmée.
PPS : Ingolfsson est fabuleux ???? Deux secondes, je vais couper un arbre à la hache pour me calmer !!!!